Mission de sauvetage
Tulsa, Oklahoma
Samedi 25 octobre 1980, 17h00
Les clients se bousculent autour des écrans de télévision où le match de football est diffusé. Les Chiefs de Kansas City affrontent les Bears de Chicago au Soldier Field. Les commentaires vont bon train et l’assistance s’embrase à chaque action décisive. Une telle affluence est une aubaine pour le commerce. J’ai deux filles qui servent les bières en continu et quatre dans la salle, moi je ne quitte pas le tiroir-caisse. C’est à ce moment que Miles, le patron vient me prévenir. Becky est au téléphone et demande à me parler au plus vite. Il prend ma place et me conseille de prendre la communication dans son bureau. Mon sang ne fait qu’un tour. Si Becky m’appelle au travail, c’est que c’est sérieux. Je me précipite dans la petite pièce et referme la porte derrière moi. Le bruit de fond s’atténue. Le combiné est posé sur la table de travail.
« C’est Jenny. Qu’est-ce qui se passe ? Dis-moi qu’il n’est rien arrivé de grave ! »
Il s’écoule quelques secondes durant lesquelles je ne perçois que des sanglots réprimés puis Becky commence à m’expliquer.
« Jenny, c’est la merde ici ! Je suis vraiment dans le pétrin. Il faut que tu viennes me chercher, tout de suite.
— Mais pourquoi ? Explique-moi !
— C’est Steve, je crois… qu’il est mort.
— Mort ? Mais comment ?
— Qu’est-ce que ça peut faire ! hurle Becky dans le téléphone, je veux foutre le camp d’ici, tu comprends ? Les flics vont arriver, ils vont trouver le flingue et…
— Ok, ok, je vais venir te chercher, mais tu dois d’abord me dire où tu te trouves.
— Je ne sais pas, dans une maison près du lac…
— Comment veux-tu que je trouve, il doit bien y avoir une adresse.
— Attends, je vais demander. »
J’entends le bruit du combiné qu’on pose, puis des conversations dans le lointain. Des voix affolées, ça crie, ça pleure. Becky revient en ligne.
« C’est à Oologah, c’est l’extrémité du lac. À côté du golf. Juste après le barrage.
— Le nom de la maison, du propriétaire ?
— Le nom c’est Thompson, Steve Thompson, et la maison c’est Summer Mansion.
— Attends, reste en ligne, je vais me renseigner. »
Je pose le téléphone et cours trouver Miles au bar. Une minute plus tard, je suis de retour.
« Tu es toujours là ?
— Oui, bien sûr, crie Becky agacée. Alors ?
— J’en ai pour une demi-heure de route au moins. Le temps que je récupère le pick-up, un petit peu plus. Tu peux sortir de la maison ?
— Oui, oui !
— Alors tu vas m’attendre au bout du barrage, dans trois quarts d’heure. Je fais aussi vite que je peux.
— D’accord !
— Becky ! récupère le revolver. En cas de problème, balance-le dans le lac, le plus loin possible. »
Je mets fin à la communication et j’attrape mon sac dans notre vestiaire. Quelques explications pour Miles qui me laisse partir, compréhensif. Cinq minutes plus tard, je me dirige vers le nord. Je file sur l’autoroute jusqu’à Collinsville avant de quitter la route principale pour me diriger vers le lac. Lorsque j’arrive au niveau du golf, je ralentis. Il y a un parking juste à l’extrémité du barrage. Je m’y arrête. Il y a encore pas mal de monde, des joueurs de golf principalement, si j’en juge par leurs tenues et les gros sacs qu’ils portent. Je n'ai pas remarqué de voiture de police. Je descends et regarde dans toutes les directions. Je repère Becky, elle est avec une autre fille. Un petit coup de klaxon attire leur attention. Elles me remarquent et se dirigent vers moi.
« C’est pas trop tôt ! me lance Becky en guise de bienvenue.
— Merci pour l’accueil, j’ai fait ce que j’ai pu. C’est qui celle-là ?
— C’est Marcie, une copine, on peut la ramener à Tulsa ?
— Tu vois écrit Taxi sur le toit ? »
Oui, je sais, c’est pas vraiment charitable, mais à ce moment là, c’est l’instinct qui commande, et le mien me dit qu’on est dans une grosse mouise, alors pas la peine d’en rajouter.
« Tu montes et tu me balances tout. Je veux tout savoir ! »
Becky balance son sac sur le siège et s’installe à côté de moi, avec sa tête des mauvais jours. Je commence à bien la connaître. Elle fait un geste d’excuse de ses mains, à l’attention de Marcie, et je démarre.
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