Épisode 15 - Au Luxury Eve (Partie 1)
La musique était assourdissante. Enfin, non, peut-être pas tant que ça, mais Lars n’était plus habitué. A quand remontait sa dernière soirée au Luxury Eve déjà ? Il avait l’impression que c’était il y a une éternité. Lars ne savait même pas ce qu’il faisait là.
Bien sûr que tu le sais, railla la petite voix dans sa tête. Elle commençait décidément à prendre ses aises celle-là ! Même si elle n’avait pas tout à fait tort… Après tout, il brûlait d’envie qu’un certain petit Chat le retrouve et ce n’était pas en restant cloîtré dans son domaine que cela arriverait. Mais franchement, le ravissant blondinet prenait vraiment son temps pour venir récupérer ses affaires. Il n’était pas mort quand même ?!
Lars poussa un soupir à fendre l’âme en se calant plus confortablement dans son siège. Toute cette attente l’ennuyait profondément, il en regretterait presque de ne pas être allé chercher le petit Chat juste après sa débâcle avec le portail…
Ah si seulement c’était aussi simple ! La vérité, c’était que Lars n’avait aucune idée de l’endroit où avait bien pu atterrir le gamin. Il lui arrivait de jeter ses ennemis dans des vortex sans même savoir où ils pouvaient bien conduire. Résultat : il lui était impossible de rouvrir le portail en question. Cela le chagrinait tellement d’avoir à l’admettre, mais oui, sa magie avait des limites. Il n’avait plus qu’à espérer que l’adorable petit Chat n’ait pas été envoyé dans une dimension parallèle. Lars avait vraiment envie de le revoir.
Nouveau soupir et le jeune homme porta son verre de scotch à ses lèvres tout en embrassant le Luxury Eve du regard. Depuis le temps qu’il fréquentait les lieux, la décoration actuelle n’était pas celle qu’il préférait. Cédès s’amusait à rénover entièrement l’établissement au moins tous les dix ans et Lars en avait vu passer des styles. Il était accoutumé aux extravagances de son amie, mais sa dernière lubie était vraiment… tellement… Lars ne savait pas s’il devait être flatté ou bien affligé par tout ce violet.
L’architecture offrait un curieux mélange de marbre et de verre : le sol et les colonnades étaient d’un noir profond, des reflets violine dansaient paresseusement sur leur surface lisse. L’éclairage provenait de cercles lumineux gravés dans le plafond en pierre. Des banquettes capitonnées et d’une couleur mauve plus que douteuse s’alignaient le long des murs entièrement vitrés. Les miroirs sombres étaient piquetés de petits points scintillants, tel un ciel étoilé. Oui, bon, l’ensemble n’était pas si moche que ça après tout. L’ambiance à la fois gothique et feutrée aurait pu être agréable si ce n’était la musique : une sorte de capharnaüm vocal et instrumental, à mi-chemin entre ce qu’ils appelaient du heavy métal et de l’électro. Un véritable supplice pour ses oreilles délicates !
— Ce genre de chanson est super, chéri. Je trouve qu’elle met très bien dans l’ambiance, avait répliqué Cédès lorsqu’il lui avait fait remarquer à quel point la musique laissait à désirer. Et maintenant arrête de te plaindre, oublie un peu ton petit Chat et amuse-toi !
Elle l’avait ensuite laissé en plan pour aller s’occuper de ses clients, non sans l’avoir traité de vieux ronchon au passage.
S’amuser. Plus facile à dire qu’à faire quand il n'y avait personne d’intéressant avec qui passer le temps. Mis à part Cece, aucun de ses amis n’était dans les parages : aucune trace de Raz, ni Tian, et quand bien même, ils avaient été là, la soirée aurait vite tourné au vinaigre, comme à chaque fois qu’ils se trouvaient dans la même pièce. Cette sempiternelle rivalité entre les nains et les dragons était franchement ridicule !
Installé à sa table habituelle, à l’écart des autres, Lars lâcha un nouveau soupir ennuyé. Sa place lui offrait une vue d’ensemble sur les lieux : comme d’habitude, le bar et la piste de danse étaient bondés, le Luxury Eve jouissant d’une excellente réputation auprès de la communauté surnaturelle. Il faut dire que la neutralité de l’établissement permettait aux vampires, loups-garous, démons, sorciers et autres créatures de se côtoyer dans la paix, mais surtout la joie et la débauche. Que demander de mieux ?
D’ailleurs, depuis son arrivée, plusieurs personnes avaient bien tenté de l’aborder, mais Lars les avait tous sèchement envoyés paître. Il n’était franchement pas d’humeur et puis aucun de ces bougres ne lui plaisait. A croire qu’un certain blondinet aux yeux verts l’avait complètement envoûté... Sérieusement ? L’idée même était stupide !
Lars sortit une cigarette de son étui puis la porta à ses lèvres. Tout en l’allumant, il esquissa un petit signe impérieux de la main vers un serveur qui passait par là. Un dernier verre et après, il irait marcher un peu le long de la Tamise avant de rentrer chez lui. Retrouver Noro, qui comme d’habitude, avait catégoriquement refusé de l’accompagner.
— Vous désirez, monsieur ?
— La même chose, merci, répondit le magicien sans même lever la tête.
— Un verre pour moi aussi, serviteur, lança soudain une voix impérieuse.
Une seconde plus tard, une ombre immense enveloppait Lars, dans un cliquetis de métal. Pendant ce temps, le pauvre serveur détalait sans demander son reste.
— Bonsoir, Hilda, susurra le jeune homme d’une voix suave en tirant sur sa cigarette.
La nouvelle venue ne répondit pas, trop occupée à le dominer de toute sa taille et le toiser avec morgue. Elle était immense et revêtue d’une armure argentée qui épousait parfaitement les courbes musclées de son corps. La moitié supérieure de son visage était cachée derrière un heaume savamment forgé et d’où cascadait une épaisse chevelure blonde comme le blé. Une lance dans la main, elle respirait la puissance.
— Strøm, lâcha finalement la guerrière d’un ton sec.
Elle s’installa ensuite le plus loin possible que lui permettait la banquette. Puis, sans plus de cérémonie, elle planta sa lance dans le sol marbré, en gardant le manche à portée de main. Comment diable avait-elle fait pour entrer au Luxury Eve dans cette tenue et avec son arme par-dessus le marché ? Mystère.
— Les Dieux se décident enfin à envoyer quelqu’un pour récupérer leur breloque ! commenta Lars d’un ton railleur. Encore un peu et je m’en débarrassais.
— Je vois que tu es toujours aussi impertinent et dépravé, répliqua Hilda en désignant les lieux d’un geste méprisant. Exactement comme le fléau qui te sert de génitrice !
Mais oui bien sûr. Lars leva les yeux au ciel en buvant une gorgée de son verre, l’air ennuyé. Ah les Valkyries ! Toujours la même rengaine avec elles ! Sous prétexte qu’elles siégeaient aux côtés des Dieux, elles s’estimaient meilleures que toutes les pauvres créatures en ce bas monde. Elles avaient surtout une dent contre les enfants du Chaos et se faisaient une joie féroce de les exterminer. Soi-disant pour préserver la puissance et la gloire des Divinités mineures qui n’étaient pourtant plus qu’un lointain souvenir. Certes, leurs forces restaient toujours aussi colossales, mais les véritables fidèles se faisaient de plus en plus rares. Il était peut-être temps pour Odin, Zeus, Kali et toute la clique de songer à la retraite, mais surtout d’arrêter d’asservir et enquiquiner les braves gens !
— Je ne crois pas que le terme “génitrice” soit approprié pour ellui, finit par commenter Lars, rictus aux lèvres. Mais bon, de toute façon je m’en moque royalement.
Pour sa plus grande satisfaction, les traits d’Hilda se crispèrent de colère face à ses airs ironiques. Et le sourire de Lars s’élargit davantage, surtout lorsque la Valkyrie serra un poing rageur sur le manche de sa lance. Il devinait parfaitement ce qui la démangeait à cet instant précis : elle rêvait de l’embrocher avec son arme, de planter sa tête au bout d’une pique, puis de la brandir fièrement à Asgard. Et un fils du Chaos en moins ! Un !
Quel magnifique fantasme… qui ne se réalisera bien évidemment jamais. Hilda n’avait pas le droit de toucher à un seul de ses cheveux et encore moins le tuer. Et quand bien même les Dieux lui en donnaient la permission, Lars se ferait une joie de la renvoyer fissa au Valhalla. Il en venait presque à souhaiter qu’elle perde son sang-froid et l’attaque.
— Espèce d’abomination ! cracha cependant la guerrière en relâchant difficilement ses doigts autour du manche de son arme. Tu n’as vraiment aucun respect pour les Dieux ! Je ne comprends pas comment ils peuvent ne serait-ce que tolérer ta pathétique existence !! A leur place, je t’aurais tué dès la seconde même où tu as surgi des entrailles de L…
— Eh bien, quelle chance pour moi que tu ne sois rien d’autre qu’un misérable laquais dans ce cas, la coupa Lars d’une voix suave et pleine de condescendance.
Abomination. Fut un temps où cette insulte le blessait profondément. Aujourd’hui, elle glissait sur lui comme de l’eau sur les écailles de Jörmungand… Lars ne put retenir un léger ricanement à cette comparaison des plus ridicules ! Surtout que son cher frère détestait lorsqu’on faisait une quelconque allusion à ses précieuses écailles. Heureusement qu’il était beaucoup trop occupé à mordre le bout de sa queue dans les fins fonds des océans pour prêter une quelconque attention aux moqueries internes de Lars.
Bref !
— Et maintenant très chère Hilda, prends l’anneau et va-t'en. Tu m’empêche de profiter de la vie, déclara le jeune homme avec nonchalance.
Il ponctua ses dires d’un petit geste négligent de la main : Draupnir se matérialisa au creux de sa paume ouverte dans un nuage de fumée violette. L’anneau resta un instant immobile dans les airs, avant de flotter paresseusement vers Hilda. Lars se détourna ensuite d’elle avec dédain pour chercher du regard le serveur qui mettait décidément du temps à revenir.
La Valkyrie le fixa un moment d’un oeil noir, puis se leva dans une cliquetis de métal. Elle s’empara de Draupnir, le rangea soigneusement dans une petite bourse en cuir qui pendait à son cou. Plus rien ne la retenait désormais, Lars avait hâte qu’elle s’en aille. Mais non, au lieu de partir, la guerrière se pencha vers lui, pour son plus grand déplaisir. Elle abattit ensuite un poing menaçant sur la table, fissurant la surface vitrée au passage. Lars décida de l’ignorer, même s’il avait du mal à cacher son agacement.
— La prochaine fois que nous nous reverrons, Strøm, je te tuerais, sois en sûr !
— Mmmm, répondit distraitement Lars, toujours sans lui accorder la moindre attention.
A la place, il fouilla les alentours des yeux en terminant sa cigarette. Aucune trace du serveur et encore moins du petit Chat. Quoique… les chances que ce dernier arrive à entrer au Luxury Eve étaient plus que minces. Le club était du genre très "sélecte”, il fallait une invitation pour y être admis… ou alors être un Héraut des Dieux comme Hilda.
Le regard de Lars fut soudain attiré par une tignasse dorée près du bar. Se pourrait-il que… ? La magicien tendit le cou pour mieux voir, avant de se laisser retomber sur son siège avec une moue déçue lorsque l’objet de son intérêt se retourna. Non ce n’était pas le petit Chat. Quoique… il n’était pas mal du tout. Grand, blond, les yeux bleus, la trentaine tout au plus… Lars devinait à son aura et sa façon de se mouvoir qu’il s’agissait un loup-garou. Ses préférés. Il avait une affinité particulière avec les lycanthropes. C’était des amants fougueux et contrairement aux idées reçues, ils étaient très prévenants au lit. Certes, ce blondinet n’était pas aussi ravissant qu’un certain enquiquineur, ses yeux n’étaient pas de magnifiques émeraudes... mais on ne pouvait pas tout avoir n’est-ce pas ?
— Immonde créature dépravée, cracha Hilda alors que Lars se mordillait la lèvre avec grand intérêt, les yeux rivés sur son potentiel amant pour ce soir.
Mais oui c’est ça ! Comme si ses chers Dieux étaient des modèles de chasteté ! En tout cas, bon débarras ! Lars avait mieux à faire que de se faire juger et insulter par cette espèce de lèche-botte ennuyeuse. C’est avec satisfaction qu’il la regarda s’éloigner à grands pas, écartant rudement plusieurs personnes dans son sillage. Il retourna ensuite à ses premières préoccupations, pesant le pour et le contre sur le déroulement de la soirée : rentrer ou bien rester encore un peu et flirter avec ce beau loup-garou ?
Ce dernier choisit cet instant précis pour lever les yeux dans sa direction, il lui adressa aussitôt un signe de tête charmeur. Ah et puis après tout, pourquoi pas ? Les lèvres de Lars s’étiraient d’ailleurs déjà en un petit sourire amusé, lorsqu’une personne se glissa sur la banquette, à ses côtés, en le bousculant sans ménagement.
Il sentit ensuite quelque chose de dur et froid s’enfoncer brutalement dans ses côtes… avant que des effluves boisés ne l’enveloppent délicieusement.
— Rends-moi mon blouson tout de suite, lui chuchota une voix menaçante à l’oreille.
Coucou, alors voila la partie 1 de l'épisode 15 ! Larsounet commençait à désespérer, mais le petit Chat l'a finalement retrouvé ! Comment ça va se passer à votre avis ? Ils vont se taper dessus ou se rouler des pelles ? Qu'est-ce qui vous ferait plaisiiiiiir, dites moi ? XD
Sinon, c'est Du Hast de Rammstein, la musique qui passe dans le club et qui fait autant horreur à notre boomer préféré (musique que j'adore soit dit en passant huhuh) Vous en pensez quoi ? Du même avis que Lars ou bien ça vous plait ? Hâte de lire vos commentaires, mais aussi de vous dévoiler la suite ! Gros bisous
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