Nouvelle alerte
Big Bear Lake, Californie
Mercredi 7 janvier, 18h00
La neige est tombée à nouveau aujourd’hui. Heureusement, j’avais pu aller faire quelques courses en voiture avec Morris. Ce couple est vraiment très attentionné. Mary m’a appelée en milieu de matinée, pour me demander s'il me fallait quelque chose. J’en ai profité pour sortir un peu. Nous sommes allés au supermarché à la sortie de la ville. Je n’avais pas vraiment besoin de provisions, plutôt de changer d’air. Becky devient neurasthénique. Elle refuse de sortir, passe son temps devant la télévision ou à regarder par la fenêtre. Je pense qu’elle est angoissée. Elle, qui d’habitude est toujours insouciante, s’inquiète à chaque fois qu’une voiture passe devant le chalet. Quand elle va dans l’entrée, elle s'arrête devant la console et ouvre le tiroir. En même temps, je peux la comprendre. Si ce Rick décide de s’en prendre à elle, il doit avoir les moyens de la retrouver. J’ai renoncé à la raisonner. J’essaie de profiter un peu de ce séjour en montagne. Quand nous sommes revenus du magasin, Morris m’a emmené dans le secteur des pistes de ski. Je me souvenais juste d’avoir vu quelques images l’année dernière, à l’occasion des Jeux Olympiques de Lake Placid. Il m’a demandé si j’aimerais essayer. Il pratique encore régulièrement et il m’a expliqué que Roy conservait tout l’équipement de ses filles au chalet. Je l’ai remercié, mais ça ne me tente pas trop. Il y a aussi des patineurs sur le lac. Ça me plairait d’avantage. Je verrai quand Roy sera de retour, le week-end prochain.
On avait à peine terminé de déjeuner quand le ciel est devenu gris et que les premiers flocons sont apparus. D’un seul coup, tout est devenu flou dehors. Au bout d’une heure, on ne voyait plus nos traces de pas sur le chemin. En contre-bas, les phares des voitures formaient de curieux halos blancs. Il n’y avait d’ailleurs plus beaucoup de circulation. C’est pour ça que j’ai été intriguée quand un véhicule est passé en ralentissant devant chez nous. Je ne pouvais pas distinguer les passagers à l’intérieur, bien sûr, mais quand la voiture est repassée dans l’autre sens, j’ai compris que ce n’était pas vraiment le genre de modèle qu’on voit par ici. Dans la station, il n’y a pratiquement que des gros véhicules tous-terrains, commodes pour circuler dans la neige, pas des berlines sombres comme celle que j’ai vue hier et qui repasse aujourd’hui. Je n’ai rien dit à Becky, pour ne pas l’affoler encore plus. Par chance, elle était dans sa chambre. J’ai hésité à prévenir Roy, mais que pourrait-il faire, il est à plus de deux heures de route. J’en parlerai à Morris et Mary demain, ils sauront bien si cette voiture appartient à quelqu’un du quartier. Moi aussi, j’ai l’impression de devenir paranoïaque. Cette voiture a sûrement une bonne raison de passer par ici, et le conducteur s’étonne peut-être de voir le chalet ouvert, alors que Roy est reparti. En même temps, ce que j’ai vécu durant ces derniers mois a de quoi ébranler mon cerveau, habitué à une vie casanière depuis tant d’années. J’aimerais que ça s’arrête enfin, pourquoi ne pas envisager de vivre avec Roy, je crois qu’il en a envie lui aussi. Il me l’a dit, et je pense qu’il est sincère. Le problème c’est Becky. Je ne peux pas la chasser de ma vie. Je ne peux qu’espérer que ce soit elle qui prenne la décision de se prendre en main totalement.
J’ai soudain un coup de cafard. J’ouvre une bouteille de vin blanc. C’est quelque chose que je ne fais jamais, on en servait rarement dans les bars où j’ai travaillé, et c’était toujours le patron qui s’en chargeait. Je cherche le tire-bouchon dans la cuisine, je le trouve. Il me faut un peu de temps pour venir à bout du bouchon, mais je finis par réussir. Je me sers un verre et je m’installe devant la cheminée. La télévision est allumée, mais je n’arrive pas à me concentrer sur le programme, depuis quelques jours on ne parle que de la libération des otages en Iran. Je ne comprends rien à ces histoires, mais ça ne me rassure pas. Je finis par attraper le téléphone et j’appelle le bar. C’est Roy qui répond. Sa voix me fait du bien.
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