Au moment où je réalise la chose, l'adolescente passe devant moi en hurlant :

- Eren ! Rends-moi Eren !

Je me dépêche de m'élancer à sa suite en l'appelant :

- Mikasa ! Attends ! Mikasa !

- N'essaie pas de me retenir, Éléonore ! réplique-t-elle sans ralentir. Je sauverai Eren coûte que coûte et personne ne m'en empêchera !

- Tu crois vraiment que je vais chercher à t'empêcher de sauver mon propre frère ? ! rétorqué-je en la rattrapant enfin. Je ne viens pas te retenir, Mikasa. Je viens t'aider à le sauver. Ensemble, nous allons ramener Eren !

Elle me lance d'abord un regard surpris, puis me rends le sourire déterminé que je lui adresse et nous accélérons la cadence pour rattraper le titan féminin.

- Eren ! Tu m'entends ? ! appelle ma soeur adoptive en attaquant la créature.

Pendant qu'elle s'en prend au haut de son corps, je vise les chevilles. Si je parviens à lui sectionner les tendons, elle ne pourra plus s'enfuir. Je commence donc à m'acharner sur ses pieds, enchaînant les coups de lames.

- Rends-le nous ! hurle la jeune femme en sectionnant le tendon de l'un de ses genoux.

Au même moment, ses chevilles lâchent enfin et elle tombe à trois pattes, l'une de ses mains étant plaquée sur sa nuque pour la protéger. Nous attaquons celle-ci simultanément, mais nos sabres se brisent au contact du cristal qui réapparaît. Nous nous posons donc contre le tronc d'un arbre pour changer nos lames.

- Ce n'est pas vrai ! se lamente Mikasa. Nos lames n'ont aucun effet sur elle !

- Elle est capable de durcir sa peau pour la protéger des attaques à l'arme blanche, lui expliqué-je.

- Il est encore en vie, me dit-elle, j'en suis certaine !

- Moi aussi, lui avoué-je en acquiescant.

- Eren, écoute-moi ! Je sais que tu peux m'entendre ! Où que tu sois, nous allons te sauver de cette femme ! Nous allons la découper en petits morceaux et te sortir de ce corps horrible ! Je te demande juste de tenir bon ! Encore un peu de patience, Eren ! Nous allons te libérer, je te le promets ! Je ne te laisserai pas tomber !

- Moi non plus ! affirmé-je en dégainant mes sabres.

Le titan féminin nous envoie son poing et nous sautons juste à temps pour l'esquiver. Elle prend ensuite à nouveau la fuite.

- Non ! Reste là ! lui ordonne l'adolescente.

Mais au moment où nous nous apprêtons à l'attaquer encore une fois, un bras vient entourer chacune de nous pour nous écarter du danger. Je tourne la tête en précipitation pour exiger de la personne qu'elle nous relâche, mais je reste sans voix en reconnaissant notre sauveur. Mon coeur manque un battement. C'est le caporal-chef Livaï. . .

- Ne jamais s'approcher de trop près, nous dit-il avant de nous relâcher.

Nous reprenons notre poursuite à ses côtés, pendant qu'il conitnue :

- Restez à peu près à cette distance. Je ne sais pas si elle commence à fatiguer, mais on dirait qu'elle a perdu en vitesse. Elle a réussi à arracher la nuque d'Eren d'un seul coup. Il y a de grandes chances qu'il soit déjà mort. . . nous prévient-il.

- Je suis sûre qu'il est encore vivant, rétorque-t-elle. Ce titan semble être doté d'intelligence. Son but est clairement d'enlever Eren. Si elle voulait le tuer, elle aurait pu l'écraser ! Au lieu de ça, elle l'a pris dans sa bouche et s'est battue jusqu'à trouver l'occasion de fuir.

- Je suis de l'avis de Mikasa, déclaré-je.

- Oui, mais il se peut aussi que son but ait été de dévorer Eren et si c'est le cas, il doit déjà être dans son estomac. Je ne vois pas comment il pourrait survivre à ça. . .

- Je vous dis qu'il est en vie ! insiste l'asiatique.

- Elle a raison. Si le titan féminin voulait manger Eren comme tous ses semblables, elle n'aurait pas pris le temps et le soin d'aspirer son corps en entier. Couper ses jambes aurait été plus rapide. Si elle s'est pris la tête à le gober intact, c'est qu'elle doit le garder dans sa bouche pour l'emmener loin de nous.

- Oui, puissiez-vous dire vrai. . .

- De toute façon, rien de tout ça ne serait arrivé si vous aviez correctement fait votre boulot et protégé Eren ! cingle-t-elle à son intention.

- Oh ! Non, Mikasa ! protesté-je. C'est de ma faute. . . C'est moi qui étais aux côtés d'Eren au moment où il affrontait le titan féminin. . . J'aurais dû l'extraire de son corps de titan quand j'en avais encore l'occasion. Au lieu de cela, j'ai perdu du temps à le raisonner alors que je savais qu'il ne m'écouterait pas dans un tel état de rage. . . Et même avant qu'il ne se transforme, j'aurais dû intervenir plus rapidement, mais j'ai été déstabilisée par. . .

Je m'interromps brusquement et lance un regard soucieux en direction de mon supérieur. Est-il déjà au courant ? Certainement, sinon il m'aurait demandé où étaient passés ses hommes. Je sens la culpabilité m'envahir.

- Tu n'as rien à te reprocher, réplique-t-elle. Je sais bien que tu as fait de ton mieux. En revanche, celui à qui a été confiée la sécurité d'Eren n'était même pas là au moment où il avait besoin d'aide ! finit-elle en jetant un regard empli de reproches au caporal-chef.

- Oh. . . fait ce dernier. Je me souviens, maintenant. . . ajoute-t-il en se retournant pour nous faire face. C'était toi, ce jour-là. Tu es l'amie d'enfance d'Eren. On doit s'en tenir à un seul objectif, poursuit-il en regardant à nouveau devant lui. Pour commencer, il faut renoncer à tuer le titan féminin.

- Pourquoi ? s'étonne l'adolescente. Cette chose a tué plusieurs de nos compagnons !

- Elle a la faculté de durcir sa peau à volonté, on ne pourra pas l'abattre. Désolé, mais il faut vous faire une raison. On va placer tous nos espoirs dans le fait qu'Eren soit encore en vie. Notre but est de le sauver avant qu'il sorte de la forêt. Je m'occupe de taillader cette vermine, vous, détournez son attention.

- Compris ! affirmé-je en la contournant avec la jeune femme.

Nous nous mettons volontairement devant elle pour la distraire, faisant semblant de nous apprêter à l'attaquer. Ceci dit, notre ennemie n'est pas dupe : en remarquant l'absence de notre supérieur, elle regarde autour d'elle et le voit du coin de l'oeil se préparer à l'assaillir. Je remarque au même moment que le caporal-chef Livaï tient ses sabres à l'envers. Je n'avais encore jamais vu un soldat faire cela. . .

- Attention ! le prévené-je en constatant que la créature se retourne pour lui donner un coup de poing.

Il se met aussitôt à tourner sur lui-même en remontant le long du bras de son adversaire, lui tailladant la peau. Il est si rapide que je ne vois que le reflet de ses lames sous le soleil tandis qu'elles tournent à toute vitesse. Il s'appuie ensuite sur son épaule pour se propulser contre son visage et lui crever les yeux. Il saute en l'air pour se laisser le temps de dégainer de nouvelles lames et repasse à l'attaque. En moins d'une seconde, elle a les tendons des genoux et des chevilles sectionnés et tombe dos à un arbre. Il passe ensuite aux muscles de ses épaules. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, ses bras tombent, laissant sa nuque à découvert, mais surtout, elle n'a plus aucun moyen de se défendre ! Nous allons pouvoir récupérer Eren ! J'esquisse un sourire à cette idée, lorsque je remarque que Mikasa quitte sa place à mes côtés pour enfoncer son grappin dans la chaire du titan. Elle s'apprête à la tuer !

- Non ! Arrête ! lui ordonne mon supérieur.

Elle ne l'écoute pas. Le titan commence à durcir la peau de sa nuque, mais surtout, elle brandit sa main en direction de ma petite soeur adoptive !

- Mikasa ! m'écrié-je en m'élançant dans sa direction.

Je me place entre son dos et la menace, puis passe mes bras autour d'elle pour faire de mon corps un bouclier humain, mais j'ai déjà témoigné de la puissance des coups de notre ennemie. Je sais pertinnemment que je ne suffirai pas à la protéger et que nous allons toutes les deux finir écrasées dans un instant. . . Je fixe la main de notre assaillante avec des yeux exorbités d'effroi, impuissante, comme toujours. . . Je sens les larmes monter et ne peux que penser :

"Pardon. . . Belle-maman. . . Papa. . . L'escouade Livaï. . . Caporal-chef. . . Mikasa. . . Pardon. . ."

Au moment où je nous crois perdues, je sens une main nous pousser et vois mon supérieur contrer la main du titan féminin avec son pied gauche, mais sa cheville se tord lorsqu'il marche entre une jointure. Le bruit de l'os craquant me fait serrer les dents. À lui aussi, d'ailleurs, mais il ne lâche qu'un léger gémissement de douleur et tranche la machoire du titan pour lui faire ouvrir la bouche.

- Eren ! s'exclame l'adolescente en le reconnaissant.

Il est couvert de salive, mais il est entier. Je pousse un soupir de soulagement. Notre supérieur le prend sous son bras et se pose sur une branche en nous ordonnant :

- Venez ! On n'a plus rien à faire ici.

- Eren. . . dit la jeune femme d'une voix émue.

- Je crois qu'il n'a rien. Il respire, même s'il est tout poisseux. Pour l'instant, on en a fini avec ce titan. Il faut se replier. N'oublie pas l'objectif de cette mission, ajoute-t-il à l'intention de l'asiatique, et ravale la colère que tu as contre elle. En tout cas, on voit qu'Eren compte beaucoup à tes yeux. . . dit-il en s'éloignant.

- Oh ? Non. . . C'est juste que. . . tente-t-elle de se défendre en détournant la tête.

- Ne te fatigue pas, il ne t'écoute même pas, l'interrompé-je avec un sourire bienveillant en posant une main sur son épaule. Personne ne te reproche rien de toute façon. Tu n'as pas à te justifier. Rentrons, conclué-je en m'élançant dans les airs.

Elle nous suit et, pendant que nous nous éloignons, le caporal-chef Livaï se retourne, révélant une expression de surprise. Étonnée par cette expressivité inhabituelle, je suis son regard pour tirer la même tête que lui en comprenant ce qui l'étonne : le titan féminin pleure.