Passage de témoin
Kerr-McGee Building, Tulsa Oklahoma
Mardi 18 novembre 1980, 11h00
L’antenne du FBI à Tulsa partage les bureaux d’un immeuble fédéral au 15th East 5th Street. Le sergent Lobster et l’adjoint Sands y avaient rendez-vous avec l’agent spécial Mark Doherty. Il avait fallu du temps au capitaine Foster et au shérif Langer, les supérieurs des deux officiers pour admettre qu’il fallait passer la main aux fédéraux, mais plus de deux semaines après la mort du jeune homme, les deux policiers n’avaient pu recueillir aucun élément leur permettant de faire progresser leur enquête. Les hommes du shérif se présentèrent en tenue impeccable et furent accueillis par une réceptionniste qui leur remit des badges d’accès. Aucun d’eux n’avait encore eu affaire à la prestigieuse agence. Ils furent impressionnés par l’austérité des lieux et l’attitude affairée des personnes qui évoluaient dans le vaste open-space.
Mark Doherty était un homme svelte, à l'allure sportive, bien qu'ayant visiblement atteint la cinquantaine. Il était vêtu d’un costume gris coupé avec soin et ses cheveux grisonnants étaient coupés très court, lui donnait l’air d’un militaire en civil. L’agent fit entrer ses visiteurs dans une petite salle de réunion et proposa du café. Quand les tasses furent servies, il demanda à Lobster et Sands de lui résumer ce qui justifiait leur démarche. Étant le plus gradé, le sergent prit la parole, mais laissa rapidement son jeune collègue entrer dans les détails.
Un peu intimidé au début de son exposé, Tsali Sands retrouva son assurance à mesure qu’il présentait les éléments de l’affaire. S’appuyant sur des documents préparés pour la circonstance, il débuta par le décès accidentel du jeune Steve Thomson avant de remonter la chronologie des déplacements des deux femmes, jusqu’à la fuite de Louisiane deux mois plus tôt et l’incident avec l’adjoint Chance, tel que relaté par le shérif Pfeiffer. L’agent Doherty laissa Sands aller jusqu’au bout de son exposé, prenant de nombreuses notes. Le jeune policier conclut son propos avec une hypothèse personnelle, basée sur le témoignage de Louis Beckman, l’ami de Thomson. Rebecca Page aurait selon lui été surprise que le revolver soit encore opérationnel après avoir tiré quatre fois. Pour Sands, la jeune fille savait donc que l’arme avait été utilisée auparavant.
« Votre analyse est intéressante, déclara l’agent spécial, mais elle ne nous dit pas que l’arme a été spécifiquement utilisée pour commettre un crime. Elle a pu tirer par jeu.
— Vous avez raison, Monsieur, mais vous admettrez qu’il pourrait être pertinent de rechercher sur le trajet de ces deux femmes si d’autres affaires ont mis en évidence l’utilisation d’un .38 spécial dans les deux derniers mois. C’est quelque chose que nous ne pouvons pas faire à notre niveau.
— Ne vous inquiétez pas, nous avons les moyens de recouper ces informations. Vous avez déjà réuni de précieuses informations. Je vous félicite pour votre ténacité. Nous allons lancer un mandat d’arrêt fédéral pour appréhender ces deux femmes.
— Merci, Monsieur. Pensez-vous que nous pourrions être tenus au courant de la progression de cette affaire ? demanda Tsali.
— Nous n’avons pas pour habitude de communiquer sur nos enquêtes, mais vous pouvez suggérer à votre capitaine de me téléphoner d’ici quelques jours, répondit Doherty avec un sourire encourageant. »
De retour dans la voiture, les deux hommes restèrent un moment sans parler puis Tsali demanda à son coéquipier :
« Tu crois que j’ai eu tort avec ma question ?
— Tu as bien fait de montrer ton intérêt, mais ne te fais pas trop d’illusions, ces gars-là n’ont pas beaucoup de considération pour des bouseux comme nous ! »
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