Aïcha
Yumi se retourna sur sa couche. Le sommeil se refusait à elle, une fois encore. Trois jours déjà qu'elle n'avait plus vu Saavati. La frustration avait lentement fait place à la résignation, elle devrait bien finir par s'y faire. Les rumeurs et les ragots allaient bon train. Il se disait que le Saigneur des Seigneurs n'avait pas quitté sa couche depuis que sa belle l'y avait rejoint. Les servantes s'esclaffaient en évoquant leurs ébats, les rires gras des soldats ponctuaient des propos grivois. Déjà, des bardes composaient des chansons évoquant leurs nuits torrides. La jeune femme pesta. C'était comme si le campement entier se liguait pour lui cracher à la figure le bonheur et l'extase de son amie et de son amant monstrueux. Comble de malheur, des éclats de voix et des cris retentissaient au loin depuis le coucher du soleil. N'y tenant plus, elle se leva et passa une tunique légère. Tant qu'à veiller, pensait-elle, pourquoi ne pas aller marcher un peu ? Elle quitta la tente à pas de loup.
La fraicheur la surprit une fois encore. Les nuits dans le désert étaient froides, presque glaciales. La voûte céleste brillait de mille feux, les deux lunes baignaient l'oasis d'une clarté irréelle, plus intense encore que celle qu'elle connaissait sur Al'Ard les nuits de pleine lune. Elle pouvait distinguer chaque arbre, chaque tente, jusqu'à la texture même du sable qu'elle foulait. Elle s'étira, féline, tout en se délectant un moment de cette féérie monochrome, exacerbée par l'absence du moindre souffle de vent. Plus loin, en périphérie de l'oasis, une lueur orangée scintillait. Elle n'eut aucun mal à identifier l'origine des cris et des rires et décida d'aller y jeter un œil. Preuve que la soirée n'était finalement pas si avancée qu'elle le pensait, le sable sous la surface était encore tiède de la chaleur du jour, mais la croute supérieure, un peu cassante, semblait presque gelée. Le contraste était délicieux, elle apprécia à sa juste valeur la caresse du sable tiède sur ses pieds nus.
Parvenue à une dizaine de toises des fêtards, elle s'immobilisa pour les observer. Rassemblée autour d'un brasier, une troupe aussi nombreuse qu'hétéroclite ripaillait bruyamment. Des femmes, des hommes, quelques enfants. Des paysans en guenilles côtoyaient de grands gaillards harnachés de cuir, des guerriers probablement, autour desquels papillonnaient quelques gourgandines à la cuisse légère. Parmi les convives féminines, Yumi n’eut aucun mal à reconnaître les capes des amazones qui l’avaient escortée quelques jours plus tôt à travers le désert. Tout ce petit monde semblait bien joyeux. Constatant que l’alcool semblait couler à flots, la jeune femme était sur le point de faire demi-tour quand une main se posa sur son épaule. Elle sursauta.
— Eh bien, pour une soi-disant guerrière, tu te laisses bien facilement surprendre, Yumi des Terres Sombres.
Elle n’eut aucune peine à reconnaître la capitaine des amazones, la fière et austère Aïcha, qui enchaîna.
— Viens donc te joindre à nous. Les hommes de Kalgur nous ont ramené un roojas (1). Nous n’avons pas coutume d’en consommer, mais ils l’ont trouvé blessé et n’ont eu d’autre choix que de l’achever. Sa chair est délicieuse.
Aïcha n’attendit pas la réponse. Elle n’avait manifestement pas l’habitude que ses invitations, tout comme ses ordres, soient discutées. Yumi haussa les épaules et lui emboita le pas. Les convives s’écartèrent devant l'officier qui prit place, en tailleur, sur la couverture rouge qui lui était attribuée. L’amazone fit signe à son invitée de la rejoindre.
— Que nous amènes-tu là, Aïcha ? Un oiseau tombé du nid ? lança un des guerriers, goguenard.
L’homme partageait la couverture voisine, noire celle-là, avec deux de ses frères d’arme. Ils se ressemblaient tant qu’on eut pu les croire frères. Bâtis comme des colosses, leurs cheveux noirs et bouclés tombaient en cascades sur leurs épaules, au contraire de leurs barbes soigneusement peignées et rassemblées en trois petites tresses. Leurs tuniques laissaient apparaître des bras puissants, aux muscles si épais qu’ils en paraissaient difformes. L’homme de droite enlaçait une toute jeune fille largement dénudée. Yumi fronça les sourcils quand elle reconnu Xanthié. Mais déjà, Aïcha enchaînait :
— C’est Yumi. Yumi des Terres Sombres. Elle nous vient de …
Elle se tourna vers son invitée.
— Mais d’où viens-tu en fait ? Jusqu’il y a trois jours, je n’avais jamais entendu parler des Terres Sombres.
— Je viens d’Al’Ard.
Ce fut le guerrier du milieu, celui qui un instant plus tôt apostrophait Aïcha, qui cette fois la tança.
— Al’Ard ? Ce doit être un trou sacrément perdu car cela ne m’évoque rien, et les Dieux savent si j’ai couru le monde.
— Tu n’as pas parcouru le mien, rétorqua la jeune guerrière.
— J’ai chevauché jusqu’aux confins nord de Domina, j’ai traversé les déserts du Sud jusqu’à Ligéris, j'ai vu la ville-plante de Nenamenzi, croupi des lunes dans les prisons valdhoriennes. Il est peu d’endroit sur Exo où je n’ai mis le pied.
— Je ne te parlais pas d’Exo.
L’homme la regardait sans comprendre. A sa gauche, son « frère » caressait maintenant sans vergogne Xanthié qui gloussait de plaisir. Yumi lança un regard noir à sa jeune compagne. Elle poursuivit.
— Mon monde est différent. Les étoiles n’y sont pas les mêmes. Et nous n’avons qu’une seule lune.
Son interlocuteur éclata de rire, suivi de ses sbires et des convives autour d’eux qui, interrompant leurs apartés, reportaient leur attention sur l’étrangère. L’homme poursuivit, hilare.
— Tu veux nous faire croire que tu viens d’une autre Exo ? Et comment es-tu donc arrivée jusqu’ici ? Tu as chevauché un Rojas et fait route entre les étoiles ?
Tous riaient à présent, exceptée Aïcha qui affichait cependant un large sourire. Yumi réalisa que c’était la première fois qu’elle la voyait ainsi. Ce devait être sa façon à elle d’exprimer son hilarité. L’air sombre, elle poursuivit.
— Je ne sais pas moi-même par quel sortilège je suis arrivée ici. Mais c’est un fait. Et Saavati a elle aussi accompli ce voyage, par deux fois même puisque bien qu’elle appartienne à ton monde, c’est dans le mien que je l’ai rencontrée.
— Ah parce que ces dames ont leur résidence d’été sur Exo et passent l’hiver sur … Dalarte, fit l’homme, blagueur.
— Al’Ard, corrigea Yumi.
Il ne releva pas, mais poursuivit.
— Et c’est ton amie, cette … Saavati, qui partage depuis trois jours la couche de notre Seigneur. Elle aura bien mal au cul lorsqu’elle en sortira, cria-t-il en s’étranglant de rire.
Autour du feu, tous riaient à s’en décrocher les mâchoires. Quand il se furent calmés, le troisième « frère » s'en mêla. L’autre était bien trop absorbé par l’exploration du corps de Xanthié pour s’immiscer dans la conversation, à la satisfaction très manifeste de sa jeune conquête.
— Tout le monde ici se demande ce qu’il en restera quand Samaël en aura fini avec elle. Comment fait-elle pour endurer son Zdargh aussi longtemps ? Le Sûzuh des femelles d’Al-Ard est-il à ce point différent de celui des nôtres ? lança-t-il goguenard .
Il s’était levé, rapproché de Xanthié et, relevant la couverture qui ne la couvrait qu’à moitié, écarta d’une main les genoux de la petite putain pour lui tapoter le sexe. La jeune fille ria elle aussi et, complice, ondula du bassin comme pour réclamer une autre caresse. Seule Yumi affichait clairement son mécontentement. Elle le défia.
— Tu ne m’écoutes pas. Je viens de dire que Saavati appartenait à ton monde. Mais pour répondre à ta question, nos … comment disais-tu ? Nos Sûzuh sont en tous points similaires.
Elle se détendit un peu avant d’ajouter, avec un sourire qui, bien qu’il fut un peu forcé, leur apparut comme avenant.
— Et ils fonctionnent de la même façon.
Ils rirent à nouveau
Aïcha lui lança un regard entendu et se fendit d’un léger signe de tête, attestant sans doute qu’elle venait de marquer un point. Quelqu’un tendit à l'étrangère un bol duquel émanait une odeur de viande grillée, tandis qu’autour d’eux les conversations reprenaient bon train. De l’autre côté du feu, deux colosses s’affairaient maintenant sur une Xanthié bien peu farouche. Yumi préféra détourner les yeux et se concentrer sur son repas. Bien qu’elle se fut sustentée en début de soirée, la viande avait si bel aspect qu’elle se laissa tenter. Elle s’en saisit par l’os qui dépassait et y mordit à belles dents. C’était tendre à souhait, juteux et goûteux. Tant la saveur que la texture lui rappelèrent la meilleure viande de rheyn-dihr sur Al’Ard.
— Comment trouves-tu ? lui demanda l’amazone en lui tendant une des deux coupes de terre cuite qu’une des guerrières lui apportait.
— C’est délicieux. Ça fond dans la bouche.
— Je pense qu’ils t’ont adoptée, continua son hôtesse. Ils sont un peu rustres mais ce sont d’excellents soldats. Les meilleurs. Enfin, après mes amazones bien sûr.
Cela devait être la troisième fois qu’elle souriait en une seule soirée. Yumi faillit lui dire qu’elle se laissait aller mais renonça, trop contente de trouver une autre alliée dans ce monde dont elle ne connaissait rien. Aïcha enchaîna :
— Et puis avoue que ton histoire est si … incroyable. Je doute d’ailleurs qu’ils t’aient cru. Mais manifestement, ils t’aiment bien.
— Et toi, tu me crois ? questionna Yumi, la bouche à moitié pleine.
La capitaine affichait à nouveau un visage impassible, presque fermé. Elle prit son temps avant de répondre.
— Non. Je ne suis pas une rêveuse. Je crois en ma lance, je crois en la supériorité du fort sur le faible. Je crois en Samaël, non pas parce qu’il serait … une sorte de dieu – elle avait prononcé ces quatre mots à voix basse – mais parce qu’il est juste, fort, et que c’est un fin stratège. Je ne crois pas que l’on puisse voyager dans les étoiles.
Yumi sourit, un peu amère.
— Je suis donc à tes yeux une menteuse. Voire une impostrice.
— Ca m’importe peu. Que tu viennes d’ici ou d’ailleurs, la seule chose qui me préoccupe est de savoir si oui ou non tu es une redoutable guerrière, comme tes compagnons de route l’affirment. C’est en ce sens que tu m’intéresses. Et uniquement en ce sens.
Le message était clair.
— Bois maintenant, lança Aïcha, vidant sa propre coupe d’un trait.
Yumi fit de même. Le vin était fort, trop fort, mais déjà, un jeune garçon muni d’une amphore venait les resservir. Aïcha désigna les hommes de l’autre côté du feu. Tous trois s’affairaient maintenant autour de la petite Xanthié.
— Tu as eu affaire à Kalgur et à ses deux lieutenants. Il commande une légion d’infanterie. Ce sont de gros balourds, un peu lents à mon goût mais au corps à corps, ils sont redoutables.
Elle vida à nouveau sa coupe, invitant l’étrangère à faire de même.
— Amuse-toi maintenant, je vais danser avec mes guerrières avant que tout ce vin ne me monte à la tête.
Elle se leva, fit tomber sa cape et disparut au sein d’un groupe qui se déhanchait au son des tambours. Yumi resta un moment seule, quelques curieux vinrent lui adresser quelques mots, lui poser des questions. Chaque fois, elle ne lisait dans leurs yeux qu’amusement ou incrédulité. Fatiguée de se répéter, elle se décida à rejoindre les danseuses. La mélodie était lente, lancinante. Douze tambours jouaient à l’unisson. Elle se laissa aller à la musique, pénétrer par la vibration. Bientôt, ce fut toute sa peau qui frémissait, en chœur avec celle des tambours. L’onde se propageait, dans ses reins, dans son ventre, dans son … comment disaient-ils déjà ? Dans son sûzuh. Pieds nus dans le sable, elle se nourrissait du flux vital de ce monde qui n’était pas le sien. Son bassin ondulait au rythme de la mélopée, ses bras graciles, oscillant au-dessus de sa tête, tendus vers le ciel étoilé, semblaient vouloir capter toute l’énergie du cosmos. Elle ferma les yeux. Elle n’était plus Yumi. Elle était un pont, elle était une porte entre deux mondes, si distants l’un de l’autre qu’il faudrait à un navire mille fois mille générations pour parcourir le chemin qui les séparait. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle en avait la conviction.
***
Les cris la réveillèrent. Elle s’était endormie sur la couverture écarlate, elle se souvenait juste avoir dansé jusqu’à en tomber. L’assistance, loin de sembler s’essouffler, peinait à cacher son excitation. On avait ranimé le brasier dont les flammes s’élevaient maintenant plus haut que les plus grands des convives. Un peu à l’écart, de jeunes hommes balayaient le sable sous les yeux des spectateurs, rassemblés en un cercle autour d’eux. Yumi se leva et les rejoignit. Elle allait s’enquérir de ce qui se tramait quand la silhouette toute emmitouflée dans une couverture la rejoint. Seul un visage et deux pieds nus dépassaient. Xanthié ! La jeune femme l’admonesta.
- Garm sait-il que tu es ici ? l’interrogea-t-elle sur le ton du reproche.
L’adolescente lui lança un grand sourire.
— Pas besoin Garm savoir. Garm bien occupé. Laisser Xanthié s’amuser.
— Tu as de bien vilaines façons de t’amuser, gronda Yumi. On peut s’amuser sans … sans s’envoyer en l’air avec le premier venu.
— Mon travail. Xanthié putain, rétorqua la jeune fille tout sourire.
— Foutaises. Ils te payent avec quelques pièces dont Garm n’a que faire ! Tu n’as pas besoin de faire ça. Combien t’ont-ils donné ?
La gamine lui montra fièrement une petite bourse de cuir, toute gonflée de piécettes. Yumi leva les yeux au ciel.
— Même de ça, Garm n’a nul besoin. Cette bourse est une goutte d’eau dans l’océan de sa richesse.
— Toi pas faire souci pour Xanthié. Xanthié aimer son travail. Et guerriers donner beaucoup bonheur.
— Beaucoup bonheur, beaucoup bonheur. Je t’ai dit dix fois que tu confondais bonheur et plaisir, fit Yumi en levant les yeux au ciel.
Elle préféra changer de sujet.
— Tu sais ce qu’ils font ?
— Oui oui. Préparer Taak-Mok.
— Taak-Mok ?
— Ça combat.
— Plutôt une sorte de lutte, ajouta Aïcha qui venait de les rejoindre. Le principe est très simple. Les deux lutteurs s’affrontent dans un cercle tracé sur le sol. C’est pour le tracer que ces garçons lissent le sable. Pour gagner, il faut plaquer son adversaire dos au sol le temps que le Gardien du jeu compte jusque dix, ou pousser son adversaire hors du cercle.
— Je connais ce jeu, lança Yumi. On le pratique dans mon monde.
— Certaines choses semblent universelles. Est-ce que vous huilez vos lutteurs, vous aussi ?
— Que veux-tu dire ?
— Les lutteurs combattent nus et enduits d’huile. Ca complique singulièrement la préhension. Les coups sont interdits. Mais justement, les voici.
Un homme et une femme s’approchaient du cercle, portant pour tout vêtement un petit pagne. Leurs corps luisaient de mille feux sous la lumière sélénique. Lorsqu’ils pénétrèrent à l’intérieur du cercle, les spectateurs scandèrent deux mots incompréhensibles dans un joyeux tintamarre.
— Ils chantent le nom de leur champion, précisa Aïcha.
Bien que n’égalant pas Kalgur et ses deux frères, l’homme était bien bâti, mais la femme n’avait pas grand-chose à lui envier. Aussi grande que son adversaire, elle devait dépasser Yumi de plus d’une tête. Des jambes épaisses soutenaient un corps massif et musculeux, ses bras puissants auraient fait pâlir d’envie un bucheron.
— C’est une des miennes, annonça fièrement Aïcha.
Mais déjà, le Gardien du jeu donnait ses instructions aux deux lutteurs qui trépignaient d’impatience. Quand il frappa dans ses mains, les deux adversaires commencèrent à se mouvoir, tournant l’un autour de l’autre en s’observant. L’homme s’élança avec vivacité vers son antagoniste, tentant de la ceinturer. D’un bond, elle lui échappa et continua à marcher négligemment à l’intérieur du cercle, concentrée.
La seconde attaque fut aussi rapide mais simultanée cette fois, les deux adversaires bondissant l’un vers l’autre dans un même mouvement. Les deux corps s’entrechoquèrent violemment, mais chacun eut le temps d’enserrer l’autre. Soudés l’un à l’autre, tentant d’assurer au mieux leurs prises, les deux s’arc-boutaient et tentaient de déstabiliser l’autre. Il y avait quelque chose d’un peu ridicule dans cette étreinte grotesque entre deux mastodontes de chair et d’os. Ils restèrent ainsi enlacés pendant un bon moment, soufflant bruyamment et criant pour se donner du courage, tandis que retentissaient leurs noms dans la nuit du désert. Yumi trouvait le combat très statique mais subitement, l’amazone parvint à déséquilibrer son adversaire qui, incliné sur son côté gauche ne maintenait plus qu’un seul de ses pieds au sol. Tout alla alors très vite. Quand le deuxième pied décolla du sable, la femme projeta violemment l’homme vers le haut. Il retomba lourdement sur le dos et à peine avait-il touché le sol qu’elle s’écroulait de tout son poids sur son torse. L’homme en eut le souffle coupé et déjà, elle enserrait le bras gauche du malheureux entre ses puissantes cuisses et agrippait à deux mains son bras libre. Le Gardien avait déjà commencé à compter.
— Un … deux … trois …
L’homme s’arc-bouta, tentant d’échapper à la prise.
— Quatre … cinq … six …
Il gesticulait maintenant en tous sens, mais ses mouvements mal coordonnés n’eurent pas plus de succès. Autour d’eux, les partisans du guerrier hurlaient son nom et les amazones hystériques criaient leur fièreté.
— Sept … huit … neuf …
Il hurla dans une ultime tentative de se dégager, mais le gardien acheva de compter, frappa bruyamment dans ses mains et déclara la femme gagnante.
Les guerrières d’Aïcha exultaient. Leur capitaine, toute en retenue, peinait à masquer sa satisfaction. Les hommes, déçus, avaient bien triste mine. Kaulgr fulminait, mais il n’était pas mauvais perdant, il adressa un petit signe de tête à Aïcha, qui le lui rendit.
— Toi essayer, fit Xanthié aux côtés de Yumi.
— Tais-toi ! rétorqua la jeune femme.
— Toi grande guerrière. Toi gagner.
Aïcha, qui n'avait rien perdu de la conversation, se tourna vers les deux filles.
— Tu as manifestement une admiratrice, fit-elle à l’adresse de la plus âgée.
— Elle ne sait pas ce qu’elle dit, rétorqua Yumi.
Mais la jeune fille insistait, sans se désarmer de son perpétuel sourire. Quelques badaux se retournaient maintenant vers eux, Xanthié ne lachait pas son os. Elle les prit à témoin.
— Yumi grande guerrière ! Très forte !
Un brouhaha finit par s’élever, couvert d’abord par les cris de joie dans le camp de la gagnante. Le ton monta. Quelques-uns crièrent le nom de l'étrangère.
— C’est à toi de décider, fit Aïcha. Rien ne t’y oblige.
Mais la foule avait déjà décidé. Yumi lança un regard noir à la petite écervelée.
— Qu’as-tu fait donc ? petite sotte, lui lança-t-elle furieuse.
Mais déjà, plusieurs filles l’emportaient. Il fallait la préparer pour le combat à venir.
(1) Roojas : animal carnassier et rapide, semblable à une autruche ou un émeu, si ce n'est qu'il en diffère par la taille, certains spécimen pouvant atteindre plus de quatre mètres. Difficile à dompter, celui qui parvient à le monter s'affiche comme un grand guerrier.
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