5. Noël, ensemble (troisième partie)
22 heures 30
Jean-Louis, Riva et Carrie sont repartis sur Orléans depuis longtemps. Quant à Timothée, épuisé par l’excitation de la journée, il a déjà rejoint les bras de Morphée.
Dans le couloir qui mène aux chambres, Amanda croise fortuitement Baptiste. N’arborant qu’un simple peignoir éponge au sortir de sa douche, ce dernier se hasarde néanmoins à interpeller celle qui fut sa femme.
— Au fait, je me demandais : vous repartez quand avec Tim ?
— Demain matin, avant huit heures. On a pas mal de route jusqu’à Honfleur, et comme en plus, on doit être rentrés chez nous dimanche soir au plus tard…
— A cause de ton émission, c’est ça ?
— Oui, je vais relayer Sidonie. C’est à son tour d’être en vacances.
Un échange de regards gênés ponctue le bref silence que ne laisse pas s’installer le quadragénaire.
— Mais t’as quelqu’un pour garder Tim ? Parce que si t’as besoin, n’hésite pas ; je remonte sur Paris, le récupère illico et il passe la semaine aux Terriers, avec nous. Il adore être ici, et puis comme ça, il pourra s’amuser avec Carrie pour le Nouvel An...
— Candice devrait être de retour de New-York d’ici samedi soir s’il n’y a pas de retard sur les longs courriers. Tim l’attend avec impatience, elle lui a promis de lui ramener quelque chose. Et puis tu sais, je crois qu’il est secrètement amoureux d’elle…
Sourires de connivence.
— Mais pour en revenir au Nouvel An, c’est vrai que je bosse cette nuit-là et ils risquent de s’ennuyer un peu, tout seuls dans l’appart’…
— Écoute, je te propose de venir les chercher tous les deux lundi après-midi, et comme ça c’est réglé, t’as plus à t’en faire pour eux ; ils seront comme des coqs en pâte !
— Tu ferais ça ? Merci beaucoup, tu es un ange !
Elle l’embrasse sur la joue, il en rougit presque tellement il ne s’y attendait pas.
— Si ça peut te rendre service… En plus, ça fera plaisir à tout le monde. Comme ça a fait plaisir à tout le monde que tu sois là, avec nous, pour Noël.
— J’ai pu le remarquer, oui. Ta mère m’a même donné ça.
Elle lui montre le trousseau de clés de la maison solognote.
— Je suis content qu’elle l’ait fait. C’est sa façon à elle de te dire combien tu comptes pour elle. De te montrer que tu fais partie de notre famille à tout jamais.
Les yeux noirs d’Amanda s’accrochent à un cadre-photo suspendu au mur lui faisant face, derrière Baptiste. Un cliché datant du temps de leur mariage, une époque lointaine, aussi heureuse que révolue.
— Au départ, je ne voulais pas revenir. Parce que je ne savais pas comment on allait m’accueillir ici, si j’étais encore la bienvenue. Parce qu’on n'était plus ensemble, parce qu’il y avait Caroline.
Les larmes de la jolie trentenaire pointent à l’orée de ses cils tandis que la main bienveillante de son ex-mari se pose sur son épaule.
— Et à présent ?
— A présent, je me rends compte que ta famille, cet endroit, tout ça m’avait terriblement manqué.
Amanda fixe son interlocuteur droit dans les yeux, le couve d’un regard tendre et recouvre la main de celui qu’elle a tant aimé.
— J’espère juste que ma présence n’a pas blessé Caroline. Je ne voudrais surtout pas qu’elle me voie comme une rivale ou qu’elle croit que tu éprouves encore des sentiments pour moi, qu’elle s’imagine des choses…
— Des choses qui pourraient ressurgir à tout moment entre toi et moi ?
Baptiste attire son ex contre lui et tente d’embrasser sa bouche, mais celle-ci se dérobe et son baiser s’échoue à la commissure de ses lèvres.
— Il est temps que tu ailles rejoindre ta dulcinée dans vos appartements. Car contrairement à elle, je ne suis plus qu’un souvenir. Ce n’est plus moi, ton présent et ton avenir, c’est elle. Alors ne les compromets pas pour quelque chose que tu pourrais regretter plus tard…
L'envie d'elle le tenaille et elle le sent quand il la déshabille aussi littéralement de ses prunelles azur, mais elle s’efforce de ne pas céder à ses avances implicites. Pourtant, leur désir mutuel l’un pour l’autre est manifeste et palpable, seulement le quadragénaire a compris le message et se résigne à abdiquer. Il se contente de la saluer d’une voix suave murmurant à son oreille.
— Bonne nuit, Amanda…
Troublée, elle peine à lui répondre de façon audible.
— Bonne nuit Baptiste…
A contretemps, elle se retourne ; il a déjà disparu. L’aurait-elle rêvé ? Aurait-elle rêvé cet instant ?
Elle s’endormira avec ces images, ces sensations nébuleuses qui irradieront tout son corps au son d’une ballade diffuse : Last Chistmas. En essayant de se persuader qu’elle a bien fait de ne pas se laisser séduire à nouveau...
***
« But if you kissed me now, I know you'd fool me again... » (1) (2)
(1) : « Mais si tu m'embrassais maintenant, je sais que tu me duperais encore... »
(2) : Paroles extraites de la chanson Last Christmas (1984), composée par George Michael et interprétée par le groupe Wham ! dont il était le leader.
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