Willy, mon ami
La suite de l'heure se déroula agréablement. Willy (nous en étions déjà aux surnoms) et moi discutâmes avec animation d'un plan pour convaincre Ezra puis pour exécuter la transformation. Il me parla d'un appartement délabré situé sur la frontière entre mon monde et celui d'en-bas. Il m'exposa les dangers d'une métamorphose en dehors du territoire des vampires. Premièrement, se transformer en reine ou même l'essayer était totalement illégal. Ensuite, un nouveau vampire ne pouvait pas se balader librement dans le monde des humains durant la première année qui suit sa création. De plus, la transformation étant déjà horriblement douloureuse, autant ne pas aggraver les facteurs en évitant d'exposer la victime à la chaleur du soleil, au pouvoir d'attraction du sang (même du nôtre) et à la déchirure de l'âme.
Ses propos me terrorisèrent. Je n'avais pas pensé que le processus pouvait être aussi dangeureux et violent que ce qu'il décrivait. Je savais que ce n'était pas une partie de plaisir mais pas à ce point là ! Ces paroles m'effrayaient mais à ce moment là, il était trop tard pour renoncer. Je sentais l'espoir perler dans le regard de Willy. Voilà trop longtemps que son père se concentrait sur le passé, il fallait le pousser vers l'avant.
Un raclement de gorge derrière moi interrompit mon flot de parole. Je regardais le visage effrayé de Willy. Hum, qui ça pouvait bien être. Je me demandais. Au hasard, je pariais sur Ezra. En me retournant, qui voyais-je ? Surprise, Monsieur Lemmon ! Je me donnais mentalement l'argent de mon pari avec moi-même ce qui résulta d'une grimace et d'un étrange froncement de sourcil extérieur. Il s'étonna de notre présence ensemble, son fils et moi. Il pointa un regard froid vers Willy comme si tout était de sa faute. Timidement, je tentais de calmer la situation en lui expliquant le plus calmement et délicatement possible mes espoirs qu'il puisse nous aider. Mon idée de transformation en reine ne parut pas lui plaire. Ah ça non ! Il se leva brusquement de son siège, accusant son fils de m'avoir embrouillé l'esprit avec des espoirs tordus. J'ouvrais la bouche pour protester (c'est moi qui avait eu cette idée, autant rétablir la vérité !) mais un regard de Willy me la fit refermer avant que je n'ai l'occasion de gober une mouche (je me demande d'ailleurs quel goût elle aurait). Ezra poussa un énième soupir exaspéré, attrappa son manteau et un verre de sang seconde qualité (contrairement au mien qui, sans fierté, n'est que du sang pur) et s'enfuit par la porte.
Visiblement, ça ne s'était pas passé comme je l'avais imaginé. Dans mon esprit, il avait acquiescé vivement en peaufinant mon plan, ravi de mon initiative. J'ai beau repasser la scène dans ma tête, je ne vois pas le moment où tout a dérapé. J'avais pourtant bien préparé chaque millimètre du déroulement de cette révélation.
Willy interrompit mes réflexions désordonnées en me murmurant qu'il était désolé de la réaction de son père et qu'il allait tenter de le résonner. Il se lèva et je me précipitai à sa suite pour l'accompagner mais il me repoussa. Mon entrée dans le monde d'en-bas serait mortelle, me rappela-t-il. Il franchit la porte en me laissant seule avec cette pensée en boucle : Où le déroulement de mon plan minutieusement préparé à l'avance avait-il déraillé ?
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