Le début de la fin
Je quitte la chambre afin que Zach puisse se reposer et être d’aplomb rapidement. Nous avons préparé le dîner avec Etienne. Ce dernier me propose d’aller marcher un peu, histoire de changer d’air. Je crois surtout qu’il est curieux de savoir comment ça c’est passé entre Zach et moi, avant qu’on ne parte à la manifestation. Et dire qu’avec toute cette histoire, nous n’avons pas trouvé le temps d’en parler ! Les mains dans les poches, il lève les yeux au ciel.
— Ça va être encore une très belle nuit d’été. Enfin un peu de calme, on ne l’aura pas volé, me dit-il, soulagé. Tu tiens le coup, Manu ?
— Ce matin, j’avais la tête comme une pastèque, mais ce soir, ça va, enfin je crois.
— C’est un peu pareil pour moi. Je crois que j’ai tout donné ces derniers jours, je suis dead. A partir de maintenant, tranquillité et farniente sont de mise, dit-il, hésitant à poursuivre. Sinon, dis-moi…Camille m’a dit qu’elle vous avait vu avec Zach vous embrasser avant la manif. J’en déduis que de nous avoir capté sur le lit tous les deux ne vous a pas empêché de vous rapprocher.
— Elle ne sait pas tenir sa langue, celle-ci !
— Tant mieux, quand est-ce que tu comptais m’en parler, vilain petit cachotier ?
— On a pas mal été occupé ces dernières heures, non ? dis-je d’un ton amusé. Le sort s’acharne contre nous pour que nous puissions enfin nous retrouver en amoureux, on dirait.
— Encore un peu de patience monsieur et tu l’auras pour toi tout seul. J’y pense, je ne sais pas si c’est le bon moment d’en discuter, mais…
— Pour cette histoire de paquet de shit, tu veux vraiment savoir ? Il y aurait tellement de choses à raconter.
— Tu veux en parler ?
— Il nous faudrait une nuit, au moins ! Tu sais quoi, je viens d’apprendre que mon père était en garde à vue depuis vingt-quatre heures pour détention de stupéfiants, mais que celle-ci venait d’être prolongée d’autant.
— Houla, j’ai raté une saison, on dirait. Je te propose d’aller la regarder dans la cabane ce soir après le dîner. Ça te dirait ?
— Pour aller dans la cabane oui, mais pour ressasser tout ça, j’y tiens pas trop. J’attends que Zach aille mieux et que son père soit parti. Et que toute cette histoire soit définitivement derrière nous.
— Je comprends.
— Et toi, Oscar ? Vous avez géré comme des chefs, je vous félicite. Toi qui pensait que vous alliez vous étriper.
— Je suis moi-même surpris, comme quoi. J’ai une idée, prenons ce chemin, il fait une boucle autour du terrain de Pierrette, il n’est pas long, ça te dit ?
— Nickel, ça évitera de nous faire sermonner, dis-je en lui faisant un clin d'œil.
Nous marchons tranquillement dans le silence de ce début de soirée. La nature s’en donne à cœur joie pour nous accueillir avec ses senteurs et ses sons si paisibles. Etienne quitte le chemin et s’enfonce légèrement dans le bois pour aller pisser, tandis que je m’arrête un peu plus loin pour admirer la forêt qui s'étend à perte de vue devant moi.
Je respire profondément. Cela fait un peu plus d’une semaine que nous cavalons pour tenter de résoudre cette affaire de merde. Les dernières nouvelles de Jérémie sont très encourageantes. Mon père qui pensait s’en tirer facilement va avoir quelques mauvaises surprises. De très mauvaises. Tout semble s’enclencher pour provoquer sa chute. Je préfère suivre les conseils de Jérémie, ne plus me mêler de quoique ce soit. Lui ou ma mère sauront me donner de leurs nouvelles en temps voulu. Zach est revenu sain et sauf de Bordeaux. Nous allons enfin pouvoir avoir du temps pour nous deux.
J’entend un drôle de bruit, je me retourne.
— Etienne, qu’est-ce que tu fous ? J’ai pas envie de jouer à cache-cache, et je commence à avoir la dalle, allez, ramène-toi !
Cette fois-ci, j’entend clairement le bruit d’une voix étouffée et des bruissements de feuilles. J’ai à peine le temps de revenir sur mes pas, que je vois déboucher Etienne, un bâillon sur la bouche, retenu fermement par un gros malabar bien plus fort que lui. A ses côtés, un homme tout aussi costaud qui tient une arme à feu dans sa direction. Il porte une chemise à manches courtes kaki qui met en valeur ses muscles. Sur l’un de ses bras, un tatouage. Ce mec me fout carrément les boules. Mon pouls s’accélère aussitôt.
— Enfin, le voilà, le fils à papa !
D’où il me connaît ? Je déglutis. Je suis incapable de bouger.
— On dirait qu’il va se pisser dessus, patron.
— On doit avoir des gueules impressionnantes, alors. T’as vu, ton copain n’est pas un gros bavard non plus, me lance le tatoué en désignant Etienne qui écarquille les yeux, mort de trouille lui aussi. Tu dois te demander qui on est et qu’est-ce qu’on fout là. Mais dis quelque chose, bordel, on va pas te bouffer !
— Qu’est-ce que vous voulez ?
— Ton copain Zach, tous les deux, on a un petit compte à régler.
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