Deux mois après son petit colis, juste avant les vacances de Noël, Jamie et Sarah offrent une boîte de bonbons acidulés à Maeve pour la remercier. Ils s'avancent en hésitant vers elle et le groupe de Benoît. Ils tendent la boîte ne sachant pas quoi dire et s'attendant à recevoir une remarque blessante. Maeve lève la main en direction du groupe de Benoît pour les faire tous taire.

Sarah regarde le sol et n'ose pas parler. Jamie est hésitant et ne sait pas trop comment se tenir. Il ne regarde que Maeve, se concentrant sur elle, de peur de voir des regards désobligeants chez les autres. Mon petit canard lui sourit amicalement, ce qui rassure mon pote. Jamie bredouille un remerciement maladroit.

- Je... Euh... Merci pour le cadeau. Ca a bien aidé maman. C'était super gentil et... On ne t'a pas dit merci tout de suite. On n'allait pas bien. Ce n'était pas une raison, je sais, mais... Enfin voilà. On t'a acheté une bricole pour toi.

- Comment va votre maman ? Demande d'une voix douce Maeve.

- Mieux. Tes plantes ne guérissent pas le cancer, mais elles rendent le traitement plus supportable. Maman retrouve des forces. Deux trucs marchent super. C'est l'ananas et la propolis. Maman souffre de dégoût alimentaire par moments et ceux-là lui rendent le plaisir de manger. Ce que t'as fait, c'est vraiment cool et je ... N'aie pas les mots pour...

- Pas besoin de remerciements. Vous deux, comment vous allez ? Vous tenez le choc ?

- Ouais. Ca dépend des jours et du moral de Maman. En tout cas, ca fait chaud au cœur ce que t'as fait.

- Il n'y a pas que moi. Mon geste n'est qu'une goutte d'eau. Toute l'école vous soutient.

- Ouais, c'est génial.

- Je sais que je suis la bête à abattre, mais si vous avez besoin d'ingrédients, n'hésitez pas à venir me voir.

- Ok. Merci. Euh tiens, c'est pour toi ça, dit Jamie un brin gêné en tendant la boîte de bonbons.

Sarah est restée silencieuse, se dandinant d'un pied sur l'autre sans ouvrir la bouche. Maeve prend la boîte de bonbons et dépose une bise amicale sur les joues de mes deux amis. Elle essuie du doigt une larme qui pointe aux yeux de Sarah et leur sourit avec douceur.

Ouvrant la boîte de bonbons, Maeve les invite à en manger un. Mes deux amis acceptent et reviennent s'asseoir avec moi, mettant fin à cette discussion un peu gênante. Ils n'osent pas regarder autour d'eux, mal à l'aise. Jamie semble content et soulagé.

Maeve les suit du regard quelques instants. Je l'observe de longues minutes sans me cacher. Elle semble à la fois identique et si différente depuis la rentrée. Maeve est beaucoup plus sûre d'elle. Bien plus expressive aussi. Si ses colères ont empiré, ses fous rires et ses sourires aussi. Son visage reflète une palette de plus en plus variée de sentiments.

Je la vois sourire doucement en observant Sarah et Jamie. Elle est pensive et semble s'inquiéter pour mes deux amis. Son regard sur eux est bienveillant. Tout en dévorant la boîte de chocolats sans en proposer au reste de la bande de potes de Benoît, Maeve tourne ses yeux lavande vers moi. Je ne baisse pas les yeux.

La lueur amusée me conforte dans ma position. Nous faisons un combat de regard. Je refuse de perdre cet échange. Très vite, je sens de l'eau couler le long de mon dos. Puis de grosses gouttes de plus en plus glacées. Je serre les dents et je tiens le coup. Je sais très bien qu'elle essaye de me déconcentrer.

Les gouttes deviennent des glaçons qui glissent dans mon dos puis sur mon torse. La chipie s'amuse comme une petite folle. Je le vois dans son grand sourire de sale gosse. Pour une fois que j'ai capté son attention, je ne lâche rien.

Je tente de lui lancer des sorts de manière informulée. Je parviens à faire apparaître des fourmis et éclater son verre d'eau sans toutefois la faire bouger. Au contraire, elle semble ravie de mes piètres tentatives.

Elle rétorque avec le saupoudrage de la poivrière à proximité de mes narines. Je respire doucement par la bouche. Le sourire de cette chipie s'agrandit. Elle se mord les lèvres pour ne pas rire. Je parviens à faire léviter sa fourchette et lui pique le bout des doigts. Elle m'étrangle doucement avec mon écharpe. Pas fort, juste assez pour me faire tousser.

Notre duel silencieux et puéril dure de longues minutes. Étrangement, je suis content de me chamailler aussi stupidement avec Maeve. Je retrouve en quelque sorte mon amie. Je réponds à son sourire et je sens quelque chose apparaître dans ma main.

Tout un coup, un professeur vient me parler et m'oblige à rompre le contact. Je réponds à l'enseignant et tente de retrouver les pupilles de Maeve. Cependant, elle s'est retournée et je ne vois plus que son dos. Je regarde alors ma main. C'est une photo de mon père avec le journal du jour dans les mains. Une preuve qu'il va bien. Un cadeau amical de mon petit canard. Mon cadeau de Noël.

Nous sommes dans le dortoir des garçons en train de faire nos valises pour les congés de fin d'année. J'entends Jamie pester et je vois Horace qui se roule par terre en riant. Je m'approche donc pour comprendre ce qui se passe.

Jamie se dispute avec son coffre où il dissimule ses trésors. Une sorte de petite malle où il cache ses biscuits ou magazines de demoiselles dénudées à l'abri des regards et des voleurs. Elle est fermée par un mot de passe et ne s'ouvre qu'à la voix de Jamie.

Seulement, cette andouille est en pleine puberté et sa voix mue. Alors, son coffre ne réponds plus et refuse de s'ouvrir. Ce n'est pas la première fois que cela lui arrive et à chaque fois, nous nous fichons de lui sans aucune pitié en bon pote.

Plus mon ami ronchonne, plus Horace et moi rions. Même le reste du dortoir, composé de Benoît et de ses potes, se fiche de Jamie gentiment. Il tousse, tente d'éclaircir sa voix, recommence et échoue lamentablement. Nous nous pissons dessus de rire.

Maeve débarque pour donner quelque chose à Niles. Elle regarde pour comprendre la raison de notre hilarité. Je la vois lever les yeux au ciel quand elle comprend. Maeve s'avance vers la malle, et avec un grand sourire, regarde Jamie et murmure :

- Alohomora

Le coffre s'ouvre pour notre plus grande joie et le désespoir de Jamie. Son coffre aux secrets ne résiste pas à un petit sort basique. Maeve prend un bonbon et s'éloigne en souriant. Elle a déposé un cadenas à chiffres sur le sol. Cet objet moldu a été enchanté pour résister à la magie. Surement par Maeve. Il ne nous restera plus qu'à tester les milles et une combinaisons possibles pour trouver celle qui ouvre le coffre.

Nous finissons nos valises dans les rires et la joie. Nous sommes tous d'excellente humeur. Benoît reçoit un courrier via son Hibou directement dans la chambre. C'est assez rare. Il ouvre l'enveloppe puis, prends le petit paquet et le pose sur mon lit en silence.

Malgré l'avertissement demandant de ne l'ouvrir que le vingt-cinq décembre, j'arrache l'emballage. C'est un DVD et son lecteur. Le courrier qui l'accompagne est écrit par Papa. Il donne de ses nouvelles à Maman et moi.

Je décide de répondre à sa lettre, sans donner d'informations utiles au cas où des mangemorts intercepteraient le courrier. Sans un mot, je tends ma missive au Hibou de Benoît. Le volatile accepte sa mission. Benoît fait un grand sourire et reste muet, me laissant dans des abîmes de perplexité.

Je rentre chez Horace pour les congés et je retrouve Maman. Le DVD est une vidéo de Papa qui nous raconte qu'il est en voyage en Ukraine pour capturer un dragon qui fait des dégâts dans des villages alentours. Il s'inquiète pour nous. C'est très étrange, il semble parler assez librement et ne plus être sous Impero. La vidéo arrache des larmes de joie à Maman qui me parle d'une promesse de Benoît de lui donner des nouvelles régulièrement. J'en reste muet de surprise.

Les vacances se passent plutôt bien vu les circonstances. Maman me couve et me couvre de cadeaux. Je tolère ses débordements affectueux. Je sais que je lui manque et qu'elle a besoin de me serrer contre elle. L'ado en moi reste calme pour combler le manque d'affection de sa Maman.

De retour à Poudlard, je reprends mon train-train habituel d'emmagasinage de connaissances et d'entraînements physiques et magiques. Les jours s'écoulent sans grand changement, puis les semaines et les mois. Les congés d'hiver qui nous offrent un peu de neige sont joyeux. La vie continue tranquillement.

Nous sommes au mois de Mars et le soleil pointe de plus en plus. Le printemps va être magnifique cet année. Nous avons de belles journées en ce début de mois. J'en profite peu, le nez dans mes bouquins et l'esprit occupé à de sombres pensées. Mon père me manque malgré les nouvelles que j'obtiens via Benoît ou Maeve, toujours sans un mot.

Au beau milieu de la nuit, j'entends du bruit alors que les mecs dorment profondément. Des chuchotis et des bruits de pas discrets. Je saisis ma baguette, toujours sous mon oreiller au cas où et je tente de voir ce qui se trame à travers le peu de lumière de la pleine lune qui filtre des fenêtres.

- Sarah a fait un cauchemar. Je l'accompagne au lit de Jamie pour qu'elle dorme avec lui cette nuit.

Maeve chuchote en allumant une flammèche faiblement lumineuse pour que je puisse voir leurs visages. Sarah est tremblante. Rassuré, je me lève et vais prendre mon amie quelques secondes dans mes bras pour la calmer. Depuis que sa maman est malade, Sarah fait parfois des cauchemars. Quand cela arrive, elle vient se blottir sous la couette de son frère. Je l'aide donc à pousser Jamie pour qu'elle ait de la place puis je me dirige vers mon lit.

Je m'aperçois que Maeve a elle aussi les yeux brillants et les joues humides. Elle regarde Sarah se rendormir. Je passe ma main sur sa joue dans un geste affectueux. Maeve me fait un sourire timide, un peu crispé et baisse la tête. Elle s'apprête à faire demi-tour pour regagner sa chambre.

- Toi aussi, tu as fait un mauvais rêve ? Tes angoisses nocturnes sont revenues ?

- Elles ne sont jamais parties. J'ai juste arrêté de crier et de réveiller les filles. Le dernier a été éprouvant. Ca va passer. Bonne nuit Oliver.

- Tu veux dormir ici ? Avec moi ? Mon petit canard... Promis, je ne dirais pas un mot.

Maeve se tourne vers moi et me regarde d'un air surpris. Elle cligne des yeux plusieurs fois tandis que je tends la main vers elle. Au bout de quelques secondes interminables, elle saisit ma main et hoche la tête en silence, d'un air étonné. Nous nous dirigeons vers mon matelas.

Je me mords les lèvres pour ne pas sourire, tellement heureux de cette situation imprévue. Maeve se glisse sous les draps et je me colle à son dos pour la serrer dans mes bras. Sa tête repose sur mon biceps, mon bras replié sur son torse. Mon autre bras posé au niveau de sa taille, ma main sur son ventre. Maeve est calme et se rendort assez vite.

Je profite de son parfum de bonbon à la violette et me sens incroyablement calme. Maeve frissonne, et se plaçant sur le dos, toujours endormie, penche sa tête sur ma poitrine. Je dépose un bisou sur son front avec douceur. Je m'aperçois que Maeve me manque malgré toutes nos disputes et le froid entre nous.

Je m'endors assez vite, bercé par la respiration douce et calme de mon petit canard blotti contre moi. Le lendemain matin, elle a disparu. Cependant, j'ai encore son odeur sur mon bras et quelques longs cheveux noirs sur l'oreiller.

Quelques bonbons au caramel dur, dans leurs emballages dorés, sont une autre preuve de son passage. Mes sucreries préférées. Je me demande bien comment cette chipie a su. Surement notre lien télépathique à sens unique.