5.1.4 Œil de faucon
Durant les jours suivants, j'observe plus attentivement la bande de mon cousin. Je m'aperçois vite que Benoit ou Maeve punissent avec sévérité quiconque qui nous fait du tort. Maeve n'a aucune pitié pour les moqueries sur les moldus et donc sur Charline. En réalité, mon petit canard se comporte comme elle a toujours voulu le faire. Elle était bridée par Horace ou Charline, parfois moi, qui tempérais ses colères. Avec Benoît, elle est bien plus libre de ses actions.
La bande de mon cousin est bien moins terrible que je ne le pensais. Bien sûr, de sont de vrais Serpentards qui jouent des tours et pratiquent la moquerie et le sarcasme. Toutefois, ils ne font pas preuve de méchanceté gratuite ou de mesquinerie. C'est plutôt des couillons adolescents qui se moquent des fortes têtes, mais laissent les fragiles tranquilles. Voire, les protègent parfois.
Louise est amie avec Charline et Sarah et s'entend plutôt bien avec Alice. Je l'ai également entendu discuté amicalement avec Jamie, Horace et Rodrigue. Louise est celle du groupe de Benoît qui s'intègre le mieux à ma bande. Parfois, en l'écoutant bavarder, je me rends compte qu'elle est très cultivée et incroyablement gentille. Finalement, c'est une fille super cool.
Plusieurs potes de Benoît ont des amis dans les autres maisons et draguent les filles sans distinction de maison. Ils changent régulièrement de petite amies toutefois, celles-ci ne sont pas dévastées après et ils n'en ont qu'une à la fois. D'une certaine manière, ils sont corrects avec les filles. Je ne dirais pas que c'est des gentils garçons, cependant, c'est des mecs qui me paraissent être des gars biens.
Un des potes de Benoît, Niles, est même ami avec Rodrigue. Ils sont tout les deux passionnés de potions. Ces deux-là sont toujours en train de tester de nouvelles recettes et font des dégâts olfactifs ou explosifs sous la bienveillance du professeur Bordial. Niles et Rodrigue sont très souvent ensemble et se chamaillent amicalement pour la première place du cours de potions.
Les deux garçons sont toujours en train de faire de nouvelles bêtises et s'entraînent l'un l'autre sur des pentes glissantes. Ils se font régulièrement gronder par Alice ou Luise qui tentent de les éduquer et de les sortir de leurs âneries d'adolescents crétins. Ils sont encouragés par les mecs. Ces deux-là sont méga potes. Presque autant que moi et Jamie.
Focalisé sur le retour du Seigneur, je n'ai pas vu les changements et les amitiés qui se sont fait ces deux dernières années. En réalité, l'école a énormément changé. L'atmosphère est beaucoup plus saine que lors de mon entrée en première année. L'amitié de ma bande avec celle d'Alice a apaisé bien des tensions entre maisons. Le dressage du reste des Serpentard, en particulier la bande de Benoît, ainsi que des quelques despotes d'autres maisons, a été effectué par Maeve depuis qu'elle a révélé ses pouvoirs.
Le harcèlement et l'esprit malveillant ont disparu pour laisser place à l'entraide et l'esprit de camaraderie. Bien sûr, il y a encore de la compétition, pour les premières places ou lors des matchs de Quidditch, cependant, elle se fait dans le respect des règles et des autres. Oui, Poudlard a bien changé en quelques années.
Je suis heureux de ces changements, qui reflète un état d'esprit général bien plus agréable et sain. Les adolescents grandiront et garderont en partie cette optique de vie qu'ils transmettront à leurs enfants. Bien sûr, ce sont les prémices d'un changement, toutefois, j'ai l'impression que cela est durable, profondément ancré dans le cœur de chacun de nous, les élèves présents.
Nous, les cinquièmes années avons réussi à transmettre cette joie de vivre-ensemble aux plus jeunes et à un grand nombre de sixièmes et de dernière année. Je me sens tellement fier de mes camarades. Ce qu'ils ont accompli est vraiment génial.
Aujourd'hui, en cours de potions, le professeur nous a fait passer une sorte de test. Reconnaître plusieurs potions en les observant ou en les sentant. Il a eu l'intelligence de ne pas mettre de philtre d'amour, ce qui aurait causé du trouble. Rodrigue et Niles excellent et remportent les points pour les maisons. Ils font un sans-faute.
Les autres élèves ont des scores mitigés. Je connais deux erreurs, Alice trois. Maeve fait un tout faux avec une telle mauvaise foi qu'on sent qu'elle la fait exprès. On aurait dit qu'elle cherchait à se faire gronder par le professeur. Bordial n'est pas rentré dans son jeu et a vite ignoré les provocations de mon petit canard. Leur relation est tout de même très étrange, cela ressemble plus à un oncle et sa nièce qu'à un professeur et son élève.
Le professeur confie aux deux meilleurs élèves, c'est-à-dire Rodrigue et Niles, une mission très risquée. Ils doivent guider leurs camarades de maison pour la préparation d'une potion très compliquée. La meilleure maison, c'est-à-dire celle où un maximum d'élèves aura bien fait la potion, remportera une récompense. Entre la nullité des Gryffondors en potions et le coté rebelle n'acceptant pas l'autorité des Serpentards, je me demande bien quelle maison va gagner.
Durant une heure, nous transpirons tous. Nous nous faisons engueuler par nos camarades. Nous nous engueulons. C'est une catastrophe des deux cotés. Certaines potions sont rose bonbon, d'autres sentent les égouts. Plusieurs ont failli exploser en cours de préparation. Patiemment, les deux gars ont tenté de corriger nos erreurs ou de réparer nos bêtises. Ils sont en nage.
Je suis assez fier de moi. Ma potion n'est pas parfaite, cependant, elle est correcte et je pense faire remporter un point à Niles. J'en suis content. Premièrement par flatterie personnelle, deuxièmement par égard à ma maison que je veux faire gagner, à moins que ce ne soit voir Gryffondor perdre. En plus, Rodrigue enragera s'il perd et ca, c'est super marrant. Même si c'est mon pote, j'adore le voir râler.
Le professeur vient enfin évaluer nos mixtures. Il est incrédule. Les Serpentards ont tous, sans exception, faits des potions merveilleusement bien exécutées et excellentes. Toutes aussi parfaites les unes que les autres. Niles lance un drôle de regard à Maeve qui ricane doucement. Serpentards obtient le maximum de points possible.
Dès que le professeur est passé, les potions reprennent des couleurs étranges. Je vois le pote de Benoît sourire et menacer du doigt Maeve. D'abord très étonnée, je ne tarde pas à comprendre quand je vois Horace et Benoît se marrer aussi.
Cette chipie triche et modifie le contenu des chaudrons pour que Serpentard gagne. Devant notre étrange excellence, Rodrigue finit par s'en apercevoir. Au lieu de se fâcher, il tape dans le dos de Niles et menace lui aussi Maeve du doigt derrière le professeur. Un paquet de sucreries apparaît sur le livre de potions de Rodrigue. Maeve le soudoie. Il y a un petit mot.
- De toute façon, on aurait gagné. Oliver, Horace, Louise, Benoît et moi avons réussi nos potions à la perfection sans tricher. De ton coté, il n'y a qu'Alice qui a réussi.
Rodrigue sourit. Maeve a raison. C'est une espièglerie pas bien méchante. Elle ne cause de tort à personne, si ce n'est la vanité des Rouge et Or qui se font laminer. Rodrigue espère que cela ravivera l'esprit de compétition de ses camarades et les incitera à bosser leurs cours. Il laisse faire. Alice comprend la farce elle aussi et s'en amuse. Elle y gagne un gros paquet de sucreries. Après tout, les Serpentards qui trichent, ce n'est pas vraiment une surprise.
Le cours se termine donc sur cette victoire écrasante et le gain de cinquante points pour Serpentard. Je soupçonne notre directeur de maison d'avoir compris lui aussi la supercherie et de l'avoir accepté pour donner des points à sa maison. Après tout, il a demandé des potions parfaites au moment de son passage. C'est ce qu'il a obtenu, si on joue sur les mots, Serpentard méritent ses points.
À la fin du cours, Niles fonce vers Maeve et la soulève dans ses bras. Ils se chamaillent joyeusement. Une bagarre pour rire débute, avec Benoît en preux chevalier défendant sa princesse Maeve contre le vilain accusateur Niles. C'est un grand n'importe quoi. Les deux garçons font semblant de combattre à l'épée sous les encouragements de leurs belles, Maeve, Louise, Alice, et d'autres filles.
Très vite, Rodrigue puis Jamie et d'autres gars se précipitent dans le jeu. Ils se courent après et se fouetter avec leurs écharpes, se sautent dessus et se bottent les fesses. Un beau bordel en plein milieu des couloirs. Les autres élèves protestent vainement. Je souris face à ce déferlement de conneries.
Soudain, je sens quelqu'un qui me prend la main. Sans me retourner, je sais de qui il s'agit. Rien que son odeur de bonbon à la violette me suffit. Elle glisse quelque chose dans ma poche arrière et après être restée quelques instants près de moi, elle s'éloigne pour calmer les garçons d'un bon seau d'eau froide. Ils sont trempés et frigorifiés et se calment enfin.
Dès que je suis seul, je regarde dans ma poche. Maeve m'a donné un flacon de potion. Un truc pour devenir durant une heure, n'importe quel animal à condition de boire trois gorgées de la mixture à laquelle on a préalablement mélangé un poil, plume, écaille, goutte de sang de la créature choisie. Il y a aussi un petit cadeau avec une plume d'aigle royal. De quoi m'amuser un maximum ce week-end.
Dès la fin des cours du vendredi soir, je bois sans crainte ma mixture. Aussitôt, je deviens un magnifique aigle au plumage chocolat de deux mètres d'envergure. Mon bec crochu, jaune avec la pointe noire est redoutablement efficace pour déchiqueter. Mes serres, puissantes et acérées sont le final de ma panoplie de rapace.
Je m'envole tout de suite, visant la lune pointante pour aller le plus haut possible. Je me laisse ensuite tomber en piqué et voltige. L'air qui vibre sous mes ailes me grise de bonheur. Je me sens si libre et si heureux. J'effectue des cabrioles en plein ciel. Je m'éclate comme un gosse.
J'atteins des vitesses incroyables. Le vent siffle. Je sens toute sa puissance. Plusieurs fois, je manque de me crasher au sol et me rattrape de justesse. Je m'amuse à faire semblant d'attaquer des lapins et des chats qui sont quittes pour une bonne frayeur.
Commençant à fatiguer à force de faire l'avion de chasse, je tente de planer. J'étends mes ailes au maximum et je fais jouer l'inclinaison de mes plumes. Ressentant au plus profond de moi les différents couloirs d'air chaud ascendant, je m'élève dans les nuages. Je suis grisé de bonheur et de bien-être. Je me sens à ma place dans le ciel.
Je suis si bien que je n'ai pas fait attention au temps qui s'écoule. Je chute d'un coup en redevenant moi-même à mille mètres de hauteur. Évidemment, je n'ai ni le restant de potions ni ma baguette sur moi. Je descends à une vitesse folle et tente de trouver un moyen de m'en sortir.
Je commence à prier, après l'échec de tous les sorts possibles, quand je me sens léviter. Je tourne la tête, et aperçois Maeve sur un balai, hilare. Ma baguette orne ses cheveux pour maintenir son chignon. Elle s'amuse à me faire chuter de quelques mètres pour me faire remonter ensuite.
Je soupire, attendant qu'elle ait fini son petit jeu. Je dois être très drôle, la petite séance dure près d'une demi-heure. Maeve se lasse et me permet enfin de m'asseoir derrière elle sur son balai. Elle me ramène à Poudlard en silence. Il fait nuit noire quand nous atterrissons dans la cour.
Maeve se dandine d'un pied sur l'autre. Je pense qu'elle veut me demander un truc, toutefois, elle n'ose pas. Nous nous sommes disputés violement ce matin en cours. Nous nous dirigeons vers le dortoir Serpentards en silence. Je la vois prendre l'escalier qui mène au septième étage et se retourner pour me tendre la main, m'invitant à la suivre. Maeve veut dormir avec moi dans la salle sur demande.
Après un tel cadeau, je ne peux rien lui refuser. Je m'empresse de grimper. Je m'écroule sur le lit, fourbu et harassé, à peine entré. Je retire mes fringues, pour rester en débardeur et boxer, et je m'allonge. Maeve utilise la magie pour revêtir son éternel pyjama noir en coton. Elle se glisse sous l'épaisse couverture de laine et se blottit contre moi.
C'est la première fois qu'elle cherche mon contact de manière éveillée. Je ne tarde pas à comprendre en sentant des larmes couler le long de mon bras. Maeve a encore dû faire des cauchemars horribles ces derniers jours. Elle a besoin de moi pour se reposer. Je suis tellement heureux de mon vol que je me contrefiche de notre dispute matinale et je l'enlace avec douceur pour qu'elle s'apaise et s'endorme.
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