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LVMPD, 400 Stewart Avenue
Las Vegas, Nevada
Vendredi 26 décembre 1980, 17h00
L’inspecteur Monroe accrocha sa veste à côté de son bureau et rangea son arme de service dans le tiroir. Mary Blanchett, sa partenaire et l’une des rares femmes du service lui proposa de rapporter du café.
John était plutôt satisfait. Ce n’était pas si souvent que la police locale pouvait apporter une information capitale aux cadors du FBI. Après sa conversation avec l’agent de Tulsa, en début de semaine, il avait pu remonter la piste de l’homme qui accompagnait Robert Frantelli, juste avant sa mort. Quand il s’était présenté au Flamingo, l’homme au comptoir lui avait expliqué que le concierge en service le soir du meurtre était en congé. Il n’avait pu l’interroger que ce matin, à son retour. L’homme qui arborait deux clés d’or à son revers eut d’abord un moment d’hésitation jusqu’à ce que le policier précise qu’il s’agissait d’une affaire de meurtre et non de mœurs.
« Vous dites qu’il s’agissait d’un client de l’hôtel, la nuit du 16 décembre. Rick ? Richard sans doute, je me souviens avoir fait une réservation au restaurant Pamplemousse, pour trois personnes.
— Vous avez sans doute le nom complet dans vos registres, suggéra Monroe.
— Oui, bien sûr, laissez-moi regarder. Le concierge consulta un grand cahier. Voilà, Richard Bauer, il avait la chambre 401, une suite de luxe.
— C’est un habitué de l’établissement ? demanda le détective.
— Vous savez que notre réputation repose sur la confidentialité…
— Vous préférez que je revienne avec des agents en uniforme et un mandat ? Il ne me faudra que quelques minutes.
— C’est un client fidèle, oui. Monsieur Bauer passe deux ou trois jours chez nous, chaque mois.
— Vous avez donc relevé son identité complète. Quelle adresse vous a-t-il donné ?
— 1838 North Lincoln Avenue à Chicago.
— Vous voyez, c’est facile. A-t-il une réservation pour le mois prochain ?
— Pour le mois prochain, non, mais pour New Year’s Eve[1].
— Je vous remercie…
— Walt, Walter Cooper.
— Je vous remercie, Walt, je saurai me souvenir de votre collaboration. »
Mary avait rejoint l’inspecteur au Pamplemousse. Là encore, le maître d’hôtel avait eu une amnésie soudaine avant de se souvenir des trois clients, deux hommes et une jeune femme. La description correspondait au signalement fourni par le chauffeur et les deux filles.
« Si vous voulez mon avis, Inspecteur, cette femme avait l’allure d’une professionnelle.
— Vous savez les distinguer comme ça, demanda Mary d’un ton sarcastique.
— Sa tenue, son maquillage… on voyait bien qu’elle n’avait pas l’habitude de diner dans des établissements comme celui-ci.
— L’un des deux hommes était bien celui-ci ? demanda Monroe en montrant une photo de Frantelli.
— Oui, en effet. Il était arrivé le premier.
— L’autre homme, vous le connaissiez ?
— Je l’avais déjà vu, mais j’ignore son nom. Le réceptionniste, peut-être…
— Ne vous inquiétez pas, on sait qui c’est. Vers quelle heure sont-ils partis ?
— Il était encore assez tôt, je dirais vers 9 heures. Si vous voulez mon avis, ils avaient quelque chose de prévu ensuite.
— Votre avis, on s’en passera, on sait ce qui s’est passé ensuite. Ce sera tout pour le moment. Allez Mary, on rentre, je n’ai pas les moyens de t’inviter ici et le chef ne me laissera pas le passer en note de frais. »
John fit un signe à sa collègue qui revenait avec deux mugs fumant. Elle posa les récipients sur le bureau quand Monroe décrocha le téléphone.
« Agent spécial Doherty, répondit la voix au bout du fil. Qui le demande ?
— Inspecteur Monroe, de Las Vegas, nous nous sommes parlés lundi.
— Oui, je me souviens, à propos de cette arme volée qui est réapparue chez vous.
— C’est cela, nous avons creusé un peu avec ma collègue Mary Blanchett et on pense avoir identifié l’homme qui était avec la victime le soir du drame.
— Intéressant, approuva Doherty. Continuez !
— Il s’appellerait Richard Bauer, de Chicago. Il passe quelques jours tous les mois à Las Vegas. Vous savez ce que ça évoque pour moi ?
— Sans doute la même chose que pour moi. Vous m’avez dit que la victime était connue chez vous ?
— Oui, en effet, ce Frantelli dirigeait plusieurs clubs de strip-tease.
— Je vous remercie, Inspecteur, je vais contacter mes collègues de Chicago. Je vous tiendrai au courant dès que j’aurai du nouveau.
— À votre service, Monsieur, ça me fait plaisir de pouvoir aider le Bureau, conclut Monroe en raccrochant.
— Tu n’en fais pas trop un peu trop dans le genre cirage de pompes ? demanda Mary en lui tendant sa tasse.
— C’est vrai que les gars du FBI nous prennent pour des larbins la plupart du temps, mais celui-là m’a l’air réglo. En tout cas ça ne coûte rien d’être poli. »
[1] La nuit de la Saint Sylvestre
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