Je tiens ma promesse et oblige mon petit canard à roupiller avec moi le mardi et vendredi soir ainsi que parfois le samedi soir aussi. Au fur et à mesure, la pièce devient moins glauque. Le noir s'estompe pour faire place à une pièce lumineuse aux couleurs argent et vert Serpentard. Le lit se pare de barreaux noirs du plus bel effet. Les murs deviennent beiges sauf un vert. Quelques coussins moelleux égayent la couette. Un magnifique tapis gris avec un serpent gigantesque entoure le lieu de sommeil. Le genre de chambre que je rêve d'avoir.

Peu à peu, les cernes de Maeve disparaissent elles aussi et mon amie semble en meilleure forme. Bien que nous ne nous parlons quasiment pas, ces rendez-vous clandestins nous font du bien à tous les deux. Nous les respectons scrupuleusement, et même si nous nous sommes disputés dans la journée, le soir nous sommes présents.

Je ne dirais pas que nous nous rapprochons. Le plus souvent, vu qu'on s'est disputés dans la journée, nous dormons en nous tournant le dos. Nous n'échangeons que quelques mots, le strict minimum quand nous sommes de bonne humeur tous les deux, ce qui est rarissime. Pourtant, Maeve se repose et moi, je me sens mieux aussi.

J'ai remarqué une chose étrange. Étant moins fatigué que Maeve, je m'endors après elle ou me réveille avant. Parfois, je l'entends pousser de petits gémissements, en proie à un début de cauchemars. À ces moments là, elle émet une sorte de halo violet. Quand la lueur me touche, cela me réchauffe si j'ai froid, me rafraîchit si j'ai chaud, me nourrit si j'ai faim. On dirait que mon corps absorbe la production de magie de Maeve. Cela l'apaise et me donne des forces. Son cauchemar ne dure pas et je me sens bien, comme après avoir couru plusieurs kilomètres ou manger un super repas.

Fin février, avant que je ne parte chez moi pour les congés d'hiver, Maeve va beaucoup mieux. Je lui fais promettre de continuer dès la reprise des cours. Elle accepte sans protester. J'ai même droit à un beau sourire et un murmure mental de remerciement.

- Merci pour tout Majesté.

Au retour de vacances, je continue d'exercer ma magie en cachette. Je cherche à reproduire la petite brise que j'ai su faire une fois. Je n'arrive à rien. Cela m'exaspère. Puis, je me rappelle la nuit où Maeve m'a appris à contrôler l'eau. C'est dimanche. Je cours vers le lac, allant dans un coin reculé où seul Maeve et Jamie vont. Je me remémore ce soir-là et respire calmement pour me détendre. Doucement, j'arrive à faire bouger la surface du lac. Je refais mes formes simples puis mes serpents et enfin mon dragon.

Maintenant que je suis plus serein, je laisse l'eau tranquille et me tourne vers les arbres de la forêt interdite toute proche. Je reproduis les mouvements, en ne pensant cette fois pas à l'eau, mais à l'air qui m'entoure. Au bout d'une heure, j'arrive à soulever les feuilles et à les faire voler comme je veux. Je suis fier de moi et je sautille sur place. Soudain, j'aperçois Maeve qui sort encore une fois de la forêt interdite.

Elle me voit, me faisant signe de ne pas bouger et elle observe le ciel. J'entends un grand bruit, des battements d'ailes. Le vent se lève, me forçant à passer la tête pour éviter les poussières en me protégeant avec le bras. Quand il se calme, Maeve est à coté de moi et nous sommes face à un oiseau tonnerre et un occamy. Je recule d'un pas, mon petit canard me prend la main sans cesser de regarder les deux immenses créatures qui se prosternent devant nous.

Les deux êtres de l'air prennent une apparence humaine. L'oiseau tonnerre devient une jolie jeune femme indienne portant une coiffe de plumes blanches et noires. Maquillée comme les chefs Sioux d'Amérique du Nord, la femme met un genou à terre et baisse la tête. L'occamy devient une femme d'allure agressive, portant toujours ses immenses ailes, à la peau violacée et aux vêtements guerriers faits d'écailles reptiliennes violettes et vertes. Elle s'incline elle aussi, ses ailes venant me chatouiller le nez.

Maeve fait signe aux deux femmes de se relever et plusieurs minutes s'écoulent dans un silence inquiétant. Aucune des trois ne fait attention à moi. J'ai l'impression qu'elles parlent, toutefois, je n'entends rien. Maeve a dû lancer un sort de silence. Enfin, elles daignent me jeter un regard. Souriant toutes les trois, les deux femmes me font une bise sur la joue, chacune d'un côté pendant que je vois Maeve qui se marre.

Elles redeviennent animales et s'envolent, re provoquant une mini tempête. Aussitôt, que je les perds de vue, je reprends mon envol de feuilles. Je suis bien plus puissant. Maeve est en train de partir. Pour rire, je l'entoure d'un mini cyclone de feuilles. Elle se tourne vers moi et voyant mon air de sale gosse, se met à sourire et me renvoie ma petite tempête. Doucement, j'essaye de la contrer. Maeve se prête au jeu, amusée.

J'ignore combien de temps nous jouons ainsi à nous envoyer des feuilles l'un sur l'autre. Une heure, peut-être un peu plus. Maeve s'arrête soudain et me montre que quelqu'un arrive. C'est Jamie heureusement et il ne nous a pas vus, perdu dans ses pensées que je devine sombres. Il relève la tête en nous voyant un peu surpris et nous croyant au milieu d'une dispute puisque nous sommes rouges de sueur Maeve et moi.

- Je... Bonjour Maeve. Tu vas bien ? Questionne Jamie d'un ton hésitant.

- Bonjour Jamie. Oui, je me porte à merveille. Et toi ? Comment vas-tu ? Ta maman va bien ?

- Ca va. Juste un petit coup de blues cet aprem. Maman va beaucoup mieux. Son cancer est en rémission depuis quelques mois. Elle reprend des forces. Encore merci pour tes remèdes.

- Je suis heureuse que cela aille mieux pour vous. Sache que si ma magie pouvait soigner le cancer, j'aurais guéri ta maman sans hésitation. As-tu besoin d'ingrédients pour les potions de soins ? N'hésite pas à me demander. D'ailleurs, je dois aller dans la forêt interdite pour prélever du venin d'acromentule pour le professeur Bordial. Tu veux venir ? J'étais en train de demander à Oliver que je viens de croiser.

Mon pote me jette un regard interrogatif. La forêt interdite l'effraie, mais il est fasciné par toutes les bestioles effrayantes et rêve de voir une acromentule adulte. Avec Maeve, je pense qu'il ne craint rien. Je souris donc aux deux et décline la proposition poliment, invitant mon ami à l'accepter d'un regard.

- Je te remercie Maeve de cette alléchante proposition, malheureusement, je suis épuisé par mes deux tours du lac et je vais rentrer me doucher. Toutefois, je suis sûr que Jamie se fera un plaisir de t'accompagner pour assurer ta sécurité.

- Très bien. Bonne fin de journée Oliver. Tu viens, Jamie ?

- Bonne fin de journée tous les deux. À tout à l'heure mec.

Jamie me fait un signe, super heureux de pénétrer dans la forêt. Je les laisse donc à leurs aventures et rentre d'excellente humeur pour effectivement me doucher et retirer les morceaux de feuilles qui se sont glissées sous mes vêtements. Je n'ai pas tout compris à ce qui s'est passé cet aprem, cependant, je suis en joie. J'ai enfin un nouveau pouvoir.

Deux heures plus tard, Jamie rentre au dortoir avec un sourire de gosse. Il donne une petite fiole de venin d'acromentules à Niles de la part de Maeve. Puis, s'asseyant sur son lit, il commence à nous raconter sa promenade.

Maeve a pris la main de Jamie pour pénétrer dans la forêt. Ils ont marche un bon quart d'heure, s'enfonçant de plus en plus. Jamie reconnaît qu'il avait un peu la frousse. Il entendait des tonnes de bruits étranges et les fougères étaient quasi invisibles sous l'épais brouillard qui stagnait au sol.

Ils sont enfin parvenus à un énorme trou, une tanière sombre et recouverte de fils de toute taille. Jamie a aperçu un grand nombre d'araignées de toutes tailles, de la plus petite de la taille d'un scarabée à de plus grosses, de la taille d'un chien.

Maeve lui tenait toujours la main et elle ne tremblait pas le moins du monde. Mon pote se rendit compte qu'aucune araignée ne s'approchait à moins de deux mètres de lui et de Maeve. En regardant de plus près, il perçut un halo de flammes bleues presque invisibles qui tenait à bonne distance les arachnides.

Un gigantesque acromentule sortit de la tanière. De la taille d'un camion, la créature avançait doucement dans leur direction. Le cercle de flammes s'embrassa et monta d'un bon mètre, faisant fuit loin toutes les autres araignées. La plus grosse s'inclina. Notre amie approcha sa main des crochets, extrayant dans de très grandes fioles, le venin qui s'écoulait doucement.

Cinq bocaux d'environ deux litres furent remplis et mis dans la besace de Maeve. La mère araignée se laissa mettre toucher par Jamie, pour la plus grande joie de mon pote. La créature rentra dans son antre. Maeve et Jamie commencèrent à prendre le chemin du retour, marchant au milieu d'une haie d'Honneur d'acromentules.

Ils croisèrent une troupe de centaures qui salua Maeve très poliment de la main. Jamie sursauta quand il entendit des hurlements au loin. Il vit débarquer quelques minutes après une meute de cinq loups. Il n'est pas sûr. Il pense que c'était des loups-garous au vu de leur agressivité. Lorsque le plus grand, sûrement le mâle alpha s'avance vers eux, Maeve prit ses yeux violets et le loup baissa les oreilles et la queue en signe de soumission.

Là encore, elle permit à Jamie de toucher la créature, se plaçant au niveau de la gueule et des crocs. Elle préleva quelques poils, de la salive et du sang au canidé. Rangeant le tout dans sa besace, Maeve siffla et les cinq loups repartirent dans la forêt, laissant mon pote stupéfait.

Bien qu'il ait été très effrayé, Jamie blague en disant que la bestiole la dangereuse de la forêt était sa compagne de promenade, notre sorcière mystérieuse et caractérielle Maeve. Malheureusement pour lui, elle entre dans la pièce à ce moment-là et entend tout. Mon pote tente de se justifier pour ne pas s'attirer ses foudres.

- Alors comme ça, je suis une bestiole dangereuse Monsieur Foalder? Et ben, la prochaine fois, je dirais aux acromentules ou aux loups-garous de faire de vous leur casse-croûte.

- Non. Non. Je voulais dire que je me suis senti en sécurité avec toi. Je.. T'es... C'était super cool. Merci encore.

- Et qu'est-ce qui était le plus super cool ? Toucher maman araignée, caresser Croc-blanc ou mes flammèches bleues électriques trop flippantes?

Cette chipie nous écoutait depuis le début. Bien qu'elle fasse mine de gronder, elle ne parvient pas à rester sérieuse et la lueur espiègle dans ses yeux lavande rassure Jamie qui comprend qu'elle cherche à se chamailler amicalement avec lui.

- Le plus super cool, c'est d'avoir passé deux heures à papoter avec une fille merveilleusement belle et intelligente et qui est mon amie en plus.

Cet crétin tente le compliment pour s'en sortir. Maeve n'est pas dupe et éclate de rire. Il gagne un bisou sur la joue et se fait gronder du doigt. Mon petit canard va trouver Niles et lui pose quelques questions à propos du dernier cours de potions. Elle reconnaît avoir piqué une sieste et n'avoir pas de notes. Niles lui donne les siennes avec gentillesse.

Quand elle minaude pour savoir qui aurait bien suivi le cours d'Histoire de la magie, je n'ai pas le temps de me proposer que je me fais devancer par Horace. Mon pote s'empresse de lui fournir l'intégralité de ce qu'il a noté et envisage même de lui refaire le cours si besoin.

Maeve s'assoit donc sur le lit d'Horace et voilà que ma chambrée subit de nouveau le cours d'Histoire de la magie et de potions, chacun y allant de son petit commentaire ou précisions pour les beaux yeux de la belle. Je me rends vite compte qu'elle n'écoute pas vraiment et que son but principal est de rester là, loin des filles qui sont en pleine séance de trucs de filles. Tous les gars sont si heureux que je me tais, trop content de la voir si calme et paisible.

Je suis assez étonné du calme dans la chambrée et de l'esprit joyeux qui y règne. Jamie, Horace et moi arrivons à avoir une discussion calme et joyeuse avec les potes de Benoît. Nous passons un super moment.