Stand de tir

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Lake Oologah, Oklahoma

Samedi 25 octobre 1980, 18h00


Nous roulons quelques minutes dans un silence pesant. Becky fait semblant de se captiver pour le paysage, sur sa droite. Moi, je regarde la route, droit devant moi. C’est en arrivant au niveau du mémorial de Will Rogers que j’éclate.

« Tu ne crois pas que tu me dois des explications ? J’ai tout laissé tombé dès que tu m’as appelée. Alors raconte ! »

Becky semble hésiter et commence à bredouiller son explication.

« Tout se passait bien, on avait passé la soirée à boire de la bière, regarder des conneries à la télé en faisant tourner des joints et puis on est allés se coucher, Marcie avec Louis, et moi avec Steve. Je me suis réveillée vers dix heures, les autres dormaient encore. Je suis descendue jusqu’au lac, il faisait déjà assez chaud. Marcie est venue me rejoindre et puis les garçons sont arrivés. Ils ont allumé un barbecue et on a ouvert des bières. Normal, quoi.

— Accouche, c’est pas ça qui m’intéresse !

— Après le repas, on est restés à bavarder et à somnoler et puis Steve a proposé d’aller faire un tour en bateau. Il devait être à peu près trois heures. Marcie et moi, on est remontées pour chercher nos maillots pendant que les gars préparaient le canot. Steve avait pas mal picolé, et il avait emporté une glacière pleine de canettes. D’un seul coup, il a accéléré à fond. L’avant s’est redressé et on a vu un énorme sillage derrière nous. Steve faisait des virages serrés, on était ballotées dans tous les sens. Marcie et moi, on commençait sérieusement à avoir la frousse, mais les garçons, ça les faisait rigoler. On est allés comme ça jusqu’au bout du lac et puis on revenus un peu moins vite.

— D’accord, mais c’est pas là que tu as sorti le flingue, dis-je avec agacement.

— Ben non, je l’avais pas emporté sur le bateau !

— Alors passe à l’essentiel !

— Quand on est revenus à terre, on est remontés jusqu’au chalet. Il y avait un paquet de bouteilles vides un peu partout. Louis a commencé à en ramasser et il a demandé à Steve s’il avait un fusil ou quelque chose comme ça. Steve a répondu que bien sûr, il y avait tout ce qu’il fallait et il nous a emmenés dans une pièce fermée à clé. Il a ouvert une armoire, elle était pleine de fusils et de pistolets en tous genres. Il nous a dit de choisir. Marcie a dit qu’elle n’aimait pas ça et elle est partie dans le salon. Steve a pris un automatique et Louis un genre de fusil de chasse. Moi, je suis restée en arrière, sans rien dire. Steve m’a demandé ce que je voulais et j’ai répondu que j’avais ce qu’il fallait, alors je suis allée chercher ton revolver dans mon sac.

— Tu pouvais pas plutôt aller rejoindre ta copine ?

— Quand je suis redescendue, ils avaient déjà commencé à tirer dans le bois, derrière la maison. Ils ont été surpris de me voir avec ce truc. Louis m’a demandé si je savais m’en servir, alors j’ai commencé à tirer sur les bouteilles vides. J’ai manqué la première, mais j’ai touché les trois suivantes.

— Joli score !

— Je croyais que l’arme était vide, vu qu’on avait tiré chacune une fois avec. Steve m’a regardée et m’a dit : Pas mal, tu as déjà tiré sur autre chose que des canettes ? Alors j’ai fait ce qu’on ne doit jamais faire, mais j’étais encore à moitié bourrée, je l’ai mis en joue. Louis a crié : Pas cap’ ! Et j’ai pressé la détente encore une fois, j’étais persuadée qu’il était vide !

— Tu ne savais pas que je l’avais rechargé chez Chad ?

— Comment j’aurais su ?

— La moindre des choses, c’est de vérifier quand on prend une arme.

— Oui, bon, je l’ai pas fait, aboie Becky, c’est trop tard de toute façon. Je l’ai tué ! Tu vas me balancer aux flics ?

— Ça me fait mal de t’entendre parler comme ça. Si j’avais voulu me débarrasser de toi, je n’aurais pas attendu, je l’aurais fait à Memphis.

— Excuse-moi ! pleurniche Becky. Tu comprends, je suis complètement paumée. Le type à Memphis, c’était pas pareil, c’était pour me défendre, mais là…

— C’est vrai que tu as négligé toutes les règles, mais ces gars t’ont poussée trop loin. Tu n’es pas seule responsable. Ce Louis est tout autant coupable que toi. Qu’est-ce que vous avez fait après ?

— Louis était complètement abasourdi. Il s’est assis par terre, la tête entre les mains. Marcie est sortie, elle a regardé la scène et s’est mise à crier. Moi je suis rentrée pour te téléphoner.

— Quelqu’un a appelé la police, les secours ?

— Pas tout de suite, en tout cas. De toute façon, on a bien vu qu’il était mort ! Qu’est-ce qu’on va faire maintenant ?

— On rentre à la maison. On verra bien demain ! »

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