CHAPITRE 4 : Les ombres du doute
La nuit était tombée depuis longtemps lorsqu’Iris arriva chez elle. Le loft de Soho, habituellement un sanctuaire, semblait étrangement silencieux. Les immenses baies vitrées, qui donnaient sur la ville illuminée, projetaient des ombres mouvantes sur les murs nus et blanchis à la chaux. Le désordre contrôlé du lieu — des piles de livres éparpillées, un appareil photo abandonné sur une étagère, des plantes aux feuilles tombantes par manque de soin — témoignait de son état intérieur. Elle posa son sac près de la porte, se déchaussa sans un mot, et s’effondra sur son canapé en cuir usé, son esprit tournant à plein régime. Serena et Elliot. Deux personnalités si différentes, mais étrangement similaires dans leur manière d’occuper tout l’espace dans son esprit.
Était-ce cela, la véritable bataille ? Choisir entre une chaleur désarmante et un mystère glacial ? Entre Serena, qui semblait voir à travers ses défenses, et Elliot, qui la poussait à questionner tout ce qu’elle croyait savoir sur elle-même ? Chaque pensée était un piège, et elle ne pouvait s’empêcher de sentir qu’elle trahissait l’un en pensant à l’autre.
Pendant ce temps, ailleurs dans la ville, Serena était plongée dans ses propres tourments. Assise dans son appartement, un verre de vin à moitié vide à la main, elle fixait une vieille photo accrochée à son mur : elle, à vingt ans, pleine d’ambition et d’idéaux. Combien d’entre eux avait-elle sacrifiés pour rester debout dans ce monde ? Peut-être était-ce pour cela qu’elle s’attachait autant à Iris. Wolfe représentait tout ce qu’elle avait perdu – une innocence brute, une lumière fragile mais persistante. Mais était-elle la bonne personne pour la protéger ?
Cherchant à échapper à ses pensées, Iris ouvrit son ordinateur portable. Ses photos s’affichèrent à l’écran, un mélange de visages capturés dans des instants bruts et sincères. Mais ce soir, elles lui paraissaient vides. Son propre regard semblait absent.
Alors qu’elle passait machinalement d’une image à l’autre, une notification éclaira son écran. Un email d’une adresse qu’elle ne connaissait pas.
De : no_reply@unknown.com
Objet : Faites attention.
Message : Il n’est pas ce qu’il prétend être. Restez à l’écart d’Elliot Grayson. – Un ami.
Elle se figea en lisant les mots à l’écran. Une tension familière s’empara d’elle, semblable à celle qu’elle avait ressentie à Seattle, lorsque son travail avait mis au jour des vérités qu’elle aurait préféré ignorer.
Mais ce qui l’effrayait davantage, c’était ce sentiment qu’elle ne pouvait ignorer : une part d’elle ne voulait pas croire ce message. Elliot avait réveillé en elle une curiosité qu’elle ne s’autorisait pas à nommer. Était-ce de l’attraction ? De la fascination pour sa complexité ? Chaque possibilité la confrontait à une partie d’elle-même qu’elle préférait fuir.
L’ombre du scandale refit surface, apportant avec elle un poids qu’elle n’avait jamais vraiment abandonné. Elle chassa le souvenir, mais la connexion était difficile à ignorer.
Et pourquoi cette alerte lui rappelait-elle ce qu’elle cherchait désespérément à oublier ? L’ombre d’un passé qu’elle s’efforçait de réprimer s’épaissit dans son esprit, menaçant d’éclater au grand jour.
Une pensée fugace traversa son esprit en relisant l’email : Et si ce message était vrai ? Son téléphone vibra soudain, une autre notification attirant son attention. Un message vocal laissé par Elliot, sa voix calme mais insistante : «J’ai une proposition à te faire. On se voit ce soir ?»
Elle savait que rencontrer Elliot signifiait potentiellement en apprendre plus, mais aussi plonger dans un jeu qu’elle maîtrisait à peine. D’un autre côté, appeler Serena pour partager ce message semblait être une trahison.
Cette nuit-là, alors qu’elle s’éteignait peu à peu sous le poids de ses pensées, le sommeil finit par l’emporter. Mais ce fut un rêve agité qui l’accueillit, rempli de visages et de murmures du passé.
Dans son rêve, Iris se trouvait dans un couloir infini, les murs faits de verre fumé. De chaque côté, des silhouettes se dessinaient, indistinctes mais oppressantes. Elle avançait à tâtons, ses pas résonnant comme des éclats dans le silence étouffant. Au bout du couloir, une porte lumineuse semblait l’attirer, mais chaque fois qu’elle s’en approchait, elle s’éloignait davantage.
Serena apparut soudain derrière une des parois de verre, sa silhouette nette et immobile. Elle tendait la main, son expression à la fois protectrice et accusatrice. Une voix, douce mais perçante, semblait émaner d’elle : « Tu dois me croire, Wolfe. Il te détruira. »
Iris sentit ses jambes trembler, son souffle se couper. Elle tendit la main vers Serena, mais avant qu’elle ne puisse l’atteindre, un bruit sourd retentit.
De l’autre côté, une ombre imposante grandit. Elliot, vêtu d’un costume sombre, se tenait là, un sourire énigmatique sur les lèvres. Son regard perçant transperça les parois de verre, et il murmura d’une voix presque hypnotique : « Iris, vous savez que vous voulez comprendre. Ne les laissez pas vous détourner de la vérité. »
La lumière vacilla, et les parois de verre éclatèrent en mille morceaux, laissant Iris seule dans une vaste étendue vide. Elle entendit des murmures indistincts, une cacophonie de voix qui mélangeaient avertissements et promesses. Elle se retourna, cherchant un ancrage, mais le sol se déroba sous ses pieds. Elle se réveilla en sursaut, le cœur battant à tout rompre, incapable de dissiper le sentiment oppressant laissé par ce rêve.
Le matin arriva trop vite, un rayon de soleil traversant les grandes baies vitrées de son loft, projetant des ombres mouvantes sur les murs. Iris se réveilla avec un sursaut, encore enveloppée par les réminiscences de ses cauchemars. L’écho du message reçu la veille tournait toujours en boucle dans son esprit.
Elle repoussa les couvertures et se prépara rapidement. Une journée chargée l’attendait : elle avait promis à une galerie indépendante de Brooklyn un shooting pour leur prochaine exposition. En descendant dans les rues bourdonnantes de Manhattan, elle trouva un certain réconfort dans l’effervescence de la ville.
Dans le métro, entre les conversations murmurées et le bruit des rails, elle ferma brièvement les yeux. Chaque vibration du wagon semblait résonner avec ses doutes. Mais lorsqu’elle arriva à Brooklyn, elle plongea dans son travail avec une intensité presque fébrile, trouvant dans l’objectif de son appareil une échappatoire bien nécessaire.
L’après-midi passa dans une flânerie visuelle : un couple riant dans un café, des musiciens de rue sous une arche en béton, un vieil homme nourrissant des pigeons. Chaque cliché capturait un fragment d’éphémère, une déviation bienvenue des réflexions oppressantes qui la hantaient.
Plus tard, alors qu’elle rangeait son matériel, son téléphone vibra. Serena.
— Tu fais quoi ? demanda Serena, sans préambule.
— Je termine un shooting à Brooklyn. Pourquoi ?
— Parce que tu dois me rejoindre. Maintenant.
— Où ça ? demanda Iris, un peu agacée.
— Tu verras. Adresse dans deux secondes. Amène-toi.
Serena raccrocha avant qu’elle ne puisse protester. Quelques secondes plus tard, une notification apparut sur son téléphone. Une adresse, quelque part dans l’East Village.
Iris regardait les rues grouillantes de Manhattan depuis la fenêtre du métro. Son téléphone affichait deux notifications : l’adresse envoyée par Serena et une invitation inattendue d’Elliot à dîner dans un restaurant chic. Elle savait que répondre à l’un ou l’autre changerait tout. Ses doigts tremblaient alors qu’elle ouvrait la notification d’Elliot. L’envie d’obtenir des réponses, ou simplement de céder à la curiosité, se battait contre sa loyauté envers Serena. En descendant du métro, elle prit une décision, mais le sentiment de trahir quelqu’un la suivait comme une ombre.
Quand Iris arriva, elle découvrit que l’adresse menait à un petit bar discret, une de ces adresses cachées que seuls les habitués semblent connaître. L’enseigne à demi-effacée, clignotant faiblement, ajoutait une touche de mystère au lieu. À l’intérieur, l’atmosphère était tamisée, presque intimiste. Des bougies vacillantes sur chaque table projetaient des halos chauds sur les murs recouverts de papier peint vieilli, parsemé d’affiches de concerts rétro. L’odeur subtile de bois fumé et de cuir imprégnait l’air. Serena l’attendait au fond de la salle, installée dans une banquette en cuir usé, une bière à la main, sous une lumière orangée qui soulignait les ombres sur son visage tendu.
— Enfin, lâcha Serena en la voyant approcher. J’ai cru que tu t’étais dégonflée.
Iris s’installa en face d’elle, croisant les bras.
— Pourquoi cette urgence ?
Serena plongea son regard dans le sien, et Iris sentit une intensité inhabituelle, presque inquiétante.
— Écoute, Wolfe. Je ne voulais pas te dire ça tout de suite, mais il faut que tu saches. Elliot Grayson n’est pas juste un type riche et ennuyeux. Il est bien plus dangereux que ça.
Iris sentit son cœur s’accélérer.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
Les mots de Serena résonnaient comme un avertissement sincère, mais une part d’elle se révoltait. Et si Serena se trompait ? Ou pire, si elle avait ses propres raisons de vouloir qu’Iris se méfie d’Elliot ? Ce doute, insidieux, la poussait à remettre en question tout ce qu’elle croyait savoir sur ses alliés. Mais pouvait-elle vraiment ignorer l’intensité du regard de Serena, la vérité brute qu’il semblait contenir ?
Serena posa sa bière, son expression devenant plus grave.
— Il y a des rumeurs. Pas juste des ragots de tabloïds, mais des trucs sérieux. Il aurait des liens avec des cercles… disons pas très légaux. Et les gens qui se retrouvent dans son cercle d’influence finissent souvent par avoir des ennuis.
— Tu parles de quoi exactement ?
Serena hésita, cherchant ses mots.
— Blanchiment d’argent, manipulation, menaces. Ce genre de choses. Et crois-moi, Wolfe, je sais de quoi je parle.
— Comment ? demanda Iris, la voix un peu plus forte qu’elle ne l’aurait voulu.
— Parce que j’ai été liée à ce monde une fois. Pas directement avec lui, mais assez près pour savoir que les gens comme lui ne s’arrêtent devant rien pour obtenir ce qu’ils veulent.
Iris se redressa, essayant d’ignorer le frisson qui parcourait son dos.
— Tu es sûre que ce ne sont que des rumeurs ?
Serena se pencha en avant, son visage à quelques centimètres de celui d’Iris.
— Rien dans ce monde n’est sûr, Wolfe. Mais je te promets que si tu continues à jouer à son jeu, tu vas te brûler.
Iris quitta le bar avec le cœur lourd. Serena avait l’air sincère, mais une part d’elle refusait de croire qu’Elliot était réellement dangereux. Il y avait une part d’ombre chez lui, c’était indéniable, mais était-ce suffisant pour fuir ?
Son téléphone vibra de nouveau. Un message s’afficha : «Je peux vous expliquer tout ça. Retrouvez-moi maintenant. – Elliot.»
Elle leva les yeux et aperçut une silhouette familière : Marcus, le bras droit d’Elliot, de l’autre côté de la rue. Ses yeux scrutèrent la foule, et pour un bref instant, leurs regards se croisèrent. Était-il là par hasard ou la surveillait-il ? Les mots de Serena résonnèrent dans son esprit : «Tu vas te brûler.»
Iris sentit une montée d’adrénaline. Quitter cette rue maintenant, ou rester pour confronter Marcus, c’était un choix qu’elle ne s’attendait pas à devoir faire ce soir-là.
Elle marcha dans la nuit, son esprit pris au piège entre deux vérités contradictoires. Si Serena avait raison, alors tout ce qu’Iris ressentait pour Elliot — la curiosité, l’attraction, même cette étrange admiration — n’était qu’une illusion dangereuse. Mais si Serena mentait, cela voulait dire qu’Iris s’était confiée à quelqu’un de tout aussi manipulateur. Dans les deux cas, elle se sentait sur le point de trahir quelqu’un qu’elle voulait protéger.
Pendant ce temps, dans le salon privé d’un club exclusif à Manhattan, une tout autre scène se déroulait. Les murs lambrissés de bois sombre étaient ornés de portraits anciens, et la lumière tamisée des lustres en cristal donnait une ambiance feutrée mais chargée de tension. Le murmure discret des conversations en arrière-plan était à peine perceptible, et le bruit des verres entrechoqués ajoutait une touche d’élégance froide.
Elliot Grayson attendait dans un fauteuil en cuir sombre, une main posée nonchalamment sur le bras du siège, un sourire imperceptible aux lèvres. Face à lui, Marcus était assis plus raide, légèrement tendu malgré l’apparence confortable du lieu.
Le serveur entra discrètement dans la pièce, déposant un plateau en argent contenant deux verres de whisky, avant de s’éclipser sans un mot. Elliot saisit son verre et le fit tourner entre ses doigts, observant le liquide ambré danser sous la lumière des lustres.
— Vous savez, Marcus, commença-t-il calmement, il y a une beauté étrange dans les systèmes complexes. Ils fonctionnent parfaitement… jusqu’à ce qu’un élément imprévu provoque leur effondrement.
Marcus déglutit légèrement, mais son expression restait impassible. Il savait qu’avec Elliot, chaque mot portait une signification dissimulée, un avertissement enrobé de charme.
— Les systèmes complexes exigent une surveillance constante, répondit-il, tentant de masquer son malaise. C’est pourquoi je suis ici.
Elliot esquissa un sourire froid, un sourire qui ne touchait pas ses yeux.
— Justement. Wolfe est une variable intéressante, n’est-ce pas ? Sauvage, imprévisible. Elle ne comprend même pas encore son propre potentiel. C’est fascinant, vraiment.
Marcus hésita, ses doigts crispant légèrement le rebord de son propre verre.
— Fascinant, peut-être. Mais elle est aussi dangereuse. Trop de doute pourrait la pousser à se retirer. Ou pire, à se tourner contre nous.
Elliot posa son verre avec une lenteur délibérée, le bruit du cristal contre la table semblant résonner dans le silence.
— Wolfe ne se retirera pas. Elle a ce que j’appellerais… une soif irrésistible. De vérité. De contrôle. Et ce qui est le plus ironique, Marcus, c’est qu’elle n’a aucune idée que cette soif la dirige droit vers moi.
Il se pencha légèrement en avant, ses yeux perçants fixant Marcus.
— Vous, en revanche, semblez soudainement inquiet. Pourquoi ? Serena ? Ou est-ce Wolfe qui commence à réveiller quelque chose en vous ?
Marcus se redressa légèrement, serrant la mâchoire.
— Mon rôle est d’anticiper les risques. Wolfe en est un. Serena aussi. Leur lien est plus fort que vous ne le pensez.
Un sourire énigmatique passa sur les lèvres d’Elliot.
— Les liens peuvent être brisés. Mais il faut le faire avec précision. D’abord, Wolfe doit comprendre que Serena n’est pas ce qu’elle prétend être. Une petite révélation, un petit secret bien choisi, et tout s’écroule.
Il attrapa une photo dans le dossier posé sur la table : une image de Serena, capturée dans une rue bondée, son visage marqué par une expression que l’on pouvait interpréter comme de l’inquiétude.
— C’est là que vous entrez en jeu, Marcus. Faites en sorte que Wolfe découvre ce qu’il faut. Subtilement. Pas besoin de confrontation directe. Juste une graine. Une graine de méfiance.
Marcus acquiesça lentement, bien que son regard trahisse une certaine hésitation.
— Et si cela ne fonctionne pas ?
Elliot rit doucement, un son aussi tranchant qu’une lame.
— Alors, nous utilisons une approche plus directe. Mais croyez-moi, Marcus, cela fonctionnera. Wolfe n’est pas encore prête à affronter la vérité, pas plus qu’elle n’est prête à affronter son propre passé.
Quelques heures plus tard, dans l’East Village, Iris marchait dans les rues animées, perdue dans ses pensées. Les néons des bars clignotaient doucement, jetant des reflets colorés sur le trottoir humide. Elle tentait de chasser les mots de Serena de son esprit, mais ils tournaient en boucle, entêtants : « Si tu continues à jouer à son jeu, tu vas te brûler. »
Une voiture noire s’arrêta à sa hauteur, interrompant brutalement le fil de ses pensées. Elle sursauta légèrement, reculant instinctivement. La vitre teintée se baissa dans un mouvement fluide, révélant Elliot Grayson. Son expression était calme, presque bienveillante, mais quelque chose dans ses yeux brillait d’une intensité troublante.
— Miss Wolfe, dit-il doucement. Montez. Nous devons parler.
Iris resta figée, son cœur battant à tout rompre. La voix de Serena résonna de nouveau dans sa tête : « Il ne s’arrête devant rien pour obtenir ce qu’il veut. »
L’espace d’un instant, elle envisagea de tourner les talons et de s’enfuir. Mais elle savait qu’il la suivrait. Les rues désertées à cette heure n’offraient aucune échappatoire, et l’idée d’un face-à-face public la rassurait étrangement.
— Pourquoi je devrais vous faire confiance ? demanda-t-elle, sa voix plus tremblante qu’elle ne l’aurait voulu.
Elliot inclina légèrement la tête, un sourire calculé étirant ses lèvres.
— Parce que fuir ne répondra pas aux questions qui vous hantent. Et parce que je peux vous offrir des réponses que Serena ne pourra jamais vous donner.
Elle hésita, ses pensées en désordre. Pourquoi ce ton sonnait-il si convaincant ? Était-ce la vérité ? Une manipulation ? Ou simplement sa propre curiosité insatiable qui prenait le dessus ? Iris savait qu’elle jouait avec le feu, mais la perspective de lever le voile sur ce mystère brûlant était irrésistible.
Ses doigts tremblaient lorsqu’elle ouvrit la portière. Chaque fibre de son être hurlait de se méfier, mais la curiosité brûlante dans son esprit était plus forte. Était-ce une preuve de sa faiblesse ou de son désir désespéré de comprendre ? Alors qu’elle prenait place dans le siège en cuir, elle sentit le poids de sa décision : une partie d’elle voulait croire qu’Elliot n’était pas ce qu’il semblait être. Mais cette part la mènerait-elle à la vérité ou à sa perte ?
— Bienvenue, murmura-t-il, alors que la voiture s’éloignait doucement, engloutie par l’obscurité des rues de Manhattan.
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