Evocation

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Barstow, Californie

Samedi 27 décembre, 10h00

Becky n’était pas encore rentrée quand je me suis mise au lit hier soir. J’ai entendu du bruit pendant la nuit dans la pièce à côté, mais je ne me suis pas levée. Je suis debout depuis plus de deux heures, je pense qu’il est temps de réveiller la jeune fille. Nous avons des choses à nous dire.

Comme prévu, il n’est pas facile de tirer Becky de son lit. J’essuie quelques insultes bénignes, elle se retourne et tire la couverture sur sa tête, mais je ne cède pas. Quelques minutes plus tard, elle est assise en face de moi, une tasse de café fumant posée en face d’elle.

« Qu’est-ce qui te prend de me réveiller à cette heure ? Je suis rentrée à deux heures du matin.

— Et bien, moi, j’ai un travail et je dois y être avant onze heures, répondé-je avec humeur.

— Je ne vois pas ce qui t’empêche d’y aller.

— Je te rappelle qu’il y a un type de Vegas qui te cherche. J’en ai parlé avec Roy.

— Oui, et alors ? Je n’ai pas prévu d’y aller, encore moins de lui téléphoner. Point final !

— C’est ce que tu penses, toi. Lui n’a peut-être pas le même point de vue. Roy et moi, nous sommes d’accord. Il se peut que tu représentes une menace pour lui. Tu l’as dit toi-même, il t’a vendue à ce Bob. Il se retrouve de fait impliqué dans son meurtre, et le lien, c’est toi.

— Vegas, c’est à plus de cent cinquante miles.

— En tout cas, cette fois, je ne partirai pas. Je suis bien ici et j’ai besoin de souffler un peu.

— Tu es amoureuse de Roy ? Tu as raison, il est trop vieux pour moi, mais il est plutôt cool dans son genre.

— Ce n’est pas le sujet ! dis-je plus brutalement que je ne l’aurais voulu. Si ce type se pointe à Barstow, on ne le laissera pas faire. Il faut que tu me le décrives pour que je le reconnaisse s’il se pointe au bar.

— Et qu’est-ce que tu feras ? Tu vas le descendre lui aussi ?

— Pourquoi pas ? Roy a des amis, des gars des chemins de fer. S'il arrive en voiture, il repartira en train, répliqué-je avec un rictus mauvais, et pas en première classe. »

Becky me regarde, l’air étonnée. Je sens qu’elle se pose des questions.

« Tu es sérieuse ? Et s’il n’est pas seul ?

— On verra bien le moment venu. Alors, il ressemble à quoi ce type ? »

Becky prend le temps d’avaler une gorgée de café avant de se lancer. Au bout de quelques minutes, je l’arrête.

« Je n’ai pas besoin de tous ces détails intimes, dis-moi simplement s’il est grand, s’il est baraqué, blond ou brun, tu vois ? »

Elle rectifie le tir, si je peux oser cette image. Elle me décris un homme dans la quarantaine, portant beau, enfin elle n’utilise pas cette expression bien sûr, les cheveux bruns ondulés, le regard sombre et pénétrant, sans barbe ni moustache.

« Le genre italien dans les films de Mafia, tu vois, Al Pacino dans le Parrain.

— Je vois très bien, en effet, Las Vegas, Mafia, ça colle bien.

— Quand je l’ai rencontré, il était seul, sans gardes du corps, et je peux t’assurer qu’il n’avait pas de flingue, je l’ai déshabillé moi-même !

— Je te fais grâce des détails, dis-je pour l’interrompre, j’ai compris. Si un type de ce genre se pointe, je le remarquerai, c’est sûr. Comment as-tu dit qu’il s’appelle ?

— Je ne te l’ai pas dit, je ne connais que son prénom, Rick et l’autre c’était Bob. Quand un type te paye à boire et t’invite dans sa chambre, tu ne lui demandes pas ses papiers !

— Il faut que j’y aille, essaie de rester discrète pendant quelques jours, du moins ici.

— Ne t’inquiète pas, je vais repartir pour la fin de l’année. J’ai prévu d’aller passer quelques jours à Palm Springs. »

Elle emporte le reste de café dans sa chambre. J’imagine qu’elle va se recoucher. J’enfile deux pulls, je n’ai pas encore acheté de manteau, et je sors. Un quart d’heure plus tard, je suis au café. Roy est déjà là, il sert les quelques clients qui s’attardent pour le petit-déjeuner. Quand on se croise dans la cuisine, il me prend par la taille et m’embrasse. Je le laisse faire. Je commence à y prendre goût.

« Hé, pas dans la cuisine, c’est pas propre ! lance Jeff rigolard depuis son fourneau ! »

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