Il fait nuit. En cet endroit, ça ne fait normalement qu’une seule différence : Les cris de rage résonnants sous les néons sombres. Mais ce soir plus rien. La faucheuse a cessé d’aiguiser sa lame.

Pourtant elle est bien là. Le sac de sable y est aussi. Celle qui défie le destin ne dit plus rien. Elle est assise sur le sol, adossée à l’objet qu’elle avait l’habitude de frapper.

Levant la tête pour empêcher les larmes de couler. Ses yeux humides luisant d’un gris plus terne que jamais. Elle avais compris. Akim n’était jamais revenu de son cours, pour elle il était mort. C’était mieux comme ça.

Elle faisait une pause. Une pause dans sa bataille pour pleurer.

On dit que l’on ne peut apprécier les belles choses qu’après les avoir perdues. Ça n’avais jamais été aussi vrai.

Elle serrait un MP3 dans sa main. Machinalement, elle brancha des écouteurs et les mis dans ses oreilles. Elle écouta un titre au hasard.

Une main se posa sur son épaule. La fillette leva la tête. C’était le professeur Copenhage. Il était toujours aussi grands, avait les même yeux bleus rappelant les gants de boxe de la maison, les mêmes cheveux blonds, le même nez allongé.

Mais son expression était dure. Il toisa Fukume de haut en bas.

— Akim a pris ta place, déclara t’il avec un calme perturbant.

Elle se leva, arracha les écouteurs de ses oreilles et donna un coup si puissant dans le sac de sable qu’il se détacha du plafond et vola jusqu’à l’autre bout de la salle. Le professeur resta impassible.

— L’imbécile, fit elle pleine de rage.

— C’est ta faute. Rien de cela ne serait arrivé si tu n’avais pas laissé ta colère te dominer, repris le grand homme.

— La ferme !

La fillette n’avais jamais été aussi perdue. Elle était pleine de colère et n’avais personne contre qui la diriger. Personne à frapper jusqu’à la mort, aucune étincelle de vie à éteindre. Ses émotions se bousculaient dans sa poitrine. Elle sentait son cœur émettre un tic tac semblable à une bombe à retardement.

Le professeur se mit à genoux pour pouvoir la regarder dans les yeux. Il lui saisit les poignets. Les pupilles de la fillette contenaient autant de haine que la galaxie avait d’étoiles.

— On lit en toi comme dans un livre ouvert Fukume. C’est ton plus grand point faible. Maîtrise tes émotions ou tu ne sera jamais une âme noire.

Elle se dégagea sans un mot.

— Va-t’en, fit elle d’une voix tremblante.

— Tu es déstabilisée par ce que je viens de dire. Avant, tu était en colère sans savoir pourquoi, poursuivit-il pour prouver ses dires.

— Va t’en !

— Je vais te dire contre qui tu es en colère Fukume, poursuivit le professeur imperturbable, tu es en colère contre toi même. Tu es en colère parce que tu as perdu aujourd’hui, et parce que si ton ami n’avais pas pris ta place, cela aurait été ton dernier combat.

Il marqua une pause et repris:

— Il n’y as pas que la force physique qui compte. Il y a aussi l’inflexibilité mentale. La capacité à ne rien montrer de soi. Sans cela, tu ne sera jamais âme noire. Tu es faible Fukume. Tes émotions sont ta faiblesse.

— Tu mens, fit la fillette sans réellement y croire.

— Nous savons tout deux que je ne dis que la vérité.

Elle resta silencieuse. Son regard se perdit dans le vide. Les néons sinistres se reflétaient sur ses joues détrempées de larmes. La fillette baissa la tête.

Le grand homme sourit. Elle avait compris.

— Je t’apprendrai. Je t’apprendrai à ne rien laisser paraître.

Ici s’arrête une amitié. Une amitié née dans les salles grises ternes, sous des lumières artificielles. Mais bientôt commence une épopée. Ce n’est pas parce que la faucheuse aiguise sa lame qu’elle compte reprendre son service. Ce n’est pas parce que l’odeur de la mort envahi les rues que personne n’est prêt à se relever pour combattre.

Tic Tac.