Ici
Zarog entra. Il attendit que Naïa se tourne vers lui pour prendre la parole.
« Sixoïl, Clisio et Barrow sont revenus de chez les Ranvlonick. Ils sont d'accords avec la majorité, Merkhan effectuera sa peine jusqu'au bout.
- Lya a-t-elle été mise au courant ?
- Roxelane, Solec et… Sixoïl sont en route. Répondit-il avec une désapprobation évidente, retroussant son nez d'aigle sur ses larges lèvres.
- Sixoïl cherche à se rendre utile, c'est une bonne chose pour lui de s'engager dans ces affaires là. Quand nous ne serons plus de ce monde, il leur faudra se débrouiller sans leurs aînés.
- Son tempérament impulsif met en danger ce genre de mission diplomatiques, particulièrement lorsque cela concerne Merkhan, nous sommes tous en colère pour le mal qu'il a fais par son acte, mais Sixoïl est absolument en rage de voir Othilie dans un tel état de souffrance.
- Ils sont les aînés de la deuxième vague, nos responsabilités devraient, normalement, leur revenir. Ils sont très proches qui plus est, la douleur de l'un fait souffrir l'autre. Cela en a toujours été ainsi entre frères et sœurs.
- Pourquoi cherches-tu encore à le défendre ? !
- Zarog, ta jalousie est déplacée et incompréhensible. Ne sommes-nous pas assez sage pour passer au-dessus de cela ? Nous ne valons guère mieux que des humains si je dois te reprendre tous les siècles sur ta perception du monde. Tu l'attaques car tu crois que je te le préfère, je cherche à être juste, j'équilibre. Plus tu seras mauvais, plus je serai douce. Mais ce jeu commence à me fatiguer plus que je ne saurai le dire, alors pour l'amour de l'esprit naturel, cesse ta jalousie puérile ! Zarog parut légèrement honteux.
- Ce n'est pas tant de la jalousie que de l'irritation à l'égard de son insolence et nonchalance.
- Comme nos anciens ont été inspirés de donner le rôle de Dicta aux femmes. Nos espèces seraient éteintes depuis longtemps.
- Je ne trouve pas que cela soit risible. Comportes-toi comme ton rôle te le dicte, non comme une grande sœur attendrit. Il regretta aussitôt ses mots. Le visage de Naïa se ferma, elle perdit son sourire et il sut que la Dicta allait parler. Son pouvoir troublait son esprit. Il sentit la colère de sa sœur dans ses vibrations, ses yeux vides lui semblèrent alors terrifiants.
- Zarog, tu apprendras à aimer et à respecter tous les membres de notre famille et à réprimer ta soif de pouvoir. Il n'y a que cela qui compte, notre famille, notre race. Le reste n'est qu'un décor que nous devons faire évoluer en notre faveur. Me suis-je bien faîtes comprendre ? Zarog hocha lentement de la tête. La colère de Naïa tomba aussi soudainement qu'elle était apparût. Reprenant un sourire aimable et tendre, elle ne put réprimer des ondes de tristesse.
- C'est un pouvoir qui me pèse tant… Si tu l'avais, tu n'en voudrais plus. Combien de fois me suis-je rêvée humaine, simple, mortelle, sans aucuns pouvoirs ni influences sur mes frères et sœurs. Juste être, sans devoirs.
- Nulle autre que toi n'es capable d'assumer cette charge. Elle se dégoûta d'autant plus à ces mots, forcés par son pouvoir. Mais n'était-ce pour le plus grand bien ? Oui, pour le bien de tous, elle se devait parfois d'entacher sa conscience et de faire contre ce qu'elle croyait être bon et valeureux. Zarog gardait son libre arbitre néanmoins, il lui était possible encore de se rebeller et de quitter leur famille. Mais cela aurait signifié son total isolement. Il aurait été contraint à vivre parmi les humains, sans possibilité de retour. Il n'aurait pas été le premier cependant.
- Sais-tu où est Siakhel ? Demanda-t-elle, J'ai à l'entretenir urgemment.
- Il… est en opposition à la peine de Merkhan… Il est celui qui le côtoie, son avis compte beaucoup plus que celui des autres. Mais, il lui est difficile de se faire entendre de part son septième sens. Il est craint et incompris par la plupart d'entre nous.
- Oui, peut-être. Mais ce n'est pas de cela dont je veux l'entretenir. Depuis que Paloma a créée les premières béances sur notre plateau, je pouvais les voir et alors nous avions le pouvoir de les refermer, quel qu’en soit ses protections. Mais de nouvelles béances apparaissent…
- Quoi ?? Zarog pâlit visiblement. Comment ? Qui ?
- Je… Je ne sais pas. Mais l'Ordre est de plus en plus ébranlé. J'ai besoin de fusionner mon pouvoir avec Siakhel pour que nous mettions nos sens à l’unisson sur la piste de cette nouvelle menace.
- En tout cas, nous devons renforcer les lignes, au plus vite. Répondit Zarog, marchant soudain d’impatience. Avant que la Règle, ou les Règles, extérieures ne déforment l'Ordre du plateau en interférant avec la notre. Les humains seraient contaminés par la déviance, et nous savons à quelle vitesse cela va. La déviance est hautement contagieuse, les béances se créeront les unes après les autres et nous n’auront plus aucun pouvoir sur la situation.
- Fusis et Lya doivent l'avoir sentie aussi, elles ne devraient plus être longues à nous contacter.
- Crois-tu qu'elle se préoccupe de notre plateau ?
- Les béances que nous avons ouvertes sur notre plateau et les leurs afin de pouvoir nous contacter et collaborer ne sont pas sans failles. Si notre plateau est fragile dans son tissage, cela peut fragiliser le leur, alors des béances pourraient se former seules un peu partout, sur notre plateau et le leur. Nous avons des alliances, cela est équilibré, pour le bon et le mauvais. Nous avons besoin les uns des autres. Si les failles deviennent trop importantes, rien n'empêchera aussi ceux du dehors de venir chez nous comme bon leur semblera... Et de piller notre savoir, nos pouvoirs... Ils se soustraient à nos yeux, mais nous pouvons contrôler les portes entre les zones. Si les béances ne deviennent pas trop nombreuses parce que sinon... Zarog du s'asseoir, Naïa palpa son esprit et allégea son angoisse avant de continuer. Il me faut voir Siakhel de toute urgence, les questions sur l'organisation, les décisions à prendre ne peuvent plus attendre. Nous devons régler nos différents avant de pouvoir prendre les bonnes décisions. Tous ensembles.
- Au plus vite. Zarog se releva. Il alla se placer en face de Naïa, mit ses deux mais sur ses épaules. Naïa, tu es notre Dicta, tu as toute notre confiance pour être la voix de la justice. Sois avertit simplement de cela : nous ne pouvons laisser le chaos régir ce monde. Nous n'avons pas le droit de laisser des millions de gens souffrir parce que nous aurons faillit.
- Tu me donne bien de la charge, mon frère... Répondit Naïa, une légère ride entre ses sourcils neigeux.
- Non, je nous en donne à tous. Tu dois savoir nous écouter, nous devons être unis pour que ce poids soit plus aisé à porter, et alors à anéantir pour arriver à la paix.
Naïa sembla réfléchir un moment, sondant l'esprit de son frère, et elle y lut une telle ferveur pour ce pour quoi ils vivaient depuis tant d'années : l'Ordre et la Paix. Ce qu’elle venait de rallumer le poussait et elle retrouvait alors son soutient. Elle appuyait sur certains boutons, certes, mais ils étaient déjà là, était-ce vraiment de la manipulation ? Elle voulait s’en convaincre.
- Je ferai de mon mieux, je te le promets.
- Je n'en doute pas !
Ils se retournèrent comme un seul vers l'intrus, que ni l'un, ni l'autre n'avaient remarqué avant que sa voix ne se fasse entendre. Ils se figèrent à l'instant où ils le reconnurent. Othilie avait cette capacité de discrétion que nulle autre ne possédait. Sa beauté était, non pas altérée, mais vivifier par des années de souffrances et de tentatives d'oubli de soi-même. Elle était écorchée à divers endroits de son corps, seulement habiller d'épaisses lanières de cuirs brute. Ses boucles, alors lourdes et souples, formaient un feu de frisottis désordonnés. Ses yeux brûlaient, ses pieds nus étaient sales.
- Othilie... Naïa alla vers elle, mais sa jeune sœur eut un mouvement de recul qui la stoppa net.
- Tu saliras ta belle robe. T'approches pas.
- Othilie ! Zarog ne put retenir son indignation devant la froideur de leur cadette qui s'était faîte portée pâle depuis tant d'années.
- Quoi ? Je ne suis pas là pour renouer quoique ce soit avec qui que ce fut. Je veux te parler de Merkhan.
- Othilie, je ne veux pas amoindrir le sujet, mais il se trouve...
- Pour sauver vos précieux plateaux, vous aurez besoin de tous. En harmonie. Nous en sommes très loin, à toi de voir chère sœur.
Feras-tu de ton mieux pour sauver ce monde que tu as si durement façonnée ? Sa voix était empreinte d'une colère froide qui semblait sur le point de brûler à tout moment, et aussi d’un mépris qui fit monter les larmes aux yeux de Naïa. Elle ne reconnaissait pas sa sœur, elle ne comprenait pas sa haine. Elle avait fait de son mieux pour la protéger, pourquoi avait-elle quittée leur route ? Où Naïa avait-elle échouée dans le sauvetage de sa jeune sœur en souffrance ? Comment pouvait-elle la récupérer ? Le temps leur appartenait, semblant alors toujours plus lent. Grandissaient-ils ainsi ? Plus lentement ? Se devaient-ils de toujours passer par les mêmes schémas ? Où le faible nombre des personnes de leur espèce les avaient-ils amoindrit, au point qu'ils retournaient à l'état humain, en régression ?
- Vous devez libérer Merkhan. Vous n’avez plus le choix. Je ne vous laisse pas le choix.
- Que veux-tu dire ? demanda sèchement Zarog. Othilie lui souris avec défiance, dans ses yeux brillait d'une lueur victorieuse.
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