Chapitre 5
Quelque part dans l’espace.
Entré dans l’espace, le vaisseau se stabilisa enfin. May observait Chase appuyer sur plein de touches et de petits leviers, comme interrupteurs. Puis jeta un coup d’œil sur Shadow qui avait l’air de bien dormir, il était peut-être même en train de rêver. Une de ses pattes et sa queue bougeaient de temps à autres, ce qui faisait sourire la jeune femme, qui tentait d’imaginer quel rêve il pouvait être en train de faire.
- Tu peux te détacher, annonça le garçon aux cheveux blonds. Je te dirais quand remettre ta ceinture.
- O…Ok, bégaya la jeune femme, qui venait de faire son premier baptême de l’air. Je peux me lever ? Parce que faudrait que j’aille aux toilettes, si tu en as, confia-t-elle en adoptant un teint aussi rouge qu’une tomate.
Le pilote se figea puis fit pivoter son siège pour se tourner vers May :
- Tu ne pouvais pas le faire avant de partir ? questionna-t-il passablement énervé.
- Tu ne m’en a pas laissé le t…
- La porte sur ta droite, coupa-t-il. Et c’est pas une chasse d’eau comme sur terre, alors tu fermes bien le couvercle avant d’appuyer sur le bouton.
- Euh, d’accord. Merci, répondit-elle en allant faire sa commission.
May ressortit des toilettes en fermant la porte derrière elle et regarda à travers le hublot de l’appareil où elle vit un panorama d’étoiles. Elle contempla ainsi un spectacle que seuls les astronautes pouvaient voir de leurs propres yeux. Un spectacle que, vu de la Terre, on penserait impossible d’aller voir de plus près. Elle repensa subitement aux sagas de Star Trek et de Star Wars et se remémora que certains vaisseaux avaient un nom. Elle se demandait quel nom pouvait avoir celui-ci. Elle se rassit sur un des deux sièges et songea la tête posée sur la paume de la main, accoudée sur la table. Chase, à l’inverse, se leva et alla chercher quelque chose dans un des placards de rangement, qui s’ouvraient comme des boites à pain. Elle le vit la regarder du coin de l’œil.
- T’es en train de penser ou t’es constipée ? lança-t-il.
- Ah, ah, ça se voit pas mais je rigole intérieurement là. J’ai vraiment du mal à m’arrêter, c’est tellement drôle, répondit-elle en affichant un sourire à peine forcé.
Il inclina sa tête du côté de May :
- C’est ma façon de te demander à quoi tu penses, bécasse. Plus susceptible que toi, ça existe sur Terre ?
- Je ne sais pas, j’ai pas demandé, répliqua-t-elle. Plus sérieusement, j’ai regardé pas mal de films sur des histoires dans l’espace. Et, je me demandais si, comme dans ces films, ton vaisseau avait un nom ou un matricule, confia-t-elle avec un regard curieux.
- Tous les vaisseaux ont un matricule. C’est comme les voitures sur Terre. Pour ce qui est des noms, seuls les engins qui ont fait parler d’eux en ont, expliqua-t-il sur un ton calme.
May le regarda avec un air triste. Triste de savoir que l’unique raison pour l’avoir emmenée avec lui c’était que d’autres la voulait. Mais malgré ses yeux humides, elle souriait. Car il avait le cœur de lui parler et de la traiter, un minimum, comme une personne. Elle espérait qu’il s’était, ne serait-ce qu’un peu, attaché à elle. Et que dans un miracle, il ne la vendrait, ou échangerait pas comme il avait prévu de le faire. Elle ne comprenait, d’ailleurs, toujours pas pourquoi. Pourquoi elle, et pas quelqu’un d’autre ?
Shadow se leva d’un coup, comme réveillé après un cauchemar et se rendit aux côtés de la jeune femme. Comme s’il avait senti sa détresse. Il pencha sa tête d’un côté, puis de l’autre, le regard interrogateur et les oreilles dressées vers elle.
- Qu’est-ce qu’il y a ? demanda soudainement Chase, les yeux rivés sur elle. Tu vas pas encore chialer j’espère. Cette fois, je n’ai rien dit. À moins que “Madame” ait des petits soucis de confort.
- Pas du tout. Tout va bien “Monsieur”, fit-elle en reniflant un bon coup. Et, du coup, c’est quoi l’immatricule de ton vaisseau ? questionna-t-elle en caressant la tête du loup.
- NGC 1921 - L 23, dit-il en posant une boîte sur la table. Si tu as faim sers-toi, je t’apporte de l’eau.
- Merci, hésita May. C’est une sorte de drogue c’est ça ? Comme ça, t’es tranquille tout le long du voyage, taquina-t-elle.
- J’aimerai bien, mais ce sont juste des fruits séchés, répondit-il, avec un sourire qui paraissait sincère, en lui tendant un verre d’eau.
La jeune femme prit le verre d’eau et le but d’une traite. Elle le lui rendit et ouvrit la boîte. Elle y découvrit les dits fruits séchés. Ils ne ressemblaient pas à ceux de la Terre. Elle en goûta un, qu’elle trouva un peu amer. Puis un autre, qui était plus sucré. Un vrai régal. Pour quelqu’un qui n’avait pas mangé depuis quelques heures. Le loup, lui, avait le droit à de la viande et Chase mangeait des sortes de biscuits en forme d’étoile. May salivait devant la nourriture du loup.
Après quelques poignées de fruits, elle remit le couvercle sur la boîte et observa l’animal déchiqueter son morceau de viande en petits bouts pour faire durer le plaisir. Le jeune homme referma son sachet de biscuits, reprit la boîte et les rangea.
- Maintenant que tout le monde a mangé quelque chose on est repartis. May, attache-toi, ordonna-t-il.
May s’attacha et pivota son siège pour être face au hublot :
- Dis, tu ne serais pas tombé malade en mangeant tes biscuits ?
- Non, pourquoi ? s’enquit-il.
- Tu viens de prononcer mon prénom, pour la première fois, je crois bien, dit-elle en piquant un fard.
Chase gêné ne répondit pas. Il grimaça une expression d’incompréhension. May ne comprenait pas non plus. Peut-être s’était-il, comme elle l’espérait, attaché à elle. Elle le vit secouer la tête, ses cheveux souples avaient un reflet argenté et semblaient se mouvoir au ralentit. Elle se prit en flagrant délit d’être séduite par le spectacle que lui offraient ses cheveux. Pendant sa rêverie, le jeune homme avait fait passer le NGC 1921 - L 23 en vitesse lumière. Elle ne s’en était même pas rendu compte.
Elle observa, à travers la vitre, les étoiles défiler. Shadow quant à lui se déplaçait librement et narguait la jeune femme sans le vouloir. Il s’installait sur le siège passager, celui du copilote, puis allait à l’arrière du vaisseau pour revenir sur le siège à l’avant. Quelques temps plus tard l'engin retrouva une vitesse normale dite de croisière.
- On arrive à destination dans environ deux heures, annonça Chase.
May sentit son estomac se nouer et son cœur se serrer. Qu’allait-il lui arriver dans deux heures ? Ces gens à qui Chase devait l’amener allaient-ils ressembler à des humains où allaient-ils être comme dans les films ? Plusieurs questions se bousculaient dans sa tête.
- Est-ce qu’ils me feront du mal ? lâcha-t-elle, avant de s’apercevoir qu’elle venait de parler à haute voix.
Chase serra le poing sur le tableau de bord. Il semblait décontenancé. Mais ne répondit pas. Peut-être avait-il honte ? Honte, lui, May n’y croyait pas. Mais pourquoi un tel silence ? Le silence se faisant lourd elle alla s’allonger sur le lit sans quelconque permission. Le matelas était plutôt dur, tant mieux, elle arrivait mieux à dormir sur les matelas durs. Elle n’osa pas défaire le lit alors elle s’était juste étendue sur le dessus de la couverture grisâtre étirée. Elle s’endormit une fois de plus, fuyant la réalité de la situation, rêvant d’un meilleur destin.
Quand elle se réveilla, environ deux heures plus tard, ils arrivaient à destination. Elle s’aperçue que Shadow l’avait rejoint sur le lit et que Chase lui avait mis sa chemise à carreau en guise de petite couverture. Elle regarda vers le garçon et il se retourna comme s’il avait perçu qu’elle s’était réveillée.
- Toi qui parlais de noms pour les vaisseaux, voici le Colossal-3000. Parce qu’il est colossal et qu’il peut accueillir jusqu’à trois milles individus, annonça-t-il. Dedans il y a beaucoup de mercenaires et de chasseur de primes. Il y a un casino, des bars et… vaut mieux pas que tu sache le reste. Bien, retourne sur le siège et attache-toi le temps que je pose l'engin.
Le garçon fit atterrir le vaisseau dans une sorte de hangar à bord du Colossal. May n’arrivait pas à se détacher. Elle ne le voulait pas. Elle se retenait de ne pas verser une larme. La chemise qu’il avait déposée ne signifiait donc rien ?
La passerelle se mit à s’ouvrir, c’était donc la fin. Shadow se mit à japper, mais s’arrêta aussitôt que Chase le fusilla du regard. La jeune femme crut même voir une de sorte de lueur, de la couleur respective des yeux vairons du jeune homme, apparaître dans ceux-ci. Après ce moment fort troublant, le garçon détacha lui-même May du siège qu’elle ne voulait pas quitter. Il passa sa main dans la poche de son sweat à capuche blanc et prit son téléphone. May attrapa le poignet du jeune homme.
- Qu’est-ce que tu fais ? questionna-t-elle.
- T’en aura pas besoin. Ce truc est inutile ici, répondit-il en le prenant dans l’autre main, avant de le mettre dans une de ses poches. Il est beaucoup trop loin des satellites auxquels il est relié. En échange je t’offre ça, dit-il en lui mettant une montre au poignet. Tu sais encore lire les aiguilles d’une montre j’espère. Elle t’indique même quel jour il est sur Terre, ajouta-il.
May n’eut pas envie de le remercier cette-fois. Il allait l’abandonner à son sort ici, avec pour seul cadeau, une montre. Connaître l’heure et le jour terrestre allait-il lui sauver la vie ? C’était peu probable.
Chase tira ensuite sur la manche de la jeune femme pour couvrir la montre. Il la prit par le poignet pour la faire descendre de l’appareil, tandis que Shadow attendait déjà au bout de la passerelle. Arrivés à terre, May repris sa main. Déçue par le garçon, elle ne souhaitait pas qu’il la touche. Elle ne voulait plus se faire d’illusions.
- Tu connais bien cet endroit ? s’enquit-elle, faisant mine ne pas avoir compris qu’il était l’un de ces mercenaires, et peut-être même, un chasseur de primes.
- Disons que je viens souvent, répondit-il en montrant une expression qui traduisait son inconfort.
May le suivit, alors, sans plus poser de questions, sans prononcer un seul mot. Elle regardait les alentours tout en marchant, et réussissait à rester fascinée par les détails de la structure. Son esprit curieux essayait de comprendre à quoi servait telle et telle pièce. Et trouver des réponses plutôt crédibles et logiques, par elle-même, la rendait fière.
Après avoir traversé plusieurs couloirs, monté deux étages et traversé d’autres couloirs, ils arrivèrent devant une grande double porte. Deux gardes en surveillaient l’entrée. Ils avaient chacun une lance, et malgré le casque sur leur tête, leur carrure laissait à penser qu’ils étaient humains. Chase leur fit un signe, comme un code secret. Les gardes se mirent alors à ouvrir la porte en grand.
Entrée dans la salle qui était gardée, May contempla le haut plafond. Il devait bien être dix mètres au-dessus du sol. Au fond de la salle se trouvait un homme d’âge mûr assis sur un fauteuil qui devait lui servir de trône. Elle suivit Chase jusqu’au milieu de la salle. Elle était étonnement assez bien tempérée. Il faisait réellement bon.
- Je l’ai amenée comme convenu, annonça le garçon.
- Est-ce qu’elle parle ? fit l’homme en se penchant vers l’avant, comme pour mieux entendre.
Chase donna un coup de coude à la jeune femme.
- Oui, Monsieur, bafouilla-t-elle.
- Bien ! s’écria l’homme en se levant de son trône pour s’avancer. Tu auras tes deux cents unités de plus fit-il en regardant le jeune homme. Tu peux disposer, je vais bien m’en occuper déclara-t-il en riant à s’en décrocher la mâchoire.
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