4.1.3 Être fort
Malgré mon amitié avec Alice et Rodrigue, je ne leur fais aucun cadeau en cours. Je vise la première place dans chaque matière. Je n'ai aucune pitié quand il s'agit d'être le meilleur. Je n'écrase pas les autres, je donne mon maximum pour me retrouver au sommet. C'est important pour moi d'être le meilleur, de faire accroître mon savoir et ma puissance afin d'un jour être prêt pour récupérer Papa et combattre les mangemorts.
Alice est celle qui me donne le plus de fil à retordre. Elle est particulièrement travailleuse et intelligente. Rodrigue la surnomme "mini hermi" en référence à Hermione Granger, la sorcière si talentueuse. Le surnom est bien trouvé, Alice, tout comme moi, a toujours le nez dans un bouquin. En plus, elle a ce côté "je sais tout" souvent relaté dans nos livres d'Histoire de la Magie ou au sein de la famille de Rodrigue dont Hermione est l'arrière-grand-mère.
Toutefois, même si nos résultats sont serrés, je suis le premier partout. Je surclasse Alice et les autres. Je surprends mes professeurs par mes réponses pointues, et mes détails qui nécessitent souvent une vérification de leur part ou une précision vis-à-vis des autres élèves. Je corrige parfois les dires d'un professeur un peu trop vague dans ses explications. Bref, je suis le premier et de loin, sauf en cours de défenses contre les forces du mal.
Pour ce cours-là, je suis le meilleur sur la théorie. Quand vient l'heure des duels, je me fais laminer comme tous les autres par Maeve qui gagne en baillant. Deux fois, j'ai fini premier. La première fois, Maeve était face à Horace au premier tour. Elle a refusé de combattre tout bonnement, prétextant vouloir faire sécher le vernis de ses ongles.
La seconde fois, Maeve était contre Niles, un pote à Benoît. Elle s'est inclinée en deux secondes, prétextant une fatigue soudaine et une migraine atroce. En réalité, je pense que Maeve ne voulait pas se retrouver face à Horace au prochain tour. Benoît a hurlé que Maeve avait peur de blesser Niles, et a fait des sous-entendus blagueurs. Il s'est retrouvé avec une bouche en fermeture éclair pour la journée.
Toutes les autres fois, j'ai fini second ou plus rarement troisième. Benoit ou Rodrigue me donnent pas mal de fil à retordre, cependant, je les bats à chaque fois. Parfois, je me fais éjecter par Alice, c'est de plus en plus rare. Face à Maeve, je perds à chaque fois. Comme tout le monde. Enfin non, avec moi, Maeve s'amuse à me ridiculiser ou à m'épuiser selon son humeur.
Soit je finis recouvert d'un truc dégueu ou ridicule quand elle est d'humeur joyeuse, soit elle fait durer le duel jusqu'à je soit à bout de souffle en enchaînant les sorts puissants, soit elle est occupée et m'explose en dix secondes. Je suis le seul avec qui elle joue. Les autres, elles les éliminent en quelques secondes, en général d'un sort du saucisson ou d'un Expelliarmus non formulé.
Ma nouvelle passion pour les potions me fait me rapprocher davantage de Rodrigue et de Niles, l'un des potes de Benoît, celui pour qui Maeve semble craquer. C'est un type bien. Dommage qu'il idolâtre mon cousin. Il est plutôt doué, assez marrant et bavard comme une pie. Je l'apprécie, toutefois, je ne le fréquente que peu, en raison de son amitié avec Benoît.
Discrètement, en faisant dériver les sujets de conversations, parfois avec la complicité de Rodrigue, parfois à l'insu des deux garçons, je me renseigne sur la bande de potes de mon cousin. J'ai de la chance, Niles adore parler de ses amis, en particulier de Maeve. Les commérages de Niles à propos de la façon dont se comporte mon petit canard ont au moins le don de me rassurer un peu.
Elle semble rester la chipie qui me faisait tourner en bourrique. D'après Niles, Maeve est bien plus proche de Louise que de Benoît. Et surtout, elle ne tolère aucune méchanceté ni mépris. J'avais raison. Maeve éduque la bande de Benoît pour qu'ils deviennent moins cons en utilisant la méthode dure de la baffe et du seau d'eau glacée. Un vrai tyran. Bien fait pour eux.
Je suis quelque peu rassuré de savoir qu'elle ne change pas vraiment dans le fond. Ca reste une enquiquineuse avec un sale caractère et surtout des valeurs morales bien ancrées. Bien qu'elle semble plus libre de ses propos et actes depuis qu'elle est partie, dans le fond, Maeve reste fidèle à ce que j'ai connu d'elle. Quelqu'un de bien qui empêche les cons de faire du mal.
Depuis qu'elle a fait apparaître ce monstre, Maeve est comme libérée d'un poids. Elle n'a plus peur de sa magie et l'accepte enfin. De ce fait, elle devient de plus en plus puissante chaque jour. Je continue de penser que Maeve retient sa magie. Comme un joueur de poker dissimule ses cartes.
Je ne m'inquiète pas que pour Maeve. Depuis le début de l'année scolaire, Jamie et Sarah ne vont pas bien. Leur mère est gravement malade. Une maladie qui touche Moldus et sorciers sans distinction. Un cancer du sein lui a été détecté durant l'été suite à un contrôle de routine. C'est une forme dangereuse qui heureusement a été détectée tôt. Les médecins ont lancé une procédure de traitement en septembre.
Leur mère subit des soins qui l'épuise et l'affaiblisse. Mes amis s'absentent souvent le week-end afin d'aller la voir. Ils reviennent toujours tristes et pensifs. Leur maman est de plus en plus faible et son moral est au plus bas. Bien que mes amis fassent tout ce qu'ils peuvent pour l'aider, la morosité de leur maman les gagne et ils reviennent déprimés à chaque fois.
Toute la promotion les soutient sans faille. Peu importe la maison. Tout le monde est là pour eux, y compris certains professeurs. Mes amis pleurent parfois, souvent en cachette. Ils font front ensemble et essayent d'être fort, mais c'est difficile à leur âge de se préparer à peut-être perdre un de ses parents.
Je fais de mon mieux pour les encourager et leur changer les idées. Je fais le couillon. Je les aide à faire leurs devoirs ou à réviser pour les examens. Même si je m'entends moins avec Sarah qu'avec Jamie, je suis là pour elle aussi. Avec Horace, nous devenons des oreilles attentives et surtout pour Sarah, une épaule sur laquelle pleurer et des bras qui consolent.
Ce week-end, leur maman a parlé de rédiger son testament. Du coup, ils ont tous les deux les idées noires. Sarah reste silencieuse, à pleurer en regardant le sol, Jamie essaye de défoncer les murs. Ils se sentent impuissants et leur tristesse ressort différemment. Sarah est dans une phase d'acceptation, Jamie dans la phase de la colère. Je tends mon mouchoir à Sarah et la serre dans mes bras. J'empêche Jamie de se faire mal et l'entraîne à courir avec moi autour du lac.
Parfois, il se met à hurler et à injurier le ciel sans vraiment de raison. D'autres, il fait des sprints ou donne des coups-de-poing dans l'air. En tout cas, quand Jamie est avec moi, la seule créature que l'on croise est Maeve au loin. Les autres sont effrayées par mon ami et s'enfuient à notre approche.
Par moments, je vois Maeve qui nous observe à bonne distance. Plusieurs fois, quand Jamie fonçait tête baissée, j'ai vu des racines se retirait de son chemin ou un brusque changement de courant d'air redressé mon ami en train de chuter. Jamie pense que c'est moi qui l'aide. Je soupçonne Maeve.
Quand mon pote et moi, nous nous asseyons pour discuter ou reprendre notre souffle, mes poches se remplissent de pommes ou de bonbons, et même de petites gourdes d'eau ou de jus de fruits. L'air se réchauffe ou une douce brise nous rafraîchit si besoin. Vu que cela ne se produit que quand Jamie est là, l'intervention de Maeve est quasi certaine. Toutefois, elle ne vient pas nous parler.
Un jour, peu avant les vacances d'automne, Maeve est venu voir Jamie et Sarah alors que nous étions en train de manger. Sans un mot, elle leur donna un livre et un paquet. Elle repartit aussitôt en tournant les talons pour rejoindre le groupe de mon cousin. Elle avait écrit un petit message à l'intention de mes deux amis. Un mot bref sans politesse et pourtant extrêmement gentil et compatissant.
- Je ne peux peut-être pas guérir ce mal avec ma magie, cependant, je peux en atténuer les effets à l'aide de mon savoir.
Il s'agissait d'un gros classeur recueillant les différentes médecines dites de grand-mère. Des remèdes en provenance de nombreux pays. Pas contre le cancer, mais pour atténuer les effets secondaires du traitement. Maeve a collecté les informations et a traduit les extraits de livres ou d'articles pour mes amis. Cela regorgeait de détails et d'explications avec des descriptions de comment faire et des dessins ou des photos. Il y avait des solutions moldues et des venant du monde des sorciers. C'était très complet.
Le paquet contenait plusieurs petits colis regroupant les plantes et ingrédients préparés pour être administrés en fonction des différentes recettes. Tout était mesuré, pesé et préparé au maximum. Séparé en fonction des potions ou onguents, il y a de quoi concocter une dizaine de méthodes différentes. Le temps pour collecter ces renseignements et pour préparer les petits paquets est considérable.
Sarah éclata en sanglots. Le geste était hyper gentil. Sarah et Jamie ne parlaient plus à Maeve depuis plusieurs mois et pourtant, mon petit canard avait pris le temps de les aider. Elle avait pris beaucoup de temps.
Je n'ai jamais osé dire à mes amis que certains ingrédients sont extrêmement chers et rares, y compris ceux qui viennent du monde moldu. Cela les aurait mis et les mettraient trop mal à l'aise en sachant Maeve orpheline et pauvre. Sarah envoya le colis de suite à sa mère. Ce geste redonna le sourire à mes deux amis pour la semaine.
Du soir, j'ai cherché Maeve des yeux pour lui remettre ma bourse d'argent de poche afin de lui rembourser une partie des frais. Je croisai le regard de Benoît qui secoua la tête comme pour me dire de ne pas bouger. Horace me prit le bras et ma bourse et me fit rasseoir. Je regardais mon pote sans comprendre.
-Maeve refusera ton argent. Tu risques de t'engueuler encore avec elle. Ca gâcherait le cadeau. Benoît a dû l'aider financièrement. Ne t'inquiète pas pour elle. C'est une grande fille.
Je retrouvais les yeux de Benoît qui me souriait et me montrait sa poche discrètement. Je fus en parti rassuré. Au moins, Maeve n'a pas eu à supporter le coût de ces ingrédients. Elle n'avait pas surpris mon intention et dînait en papotant avec Louise sans se préoccuper du reste de la salle.
J'ai été étonné du geste financier de mon cousin. Plus curieux encore qu'il ait compris mes intentions et fait un geste à Horace pour m'arrêter avant une dispute avec Maeve. Mon cousin semble vraiment me protéger d'une certaine manière. Il ne se cache même plus quand il me donne des nouvelles de Papa via une photo récente.
Ces premiers mois de cours ont été riches. Je suis épuisé mentalement et physiquement alors que les congés de Noël vont bientôt débuter. J'ai énormément progressé. J'engrange autant de savoir qu'une dernière année. Je maîtrise une quantité astronomique de sorts. Je parviens même à en utiliser de plus en plus de manière informulée, les sortilèges sortant seuls de ma baguette. Je vais de plus en plus vite et ils sont de plus en plus puissants.
Le professeur Bordial m'a appris de nombreuses potions difficiles lors de cours particulier avec ses bons élèves. Bien qu'il soit un ami de mes parents, je m'interroge quand même un peu sur lui et sur ses réelles motivations. Il y a des moments où je le trouve étrange.
Le dessin d'une fillette rousse, que j'ai trouvé dans ses affaires, était bien de sa main, et provenait d'une époque antérieure à l'arrivée de Maeve à Poudlard. J'ai refouillé et je me suis aperçu que plusieurs dessins avaient été faits. Des dessins couvrant la période de six à onze ans de Charline.
Pourtant, il m'a toujours dit avoir rencontré Charline quelques mois à peine avant l'entrée de Maeve à Poudlard, soit à leurs onze ans. Pourquoi s'intéressait-il à Charline la moldu et non à Maeve et depuis quand connaissaient t'ils les filles ? Le professeur Bordial semble lui aussi avoir des secrets.
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