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Asad attendait, caressant Sada qui couinait de temps à autre son impatience. Dans la pénombre des combles où ils avaient trouvés refuge ces derniers jours, on voyait difficilement le visage de l’homme assis face à l’étroite fenêtre sale. Le toit pentu, les poutres, la poussière, les toiles d’araignée, laissait douter que peu d’être humain aurait désiré vivre là, où y avait daigné y monter ces cinquante dernières années. Un éclat de lune laissa voir une main large et forte, encore jeune et vive. La chienne releva la tête, ainsi que ses deux oreilles semblables à des ailes de chauve-souris. Asad se tendit. Il se leva doucement pour avoir un meilleur angle de vue sur la rue. Il se pencha alors sur un lit de fortune, dont le matelas n’était autre que deux couvertures polaires assez fines, dessus, en vrac, était posés deux sacs de couchages et une arme. Asad la prit et la pointa vers la rue sombre, seulement éclairé d’un unique lampadaire, dont la lumière blanchâtre peinait à traverser les carreaux crasseux. Une silhouette floue se matérialisa. Elle avançait vers lui, du moins du collège abandonné où il était perché. Était-ce elle ? Ou un ennemi qui tentait de venir le cueillir alors qu’elle avait été arrêtée, torturée, violée ? Il trembla légèrement alors qu’il tendait une fois encore sa main vigoureuse vers une paire de jumelle. Il réussit à la reconnaître. Elle avait réussit. Elle était revenue. Il du faire un violent effort pour ne pas courir à sa rencontre et la serrer contre lui. Sada sentie l’excitation de son partenaire, elle se leva en remuant la queue, se postant à la porte. L’escalier grinça légèrement lorsque la jeune femme svelte et souple arriva au dernier palier. Elle entendit les griffes de Sada griffer le pan de bois qui les séparaient.

Elle sourit et ouvrit, prête à se faire accueillir par la chienne de vingt-huit kilos. Alors qu’elle lui sautait dessus, lui arrachant des rires de joie, elle aperçut Asad qui la regardait. Sada sembla attendre un autre invité et fut surprise que l’on referme la porte.

« Demain j’irai chercher Adsa, il est trop tard ce soir. Expliqua Dasa en flattant encore une fois le large cou de la chienne. Bonsoir mon amour. Le jeune homme avança sur elle et l’enlaça de ses bras forts. Dasa soufra un peu de cette étreinte, mais n’en dit mot, comblée par la chaleur qui en émanait. Asad ne pouvait s’empêcher de la garder ainsi, le miracle de son retour lui chavirait le coeur, il en aurait presque pleuré. Même s’il la connaissait assez pour l’avoir laissé partir. Il avait confiance en elle, mais surtout en ce qu’elle réveillait chez les autres. Ce visage lui-même inspirait bienveillance. Comment auraient-ils put croire qu’elle était de dehors ? C’est pour cela qu’elle était la mieux placée pour aller là-bas. Il devait bien admettre qu’elle se débrouillait fort bien toute seule, même si cela le faisait enrager, en particulier quand il n’avait rien à faire que de se cacher en l’attendant. Situation qui ne lui seyait guère. Dsaa avait de ça, aussi partait-il souvent en binôme. Mais plus maintenant. Leur ami était devenu fou en apprenant le sort de sa jeune sœur de sept ans. Ils avaient réussit à le localiser sans difficultés. Mais non à l’attraper, aussi avait-il été abattu pour être amené dedans. Daas avait le même âge quand ses parents avaient été exécutés. Elle avait survécut un bon moment. Mais son désir de faire le mal à ceux qui l’avait tant fait souffrir, la perdit. Elle avait disparue. Evanouie. Elle ne fut ni la première, ni la dernière. Maintenant, ils étaient tous les quatre, eux deux avec leurs chiennes, depuis des mois. Or les veilleurs, dont ils se cachaient, nul autre être vivant n’avait été sur leur route dans cette terre stérile dont les immeubles, vieux de deux cents ans, ne tenait plus, ni sous leur pied, ni sous le vent. Ils avaient eut beaucoup de chance de tomber sur ce collège.

Il datait du dix-neuvième siècle, les constructions y avaient été faîtes autrement plus résistantes et endurantes. Dasa s’écarta doucement pour poser ses lèvres sur les siennes avant de plonger ses yeux dans ceux de son amant.

- J’ai découvert beaucoup de chose.

- Vraiment ?

- Nous ne sommes pas seuls à nous battre Asad. Dedans aussi, des personnes se sont rebellées. J’ai même entendu dire que les béances se multipliaient tant qu’ils ne pourront bientôt plus les contrôler.

- Comment as-tu découvert cela ? Demanda Asad, interloqué par la nouvelle. Dasa rougit et baissa les yeux. Asad parût surpris, puis méfiant à mesure que le silence se prolongeait.

- J’ai… J’ai rencontré l’un d’entre eux.

- Comment ?

- Dans un bar… Comme ça. Simplement. Il était… amical. Il fronça ses sourcils noirs.

- Et tu n’as rien tenté ? Elle le dévisagea, inquiète.

- J’étais seule dedans, je devais seulement récolter des informations. J’ai accomplis mon devoir, ne me demande de verser du sang inutilement.

- Inutilement ? Il était devenu glacial, haineux, les dents serrer alors qu’il se détachait complètement d’elle. Les yeux de Dasa se froncèrent à leur tour.

- Oui, inutilement. La violence n’engendre que la violence, je ne m’en sers que lorsque c’est absolument nécessaire.

- Même lorsque tu as l’occasion de tuer un de nos ennemis, ébranlant considérablement toutes les familles du dedans, nous donnant une chance comme jamais il en a été donné aux déviants? Que fais-tu dehors ? Dasa trembla à ces mots.

- Alors c’est ce à quoi tu aspires ? Vraiment ? Le sang et la haine ? Tu ne crois pas que l’on pourrait…

- NON ! Elle recula. Aucun d’eux ne doit survivre, tu entends. Leur monde doit s’éteindre, nous avec s’il le faut. Aussi, tout recommencera…

- A nouveau.

- Pardon ? Demanda-t-il interloqué.

- Cela c’est déjà produit par le passé. L’humanité ne laissa que dix d’entre eux sur terre, se massacrant allègrement jusqu’à ce que tous périssent dans une explosion produit par une vieille magie. Jusqu’à quand devrons-nous nous sacrifier avant d’avoir ce pour quoi nous nous battons ? Ne pouvons-nous pas apprendre de notre passé et…

- Cette histoire ? Elle ne vient pas des terres. Ni de dehors.

- C’est lui qui me l’a raconté, il…

- Putain. Tu lui fais confiance à cet enfoiré ? Hein ?

- Non ! S’exclama-t-elle. Pas en ce qui nous concerne, mais j’ai foi en ce qu’il m’a conté. Asad éclata de rire, un rire sans joie, ses yeux brûlaient d’une rage que Dasa craignit alors. Elle recula d’avantage. Sada se plaça entre eux, tournée vers Asad. Elle non plus n’appréciait guère les emportements de son compère.

- Je voudrai tous les voir mort, tu entends ? Pour tout le mal qu’ils ont fait et qu’ils ont laissé faire. Crois-tu qu’ils sont les pantins du destin ? Non. Ils tracent leur chemin, comme nous le faisons, et le ferons, encore longtemps. Dasa, je t’en prie.

Il revint vers elle, radoucit, lui prit tendrement le menton pour caresser sa lèvre inférieur. Souviens-toi Psyban. Ses deux yeux félins s’agrandir, son coup résonna dans ses tempes. Asad se retrouva à genoux alors qu’elle quittait les combles du bâtiment. Puis sortit. Dehors, l’atmosphère était lourde, l’air chargé d’électricité. L’orage qui venait ne réjouissais personnes d’autre que les plantes, ou du moins ce qu’il en restait, car les paysages verdoyants du début de saison, avaient laissé la place à une véritable jungle des pays du Sudoue, là ou le soleil et la flore se livrent une impitoyable guerre millénaire. La rue paraissait déserte. Elle commença à marcher. Sa tunique et son large pantalon de chanvre lui semblait lourds sur ses épaules fatiguée. Elle avait laissé ses chaussures. Son arme. Elle décida d’aller chercher Adsa à pieds. Elle en avait pour trois-quarts d’heure maximum, par le bois de Dent-de-rat. Elle bifurqua à droite, dans une rue sombre au premier carrefour qu’elle croisa, puis prit à gauche, fonçant sur une grille haute de plusieurs mètres. Elle scruta rapidement les alentours, puis, aussi agile qu’un lémurien, monta les barreaux de fer qui entouraient le parc. Elle atterrit en douceur de l’autre côté. La balade serait moins longue, à travers les arbres et les animaux. Aussi était-elle moins repérable. Elle songeait surtout à tout ce à quoi elle échappait. La ville fantôme, encore truffée de caméra, de pub pour vendre tout et n’importe quoi. Tout était désert, évidemment. Mais c’était comme si les gens s’étaient tout à coup évaporés. Arrêtés en pleine vie, comme ça. Stop. Laissant des repas froids dans les assiettes, des émissions jamais finies, qui tournent en boucles sur le magnétoscope de contrebande, des cigarettes soudainement lâchées, calcinant des immeubles entiers. Ils avaient tous fui le plus vite possible. La béance lâchant sur eux des abominations qui les avaient décimés. Ils ne pouvaient pas dire qu’ils ne s’y attendaient pas. Ils ne respectaient aucunes lois, ils avaient assez à faire pour survivre. On leur avait tout prit. Alors bon. Mais Dasa ne voulait pas se battre toute sa vie.

Elle voulait vivre, profiter et construire quelque chose. Elle arriva rapidement aux bâtiments gris ternes où elle avait laissée son amie. Elle alla à l’entrée et remarqua que rien n’avait bougé. Rassurée, elle monta les quatre étages d’un pas souple et pressée. Son amie se fit entendre avant qu’elle n’arrive devant la porte d’entrée. Dasa ouvrit et reçu la quadrupède surexcitée. Elle sautait sur elle, sur place, la queue folle, couinant de joie. Dasa rit aux éclats et rendit en caresses l’enthousiasme de la chienne. C’est alors qu’un bruit se fit entendre en bas. La porte d’entrée semblait s’être lourdement écrasée contre le mur de pierre du hall. Sous quelle pression? Adsa aussi s’était mise à l’affût. Dasa se tourna vers elle, un doigt sur la bouche, entra dans l’appartement délabré, referma la porte pourrie. L’oreille collée à celle-ci, elle s’était mise en garde. Adsa grognait sourdement, ce qui lui valut un regard de mécontentement de la part de sa bipède. Des pas montaient vers elles. Plusieurs personnes. Le cœur de Dasa cognait fort contre ses côtes alors que dans l’appartement sombre, une odeur de chien flottait entre les effluves de bois pourri et de moisissure. La respiration contrôlée, les pas s’approchèrent jusqu’à elles. Elle recula de deux pas, la porte s’ouvrit à la volée sur une armoire à glace, qui lui envoya un direct, qu’elle parât d’une patte de singe, avant de lui envoyer une frappe génitale, pour finir par un coup de genoux dans son visage penché de douleur. Elle recula pour accueillir une femme musclée, fine et petite, elle se déplaça rapidement. Dasa recula en même temps que l’autre approchait. Elle leva sa matraque, Dasa lui rentra dedans, les deux coudes au-dessus de la tête pour se protéger son crâne et son visage. Alors que l’os de son coude arrivait dans la gorge de l’autre, elle enroula son autre bras autour du poignet, frappa la carotide d’une frappe marteau et ondula son corps, faisant lâcher l’arme. Elle l’attrapa et frappa dans le retour de son bras. Le visage de la petite vive fut écrasé sous le choc, de ses lèvres s’échappa une plainte. Mais Dasa frappa encore pour mettre l’autre à terre, lui voler son arme.

Et tirer. Une seconde fois pour le premier. Voilà. Elle avait finit. Après un instant où elle vérifia que rien d’autre ne venait, Adsa vint se frotter aux mollets de la jeune femme.

« Ouais, là c’est la merde.

Asad la trouva sur le seuil en ouvrant la porte alors qu’il s’était résigné à partir à sa recherche, inquiet malgré lui. Elle avait récupérer Adsa et avait eut envie de se promener un peu. Il lui fit froidement remarquer qu’il était plus de cinq heure du matin. Cela faisait donc plus de sept heure qu’elle était partie faire un aller-retour de deux heures maximum. Elle se tourna vers lui, ses yeux brillaient d’une fièvre étrange, sa peau d’un blanc cendré luisait de sueur.

- On se barre, et vite.

- Quoi ? » Elle était déjà partie faire leur sac. Il se mit en marche en quelques secondes. Tout fût prêt en moins de dix minutes. Ils partirent, passant par les bois qui rejoignaient la montagne. Allez loin, se cacher, plus loin. Ils tentaient toujours de les dénicher. Dasa ne voulait pas l’admettre, mais elle avait eut très peur. Elle n’avait plus l’habitude de se confronter à ses ennemis avec autant de velléité. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait plus eut à se battre, ses réflexes restaient excellents néanmoins. Pourtant elle avait douté, juste quelques centièmes de secondes. Mais cela aurait put lui coûter d’être emmenée. Et Adsa, d’être tuée. Asad, les deux chiennes et la jeune femme marchèrent toute la nuit. Si un lieu pouvait les accueillir, ce devait être la Terre des Liens. Les terres bordant la frontière étaient devenues bien trop rudes et dangereuses. Encore fallait-il pouvoir les quitter. Ils devaient passer la forêt, les marécages, alors la montagne leur ferait emprunter ses labyrinthes pour atteindre ses secrets. Ils marchèrent deux nuits et deux jours avant qu’ils ne s’arrêtent pour dormir et manger. Asad devina que Dasa avait eut à faire à des veilleurs.

Ceux qui donnaient leur vie pour le confort, la sécurité et le règne du dedans. Les énergies que diffusaient les béances désharmonisaient les leurs, les rendant malades et apathiques. Comme des fleurs se flétrissent. Aussi faisaient-ils avec ce qu’ils avaient. Il décida de ne pas lui poser de questions, alors qu’elle s’étendait auprès de lui, Adsa se blottissant contre elle. Elle lui raconterait ce qu’il s’était passé lorsqu’elle serait prête. Alors que Dasa s’endormait, il resta un long moment éveillé, regardant ce visage aimé se détendre dans la quiétude du sommeil. Il aurait tellement voulut pouvoir la rendre heureuse, lui donner ce que d’autres dédaignaient avant que les béances ne se multiplient. Il aurait aimé lui construire une maison, lui faire des enfants et vivre de culture... Mais tout lui semblait tendre vers un destin funeste, la torture, la mort. Il caressa son long couteau qu’il gardait accrocher à sa hanche. S’il la tuait, elle et les filles, rien ne pourrait plus leur arriver.

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