Une autre chose me préoccupe. Mon lien avec Maeve. Si j'en crois mon petit canard, elle est une descendante de Morgane. Je me demande si j'ai un lien de sang avec elle. Je retrouve l'arbre généalogie de Morgane. Ses descendants sont des sangs mêlés, des cracmoles puis des moldus.

Je ne vois absolument rien qui me lie avec Maeve. Bien sûr, les enfants de Scorpius, mon grand-oncle, ont épousé des moldus. Cependant, leurs compagnons et leurs descendants n'ont aucun lien de près ou de loin avec Morgane. Rien de rien.

Le lien est peut-être magique alors. Morgane a un pouvoir de guérison, rien n'indique qu'elle est immortelle. Je recherche toutes les légendes qui courent sur elle. Ce qu'on raconte de bien comme de mal sur cette sorcière et sur la magie médiévale. Moi qui croyais à une sorcière malfaisante, je m'aperçois que les légendes relatent des faits bien plus complexes.

Morgane apparaît parfois positive, parfois négative. Certains historiens évoquent même une femme puissante, qui fût décriée à l'époque, puisqu'en c'est temps là, il n'était pas bon d'avoir du pouvoir ou de l'indépendance en tant que femme. La seule chose qui me parait évidente est que Morgane dérangeait la gent masculine de son époque, et principalement le roi Arthur et Merlin. Sa puissance et son savoir effrayait.

Parfois évoquée comme la reine des fées ou comme une déesse de l'eau, ou bien une sirène, les légendes se mêlent et se contredisent. Des théories évoquent une déesse mère qui accueille les morts. Les légendes arthuriennes ou gauloises sont nombreuses. Les interprétations sont légions. Tout est possible. Rien n'est sûr. Je deviens hyper calé en histoire de la magie au moyen-âge. Je ne vois aucun lien de sang entre Morgane, Maeve et ma famille. Rien qui pourrait me lier à mon petit canard.

Un vrai rat de bibliothèque, qui fait des pompes et des abdos le soir. Un des seuls moyens d'évacuer ma frustration est le sport. Comme je ne peux pas trop sortir, pour ma sécurité, je me cantonne à mon dortoir ou à la cour de Poudlard. Je réfléchis mieux en évacuant mon trop-plein d'énergie. Me voilà, révisant mes cours ou analysant mes recherches avec mes potes, en enchaînant traction sur les bras et renforcement ventral. Je transpire à grosses gouttes et mon cerveau s'éclaircit.

Enfin, disons plutôt qu'il est moins nébuleux. La méthode est excellente pour mémoriser Histoire de la magie et nouveaux sorts. Horace ou Jamie me lisant à haute voix leurs notes de cours ou me posant des questions, je retiens le contenu des cours avec une facilité déconcertante pour Jamie qui galère un peu à maintenir son niveau. Je vise la première place, il cherche à garder la moyenne.

Si le sport m'aide en cours, il est moins efficacement pour rassembler mon esprit sur mes recherches. Les légendes sur Morgane sont trop nombreuses et contradictoires pour déceler la vérité. Les racontars sur l'époque de Voldemort sont truffés de récits de fous ou de menteurs qui se protégèrent soit par peur du Seigneur, soit par peur d'entacher la réputation de leur famille. Encore une fois, trop d'informations qui s'opposent.

J'enrage de ne pas avancer. Horace m'aide énormément sur les légendes de Morgane sans vraiment y voir plus clair que moi. Je pense qu'il s'inquiète pour Maeve. Son père, lui, m'assiste de son mieux sur tout ce qui concerne les mangemorts. Lui, c'est pour mes parents et moi qu'il s'inquiète. Nous faisons tous les trois très peu de progrès.

Je tente une autre piste. Si je peux comprendre le fonctionnement du lien mental avec Maeve, je découvrirai peut-être la nature de notre lien. Je me renseigne sur les esprits qui communiquent entre eux, sur la télépathie, le partage de vision. Là encore, beaucoup de théories. Aucune réponse. Aucune preuve. La télépathie n'existe pas chez les moldus ou chez les sorciers.

Aucun sort si ce n'est la légilimancie ne permet de rentrer dans un autre esprit. La légilimancie ne permet pas d'avoir une discussion comme c'est le cas. Elle permet des suggestions mentales, tout comme l'Impero oblige à certaines actions. Toutefois, le bavardage entre Maeve et moi et les communications de pensées ou d'humeurs plus ou moins volontaires ne rentrent pas dans cette catégorie.

Ce qui s'en rapproche le plus, c'est le soit disant lien entre jumeaux que les moldus analysent. Lien sans aucun fondement scientifique et sans aucune preuve. Là encore, ce n'est pas possible. Maeve n'est pas née le même jour que moi, mais cinq mois après moi et Maman le saurait et me l'aurait dit si elle avait eu une fille.

Je refuse de penser que Papa aurait eu une relation extra-conjugale. Même s'ils se sont disputés violemment cet été, et qu'ils pouvaient être parfois en désaccord, Papa aime éperdument Maman et je ne le vois pas aller voir ailleurs. Le père d'Horace, qui est proche du mien, réfute cette idée également.

Lorsque Maman était enceinte de moi, Papa était aux petits soins pour elle et ne cessait de vanter sa beauté et son amour. J'écris à mamie et à d'autres membres de la famille qui tous me répondent la même chose. Papa et Maman sont des âmes sœurs. L'infidélité est inenvisageable. Non, cette piste est impossible.

J'ai l'impression de stagner. J'ai tant de questions sans réponses. J'enrage de ne pas y arriver. J'ai l'impression de trahir Maman et Papa. De trahir Drago et sa volonté de détruire les mages noirs définitivement. J'ai l'impression d'avoir raté une information capitale à propos de Maeve.

Je peste contre moi-même. Je relis toutes mes notes. Je reprends chaque livre. Je suis sûr que l'information est là sous mon nez. Horace me dit de me calmer. Je finirais par trouver. J'ai juste besoin de temps. Je suis obstiné. Il faut que je sache.

J'ai même forcé le cadenas de la réserve pour accéder à d'autres livres ainsi que les chambres des Professeurs, surtout Bordial et la directrice. Rien de rien. Aucune information supplémentaire sur le sujet qui m'intéresse. Juste un dessin du Professeur Bordial représentant une petite fille rousse ressemblant à Charline et un nombre impressionnant de livres sur les créatures magiques dans sa bibliothèque. Rien de suspect ni de nouveau.

Je me retrouve souvent avec Maeve dans la bibliothèque. Elle effectue également des recherches, sur les mêmes sujets Voldemort, mangemorts, Morgane, créatures magiques et magie noire. Nous ne nous parlons pas, elle fait en sorte que je ne puisse pas et me ferme le lien télépathique. Parfois, Maeve me dépose un livre intéressant sur la table puis s'éloigne. Je ne sais pas trop quoi faire. Je suis perdu avec elle.

Aujourd'hui, j'ai décidé de carrément m'asseoir à coté d'elle. Maeve est semi -allongée dans un canapé de la bibliothèque, en train de feuilleter un bouquin. Doucement, je me saisis d'un livre et m'approche à pas feutrés. Tel un chat guettant sa proie, je tente de ne pas me faire repérer.

La chose est aisée, Maeve étant plongée dans sa lecture, elle ne fait pas attention aux alentours. Je me pose donc sur le bout du canapé, sans qu'elle ne daigne relever le nez. J'attends quelques minutes sans réaction de sa part. Je finis par me lever chercher un autre ouvrage et revient me rasseoir encore plus près de ses pieds. Elle replie ses jambes sans me regarder. Je ne sais pas si c'est pour ne pas me toucher ou pour faire de la place.

Mon manège dure près d'une heure. Je fais semblant de lire puis je me lève pour changer d'ouvrage et quand je me rassois, je me rapproche à chaque fois de Maeve. On dirait un de ces ados maladroit dans les films à l'eau de rose. Au fur et à mesure, elle se redresse sans quitter son livre des yeux. Peu à peu, je parviens à être juste à côté d'elle. Nos jambes se frôlent et se touchent. Toujours aucune réaction.

Ce n'est pas possible. Elle m'a forcément vu. On ne peut pas être absorbé à ce point par de la lecture. Un élève fait tomber une pile de livres, provoquant un brouhaha assourdissant. Elle ne sursaute même pas. Je ferme les yeux quelques secondes pour réfléchir à ce que je dois faire. Je me mets à entendre une légère musique. Je scrute davantage Maeve. Elle a ses écouteurs sur les oreilles. Son épaisse chevelure un peu folle les dissimule. C'est pour ça que je ne les ai pas vu avant. Et aussi pour ça, qu'elle est dans sa bulle sonore.

Ca me rend fou. Maeve ne s'est même pas aperçu de ma présence. J'enrage alors je me décide à poser un de mes deux livres directement sur ses genoux. Je me sers d'elle comme table. Elle sursaute enfin et se tourne vers moi. Je jubile en faisant mine d'être plongé moi aussi dans mon ouvrage.

Nous restons immobiles, moi faisant semblant de lire et elle me fixant, durant au moins deux interminables minutes. Elle finit par bouger et regarder la couverture du bouquin que j'ai placé sur ses genoux. Un truc à propos des légendes du roi Arthur.

Je l'entends soupirer et rire un peu. Elle prend des biscuits dans son sac et commence à mâcher bruyamment. Je déteste cela et je me retiens de dire le moindre mot. Au jeu de la patience et de la guerre des nerfs, je suis excellent.

Maeve récupère des chewing-gums et fait des bulles qui éclatent juste à coté de mon oreille. Une odeur de fraise me chatouille les narines. Je suis imperturbable, profondément vexé qu'elle ne m'ai pas vu depuis une heure et amusé de son petit manège.

Elle me taquine un bon quart d'heure sans un mot. Je jubile qu'elle s'intéresse enfin à moi. Je lui pique des gâteaux dans son sac. Les miettes que Maeve fait tomber sur moi sont balayées de la main. Enfin, je me décide à lui parler. La regardant droit dans les yeux, j'ouvre la bouche et dune voix douce, je la questionne :

- Comment vas-tu, Maeve ?

- J'ai faim. Je n'ai plus d'encas. Ronchonne Maeve

- Viens avec moi au dortoir et on piquera les biscuits de Jamie.

- Je ne peux pas. On ne doit pas. Arrête. C'est trop risqué.

Maeve se lève et s'enfuit en me jetant son bouquin sur les genoux. Je ne comprends pas. Ses propos sont incompréhensibles. Pourquoi et pour qui cela est risqué ? Je dois arrêter quoi ? Je me pose mille questions auxquelles je n'aurais pas de réponse. Restant assis et abasourdi, je me décide enfin à rentrer au dortoir au bout de cinq minutes. Je jette un œil au livre de Maeve. C'est un bouquin sur les dragons et leurs comportements sociaux et reproductifs.

J'essaye de reparler à Maeve. Plusieurs fois, je tente de lui dire bonjour quand je la croise. Je lui fais un signe de la main. Je me retrouve comme un idiot à parler seul. Soit je suis invisible, soit elle est aveugle et sourde. Avec elle, j'ai l'impression d'être cet idiot de service qui se cherche des amis et que tout le monde ignore.

Sa capacité de faire abstraction de ma présence et de mes tentatives d'approches est impressionnante. Son attitude me blesse sans que je ne sache vraiment pourquoi. Entre Maeve et moi, la situation reste tendue. Horace, Charline, et même Alice jouent les conciliateurs, mais ne parviennent pas à nous faire se reparler cordialement.

La situation avec Maeve me mine. Celle de mes parents me désespère. Mon échec, à trouver des pistes concrètes dans mes recherches, me désole. Mes amis m'aident à surmonter cette période difficile. Mon monde s'écroule. Je perds tous mes repères et mes valeurs. Ma confiance en moi en prend un sacré coup.

Pour la première fois de ma vie, j'ai l'impression de ne pas être à la hauteur. Heureusement, Horace et Jamie me soutiennent et savent me redonner des forces et du mordant. Je m'accroche aux souvenirs des jours heureux. Ceux où je me plaignais de l'affection débordante de Maman et où j'arborais un magnifique bracelet à motifs serpents.