CHAPITRE 15 : Dans les traces des ombres

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La moto s’arrêta brusquement dans une ruelle sombre et déserte, à l’écart des lumières éblouissantes et du tumulte incessant de Manhattan. Le moteur s’éteignit, plongeant l’endroit dans un silence oppressant, seulement troublé par les bruits lointains de la ville. Serena descendit rapidement de la moto, jetant des coups d’œil anxieux autour d’elle. Sa main se crispa brièvement sur la sangle de son sac, cherchant instinctivement un objet quelconque qu’elle pourrait utiliser en cas de besoin. Elle n’était pas une combattante, mais elle savait que la vigilance était sa meilleure arme.

Derrière elle, Iris descendit plus lentement, ses jambes encore tremblantes après la fuite précipitée. Elle serrait son sac contre elle, comme si son contenu, et la vérité qu’il renfermait, était la seule chose qui pouvait la protéger. Ses yeux scrutèrent nerveusement l’obscurité environnante, à l’affût de tout mouvement suspect.

— On est en sécurité ici pour l’instant, murmura Serena, sa voix basse mais tranchante. Mais ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils ne nous retrouvent. On doit agir vite.

Iris hocha la tête, mais ses pensées étaient encore embrouillées par la tension de leur fuite. Son souffle restait irrégulier, chaque battement de son cœur résonnant dans ses tempes. Elle leva enfin les yeux vers Serena, une inquiétude palpable dans sa voix.

— Et Sam ? Il est en danger ? demanda-t-elle, sa voix à peine un souffle.

Serena croisa les bras, regardant brièvement la lune qui se découpait entre les bâtiments environnants. Elle inspira profondément avant de répondre.

— Probablement, dit-elle d’un ton neutre. Mais il sait à quoi s’attendre. Il a accepté les risques en prenant ces documents. On doit lui faire confiance.

Iris détourna les yeux, se mordant la lèvre inférieure. Elle savait que Serena avait raison, mais la pensée de mettre quelqu’un d’autre en danger par ses propres actions la hantait.

— Alors… quel est le plan ? murmura-t-elle enfin, cherchant à ancrer son esprit dans l’action plutôt que dans la peur.

Serena s’accroupit près de la moto, ouvrant une boîte à outils fixée sur le côté. Elle en sortit une carte détaillée de Manhattan qu’elle étala sur le sol de la ruelle. Sa lampe torche, soigneusement dirigée, éclairait la carte sans attirer l’attention. Elle tira un marqueur rouge de sa poche et commença à dessiner des cercles autour de plusieurs points stratégiques.

— Grayson est méthodique, expliqua Serena, son doigt glissant sur la carte. Il a transformé l’Observatory en une forteresse. Mais son réseau s’étend bien au-delà. Des comptes bancaires, des biens immobiliers, des contacts… Il ne peut pas tout surveiller en même temps.

Elle traça un cercle autour de l’Observatory, puis en ajouta d’autres sur des emplacements plus éloignés.

— L’aile nord est le centre névralgique de ses opérations artistiques, continua-t-elle. Mais il a d’autres caches. Des galeries affiliées, des entrepôts, et même des résidences secondaires. Si on veut le déstabiliser, on doit frapper là où il ne s’y attend pas.

Iris s’agenouilla à côté de Serena, étudiant attentivement les emplacements marqués. Ses sourcils se froncèrent alors qu’elle analysait les options.

— Si on cible ses entrepôts, on pourrait peut-être trouver des preuves plus solides, suggéra-t-elle. Quelque chose qu’il ne veut surtout pas que le public découvre.

Serena hocha la tête, son expression grave.

— Exact. Mais c’est risqué. Ces lieux sont surveillés, et on ne sait pas à quoi s’attendre une fois à l’intérieur.

Iris serra les poings, une lueur de détermination brillant dans ses yeux.

— On n’a pas le choix, dit-elle fermement. Chaque minute qu’on perd, il renforce son emprise. Je ne peux pas laisser ça continuer.

Serena la fixa un instant, ses yeux examinant la résolution dans le regard d’Iris. Finalement, elle hocha la tête, un sourire discret mais approbateur étirant ses lèvres.

— Très bien, dit-elle. Mais cette fois, on s’assure d’avoir une échappatoire. Pas question de se retrouver coincées.

Le soir même, elles se trouvaient devant un entrepôt industriel, l’un des points stratégiques marqués sur la carte. Le bâtiment était imposant, avec des murs en tôle ondulée qui reflétaient faiblement la lumière artificielle des projecteurs. Des grillages barbelés entouraient l’endroit, et des caméras pivotantes balayaient la zone de surveillance.

Serena, accroupie derrière une pile de caisses abandonnées, leva des jumelles, mais ses mains tremblaient légèrement. Elle analysait la scène avec méthode, notant les rondes des gardes et cherchant des angles morts. « On doit être malignes, pas fortes », murmura-t-elle pour se rassurer.

— Deux hommes à l’entrée principale, murmura-t-elle, ses observations méthodiques. Un troisième qui fait des rondes autour du bâtiment toutes les dix minutes. Si on passe par là-bas, on est grillées.

Iris, accroupie à côté d’elle, regarda les alentours, ses doigts jouant nerveusement avec la sangle de son sac.

— Et la porte arrière ? demanda-t-elle.

Serena abaissa les jumelles et hocha la tête.

— Moins surveillée, mais verrouillée électroniquement. Tu crois pouvoir pirater ça ?

Un sourire nerveux se dessina sur le visage d’Iris.

— Je peux essayer. Mais ça prendra du temps.

Serena fouilla frénétiquement dans son sac. Tout ce qu’elle avait était un vieux tournevis et une pince rouillée, souvenirs de leurs tentatives passées de se débrouiller avec peu. Elle les tendit à Iris, la voix tremblante.

— Essaye avec ça. Je sais pas, peut-être qu’on peut ouvrir la boîte de la caméra et couper les fils ?

Iris hésita, prenant les outils d’une main tremblante.

— Et si on se fait repérer ? 

— On trouvera une solution. Une distraction, peut-être…  Serena baissa les yeux, clairement aussi peu convaincue qu’Iris.

Se glissant dans l’ombre, elles avancèrent prudemment vers la porte arrière. Serena observa la porte verrouillée, une expression d’incertitude traversant son visage. Elle tapota nerveusement la serrure, comme si elle espérait qu’un simple coup de chance suffirait à l’ouvrir. En examinant de plus près, elle remarqua un détail inattendu : la boîte de contrôle électronique qui verrouillait la porte était légèrement ouverte, comme si quelqu’un l’avait déjà manipulée.
— Tu sais forcer une porte ? demanda Iris, les mains crispées sur son sac.
— Pas vraiment, admit Serena. Mais regarde ça.
Elle désigna la boîte de contrôle. Une série de fils dépassaient, à peine fixés.
— Quelqu’un d’autre est peut-être passé par ici, murmura Iris.
Serena hocha la tête, saisissant cette opportunité inattendue.
— Si on bouge juste ces fils... on pourrait peut-être ouvrir sans déclencher l’alarme. C’est risqué, mais c’est notre meilleure chance...

La porte s’ouvrit dans un léger grincement, et elles s’engouffrèrent rapidement à l’intérieur. L’air à l’intérieur était lourd, chargé d’une odeur de bois et de plastique. L’entrepôt était immense, ses allées remplies de caisses empilées et de palettes recouvertes de bâches. L’éclairage faible et intermittent jetait des ombres mouvantes sur les murs, ajoutant une dimension presque surnaturelle à l’endroit.

Elles avancèrent lentement, leurs pas étouffés par la poussière accumulée au sol. Les rangées de caisses semblaient interminables, et chaque numéro d’inventaire gravé sur le bois semblait indéchiffrable sans un registre ou une liste d’indices. Serena passa une main sur une étiquette décolorée, tentant de déchiffrer une quelconque information utile.

— On pourrait chercher ici toute la nuit sans rien trouver, murmura-t-elle, exaspérée.

Iris hésita, observant les allées plongées dans une semi-obscurité. Puis son regard fut attiré par une tache rouge sur le sol, une éclaboussure de peinture. Elle suivit les traces, son souffle accélérant légèrement alors qu’elles les menaient à une rangée de caisses légèrement plus éloignée. L’une d’elles portait un symbole étrange, une sorte de cercle barré, tracé à la main.

— Ça, dit-elle enfin en désignant la caisse. Regarde ce marquage. Ce n’est pas comme les autres.

Serena s’accroupit près d’une caisse marquée du cercle barré, jetant des coups d’œil nerveux autour d’elle. Elle tira sur le couvercle, mais celui-ci résistait. Elle tenta de jeter un coup d’œil à l’intérieur par une fente étroite, remarquant des couleurs vives et des motifs familiers qui semblaient peints sur une toile.

— Iris, murmura-t-elle. Celles-là sont différentes. Ça pourrait être ce qu’on cherche. Je sais même pas ce qu’on espère trouver.

Iris, toujours immobile, hésitait.

— Des preuves… je crois ? Quelque chose qui montre que Grayson est impliqué dans tout ça.

Serena lâcha un petit rire nerveux.

— Génial. Et si on tombe sur un de ses gars ? On lui demande poliment de partir ?

Iris hocha commença à fouiller. Elle ouvrait délicatement les caisses, prenant des photos de chaque document ou objet qui semblait pertinent. Pendant ce temps, Serena explorait l’autre côté de la pièce, inspectant les caisses qui semblaient plus suspectes.

Après quelques minutes, Serena appela doucement.

— Wolfe, viens voir… murmura Serena, une nervosité palpable dans la voix.
Iris la rejoignit pour découvrir une caisse ouverte remplie de tableaux. Les signatures attirèrent immédiatement son attention : une simple mention : « Grayson. » Serena semblait mal à l’aise, comme si elle n’avait jamais voulu se retrouver face à une telle découverte.

— Il s’approprie leur travail, murmura Iris, horrifiée. C’est une fraude monumentale.

— Et regarde ça, ajouta Serena en désignant une pile de carnets à côté de la caisse. Les journaux intimes des artistes. Il garde leurs pensées, leurs esquisses… tout ce qui fait leur essence.

Iris sentit une vague de colère monter en elle. Elle attrapa son appareil photo et commença à capturer chaque détail.

— Les gens doivent savoir ce qu’il fait, dit-elle d’une voix tremblante mais déterminée. On doit rendre ça public.

Les premières voix résonnèrent, et Serena sentit son cœur rater un battement. Elle attrapa instinctivement le bras d’Iris, la tirant derrière une pile de caisses. Mais leur mouvement précipité renversa une petite boîte métallique, dont le bruit sembla exploser dans le silence.

—  C’est pas vrai, murmura Iris, paniquée.

Serena plaqua une main tremblante sur sa bouche pour la faire taire. Les faisceaux lumineux des lampes torches dansaient dangereusement près de leur cachette. Serena chercha désespérément un moyen de détourner l’attention des gardes. Elle ramassa un boulon rouillé par terre et le lança maladroitement au loin. Le bruit, bien que discret, fit s’arrêter les gardes.

—  Cours, murmura-t-elle à Iris, bien consciente qu’aucune d’elles ne savait vraiment comment échapper à une poursuite.

Les deux femmes se glissèrent derrière une pile de caisses, se faisant aussi petites que possible. Serena, toujours calme, observa les gardes avec attention. L’un semblait discuter à voix basse avec son collègue, leur posture légèrement relâchée, mais ils restaient globalement vigilants, balayant régulièrement la zone avec leurs lampes. Une radio grésilla sur l’épaule du troisième garde, qui fit un geste agacé avant de répondre d’un ton pressé.
— Secteur nord clair, rien à signaler, murmura-t-il.
Serena fronça les sourcils. Ils semblaient légèrement en sous-effectif, mais leur coordination restait un problème. Elle lança un coup d’œil vers Iris, puis désigna silencieusement une caisse abandonnée près des gardes.
— Pas question de les affronter, murmura-t-elle.
Ses mains tremblaient légèrement lorsqu’elle attrapa un petit boulon rouillé au sol. Avec un effort précis, elle lança l’objet vers une pile de caisses métalliques. Le bruit du choc résonna, provoquant un sursaut parmi les gardes.
— Ça vient de là-bas ! cria l’un d’eux en pointant sa lampe vers l’origine du bruit. Les trois hommes convergèrent lentement, leurs pas précautionneux trahissant leur méfiance.
Serena échangea un regard avec Iris.
— Maintenant ! souffla-t-elle.

Elles s’élancèrent vers la sortie arrière, leurs cœurs battant à tout rompre. Une fois dehors, elles coururent jusqu’à leur moto, cachée dans une ruelle voisine. Serena enfourcha la moto, les mains tremblantes sur le guidon. Elle lutta pour insérer la clé correctement, la sueur perlant sur son front.

— Allez, démarre… démarre ! murmura-t-elle en tournant la clé.

Le moteur rugit enfin, mais elle faillit perdre l’équilibre en démarrant trop brusquement. Iris, derrière elle, s’agrippa désespérément.

Alors qu’elles s’éloignaient, le vent froid giflait le visage d’Iris, mais elle n’y prêtait pas attention. Son esprit était focalisé sur les preuves qu’elles avaient récupérées.

— Ce n’est que le début, dit-elle, sa voix ferme malgré l’adrénaline qui parcourait son corps.

Serena hocha la tête, un sourire dur mais satisfait sur les lèvres.

— Mais c’est un bon début, répondit-elle. Grayson ne sait pas ce qui l’attend.

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