Chapitre 14 (2/2)
La chaleur insolente faisait tourner les têtes et essoufflait les corps. Pas vraiment les conditions idéales pour passer un oral. Florian rongeait son frein, pressé d’en finir au plus vite. Bientôt les vacances, les grandes. Avec elles son lot de démarches, de visites surtout. Résidences universitaires ou studios de fortune, au loyer – très – raisonnable, à distance – très – respectable de la famille. Pour garantir l’illusion du geste, assouvir un désir trompeur d’indépendance. Être au calme, enfin, pour pouvoir étudier en paix. Malgré tout, s’habituer en douceur, le silence pourrait bien lui faire peur au début.
Dans un élan de générosité, Sophie s’était proposée de l’assister dans ses recherches. Elle s’occuperait de traquer les embûches réservées aux étudiants arrivistes et non avertis. Florian avait accepté sans hésiter, toute aide serait la bienvenue. Et puis, il n’avait pas tellement croisé sa sœur cette année, ce serait l’occasion de renouer. Un peu. Là encore, l’illusion du geste.
Pendant ces vacances, Florian aurait préféré renouer avec Romain. Et Chloé, quitte à tout prendre. Mais Chloé semblait plus inaccessible que jamais. Laisser faire le temps, il voulait bien, mais n’en avait pas la patience. Il voulait toujours plus.
Florian s’accouda à la fenêtre pour se gorger de la vue étincelante du ciel bleu intense qui découpait les dos des monts et le creux des vallons, rehaussait les taches de couleurs vives de verdure, de rose fuchsia, d’orange acide ou de rouge incarnat des arbres. Et en contrebas, les toits, les maisons, les gens et leurs besognes. Ce panorama l’apaisa un peu dans cette atmosphère suffocante. Florian appartenait à la catégorie de ceux qui ajoutaient foi dans la contemplation des choses belles et simples pour se stabiliser et relativiser.
Courage. D’ici une petite heure, au grand maximum, il en aura fini.
Un bruit de galopade l’arracha de sa rêverie. Fugacement, il crut entrevoir Arthur qui passait comme un boulet de canon à l’intersection du couloir. Allons bon. Il se désespérait. Il se sentait si concerné vis-à-vis d’Arthur qu’il ne pouvait se retenir de l’imaginer partout. Arthur avait fini par les renvoyer aux filets, lassé de s’entendre continuellement harceler sur son bilan de santé pour la huitième fois de la journée.
« Je ne vous savais pas aussi sensibles tous autant que vous êtes ».
Arthur, dont l’unique préoccupation était de rencontrer Garance et qui ne démordait pas de son idée fixe. Tantôt placide de découvrir l’existence d’un nouveau groupe, tantôt courroucé contre Bastien et Florian d’avoir saboté toute possibilité de relation avec ses membres. Cécile avait réussi à le persuader d’attendre un peu avant de se précipiter chez eux, histoire que les esprits se calment. Arthur avait obtempéré avec le même enthousiasme que montrait Thomas à rentrer chez lui.
« Concentre-toi un peu ! ».
Florian aurait bien aimé mais son esprit pataud ne lui obéissait plus. Il se sentait étrangement cotonneux ; une somnolence se saisissait de lui, troublant son contact. Ses pensées se chevauchaient, confuses, affolées. Il dodelina de la tête, essayant de lutter, mais son esprit vagabond l’enleva plus loin encore.
« — Florian ? Bon sang… Florian ! Ne reste pas là, c’est dangereux ! ».
Il avait du mal à décrocher, la preuve. Voilà qu’Arthur surgissait devant ses yeux, vraiment conforme à la réalité du moment : irrité contre lui.
« — Sors, vite !
— Doucement, il se passe quoi ? Il y a le feu au lac ?
— Tu… Tu ne peux pas rester ici, il y en a un ! Sortez, je vous dis ! ».
Florian ne bougea pas. Il n’en avait pas la compétence. Arthur grogna, se tendit et faucha brusquement les jambes de Florian dans un large coup de pied circulaire. Florian se sentit chuter. Il dégringola des strates de conscience et s’ébroua, paniqué. Ses mains crochetées au rebord de la fenêtre étaient… brûlantes, captèrent enfin ses terminaisons nerveuses. Il les retira prestement, ébranlé. C’était quoi, ça ?
Bastien s’enfila le détour du couloir, en véritable courant d’air. Florian n’eut même pas à le héler : Bastien l’avait remarqué, mais ne ralentit pas sa cadence pour lui. Que fabriquait Arthur ?
« Il y en a un ! »… Ici ? Dans le lycée ?
Florian en eut la chair de poule. Ils ne pouvaient se pointer ici, ce n’est pas du jeu. La maison et le lycée étaient inviolables, une sorte de maison magique. Nan ?
Fébrile, il vérifia sa montre : 13h28 et 36 secondes, 13h28 et 36 secondes, 13h28 et… et nan. Florian plaqua son oral qui n’aurait pas lieu et se précipita à son tour dans les couloirs.
Il se heurta à une fille tout aussi active. Elle poussa un cri et le retint à bout de bras.
— Aha ! Notre petit renégat !
Florian fit un pas en arrière. Puis un autre. Peu encline à lui céder du terrain, Léane se colla juste sous son nez, accusatrice.
— C’est bien toi la coupure d’électricité d’il y a trois mois !
Florian trébuche, Léane ne cille pas. Elle plante son index au milieu de sa poitrine, prête à l’embrocher. Elle a un visage en cœur qui souligne de jolies pommettes, des lèvres pleines, un nez fin et un grain de beauté au coin de l’œil droit afin d’intensifier le brun velouté de ses yeux. Mais ce qui le marque en contraste, ce sont les nombreux filaments argentés qui s’enchevêtrent le long de sa chevelure brune : indisciplinés et rebelles, ils démentent sur cette fille l’adage des cheveux gris comme symbole de décrépitude ou de sagesse. Léane est belle. Léane détonne, impétueuse. Léane est capable de faire sauter un réseau entier sur commande et sans bavure. Du coup, Florian en perd ses moyens.
— Je… en fait…
Léane accepte ce cafouillage pour une confession. Victorieuse, elle pivote pour prendre à parti ses deux compagnons qui rappliquent avec un temps de retard.
— Je vous l’avais bien dit ! C’était trop sauvage et bâclé, un vrai travail d’amateur ! Comparer ma signature à une erreur de débutant, vraiment !
Clément les dépassa sans se soucier des déblatérations de Léane. Son deuxième camarade bouscula Florian qui restait bloqué.
— Grouille-toi, enfin !
*
— Il est encore là ?
Bastien déglutit nerveusement : son petit fantôme était bien là et lui filait toujours autant les chocottes. Encore plus au repos.
— J’ai bien essayé de l’encastrer dans la zone mais cela ne va pas durer. Il faudrait le détruire au plus vite.
— Se servir de nous pour former les angles de ton périmètre, passe encore, mais tu n’avais pas à y mêler ma sœur.
— Tu avais une autre solution ?
Arthur s’en voulait déjà suffisamment. Il avait invoqué le champ de force en se basant pour le susciter sur le souvenir de Claire et Thomas pris au piège. Il n’avait pas prévu qu’il s’insinuerait dans la conscience de Claire. Ni qu’il l’utiliserait pour ramener à lui Bastien et Florian, renforçant par leur intercession les contours de la sphère dans laquelle il avait enfermé Casper. Y enfermant ses amis par la même occasion. Il était parvenu à déloger Florian et Bastien sans réussir à faire de même avec Claire. Tenace, elle n’avait pas voulu le quitter de crainte que le tracé qu’elle avait elle-même esquissé ne s’efface avec elle. Elle seule serait en mesure de le conserver.
« Occupe-toi de dégager Casper ! Et pas un mot à Bastien ! », lui avait-elle ordonné avant de se désolidariser de lui, refermant la frontière derrière son passage. Claire lui interdisant l’accès à la bilocation, il ne savait même pas que c’était possible. C’était à pleurer.
Si Bastien venait à savoir la véritable mission de Claire, il ne le raterait pas.
— Tu crois que j’arriverai à soulever ce banc ? interrogea Bastien, peu confiant sur ses chances de réussite.
— C’est inutile, il est parti. Et tu te pèterais le dos.
Florian s’infiltra à côté d’eux.
— Comment ça, parti ? Et Claire, tu as vu Claire ? se décomposa Arthur.
Florian secoua la tête et désigna vaguement un point vers le préau.
— Par contre, il y a Léane et Clément. Et puis…
— Ces petits crétins.
Bastien s’envola sans lui laisser le temps de terminer son énumération. Florian fit craquer ses phalanges, atterré.
— Bah, il finira bien par s’en apercevoir.
— S’apercevoir de quoi ? se renseigna Claire.
Arthur sauta sur elle, furibard.
— Ne refais jamais cela !
— Relax, c’est toi qui m’avais invitée pour commencer ! Le fouchtri a disparu tout seul et je suis revenue crème, donc tout va bien. Par contre, j’étais encore toute seule dans ma salle.
— Le fouchtri ?
— C’est le petit surnom que j’ai donné à mon croquemitaine. T’en penses quoi ? Et fouchtras pour les autres. Fouchtris-fouchtras, c’est assez complémentaire, non ?
Florian regarda Claire. Comment lui présenter la chose ?
— Ton frère est là-bas. Il rencontre un imprévu, je crois. Tu ferais mieux de le rejoindre.
L’expression de Claire était soupçonneuse au possible.
— Qu’est-ce que cela cache ?
— Vas-y juste. Et ne t’énerve pas.
Claire se redressa lentement.
— Sous le préau ?
Florian acquiesça.
— Avec les autres.
Claire pâlit. Elle se sauva en courant. Florian la suivit des yeux.
— Il y a quoi sous le préau ?
— Il y a Mathieu.
— Oh mon Dieu. Arthur cabriola comme un ressort. Et c’est maintenant que tu le dis ?
— On est obligés d’y aller ? J’ai un oral en fait.
— Tu es sérieux ?
— J’ai de plus en plus de mal, admit Florian.
Bastien était foudroyé. Mathieu était navré face à Claire.
— On la refait.
Claire ferma les yeux avec une force à arrimer ses paupières dans ses orbites oculaires. Elle siffla avec précaution et les rouvrit. Catastrophée.
— Pourquoi tu es ici ? Sa voix se brisa. Depuis quand ?
Mathieu s’adressa à Bastien comme si elle n’existait pas. Désorienté.
— Pourquoi Claire est avec vous ? Ce n’était pas prévu.
— Je suis juste là ! fulmina Claire, frustrée. Demande-le-moi, à moi !! Tu crois que t’étais prévu, toi ?
— Explique, crailla finalement Bastien, sorti de sa transe de déni. Comment as-tu pu nous cacher cela ?
— Tu me poses cette question ? Alors que tu connais déjà la réponse ? railla Mathieu, peu porté à se laisser abattre.
— C’est bien mignon, mais on devrait se concentrer sur l’essentiel, insista Léane en rompant le cercle et tapotant ostensiblement son poignet.
— Qu’est-ce que tu veux que j’y fasse ! s’emporta Mathieu. S’il revient, je n’ai rien à lui balancer alors fais moins de gaz !
— Écrase Léane, renchérit Clément. Tiens, un revenant ! s’exclama-t-il, ravi de changer de sujet. Content de te revoir en forme !
Arthur observa Léane et Clément avec révérence avant de s’intéresser à Mathieu, sur la réserve.
— Et Garance ? Elle est avec vous ?
— Nope. Mais elle sera contente d’apprendre que tu te portes bien. C’est une Bordelaise. Elle viendra vous voir prochainement.
— Aussi loin ?
Arthur était sans voix. Pour lui, Garance avait risqué plus qu’il ne le croyait. Clément hocha la tête, satisfait de l’importance qu’Arthur semblait attacher à Garance.
— On dirait bien que c’est toi le plus sensé, en effet. Et tu payes tous les pots cassés.
— C’est toi qui les avais prévenus, énonça calmement Florian, rivé sur Mathieu.
— J’avais des doutes, mais j’ai compris au bowling. Ne le prends pas mal, mais pour moi, c’était la seule explication de ta présence continue autour de Bastien. Et je ne voyais pas d’autre raison à ce que tu rappliques aussi rapidement quand Claire t’appelle.
— À ce point ?
— Si tu le savais, pourquoi tu ne t’es pas manifesté ? s’interposa froidement Bastien. Pourquoi n’es-tu pas venu toi-même ?
— Parce que je savais très bien que vous allier réagir de cette façon. Vous m’auriez collé un procès sur le dos au lieu de nous suivre. Et au final, vous n’avez même pas eu besoin de moi pour vous fritter avec Rémi.
— Ça c’est moi, retoucha Florian.
— Pauvre con, frappa Claire, dégoûtée de voir que Mathieu les connaissait trop bien.
Mathieu encaissa l’insulte, c’était de bonne guerre.
— Le pauvre con vous a sauvé la mise, s’indigna Clément.
— C’est bon. Je suis désolé, je m’excuse. Non, cela ne se dit pas. Je vous demande d’accepter mes excuses. Cela vous va ?
Claire tressaillit devant cette correction grammaticale sur laquelle Alec les reprenait pour les taquiner.
— C’est stupide, c’est à eux de te présenter des excuses, pesta Léane.
— Non.
Mathieu avait l’air contrit.
— Je croyais que tu traversais une mauvaise passe, se justifia-t-il devant Bastien. Je ne voulais pas y croire, même si j’avais tous les signes. Et Claire…Je ne voulais pas te décevoir, pardon pour ma réaction. J’espérais que tu n’étais pas impliquée. Tous les deux, ce n’était pas juste.
— C’est injuste pour moi mais normal pour Bastien ? Parce que je suis une fille ? Ou parce que je suis plus jeune ?
— Claire, ce n’est pas ce qu’il voulait dire.
— Je sais ce qu’il voulait dire. Réponds-moi. Depuis combien de temps tu es avec eux ?
— Un an et demi.
Claire enregistra l’information avec difficulté. Affligé, Mathieu la regarda s’accroupir sur ses talons et plaquer les mains sur ses oreilles, toutes écoutilles fermées.
— Claire…
Il voulut la relever, mais Bastien se plaça devant elle en paravent.
— Comment cela a-t-il pu se produire ? Tu n’as jamais montré… Tu n’as jamais eu de problèmes.
— Ce n’est pas parce que je n’expose pas mes problèmes aussi bruyamment que les tiens qu’il n’y en a pas. Et j’en ai eu. C’est comme cela que j’ai rencontré Léane, si tu veux savoir. Dans le bus de 7h15. Je me suis fait repérer en provoquant un esclandre involontaire.
— C’était magistral, rit Léane. Une bonne intégration si tu veux mon avis.
Mathieu rougit, embarrassé.
— Un esclandre ? répéta Arthur, certain d’avoir mal entendu.
— Ce sont des littéraires, lui glissa Florian en aparté.
— Tu es entouré de littéraires, gaffe à ce que tu dis, l’avertit Léane, dotée d’une ouïe ultra-sensible.
— Vos avantages au self, on en parle, les prépas ?
— Et votre mascotte qui s’est installée chez nous, on peut en parler aussi ?
— Je croyais que Mélissa avait dit à Cécile que Thomas était le bienvenu, contrattaqua Florian.
— Mélissa adore tout le monde, mais ce n’est pas une raison pour prendre toutes ses propositions au pied de la lettre.
Claire attrapa la jambe d’Arthur qui se pencha à sa hauteur.
— Je comprends rien, chuchota-t-elle sans retirer ses mains.
— Il n’y a rien à comprendre. Tout se passe bien, lui assura-t-il d’un sourire. Claire le crut sur parole et enleva prudemment ses soupapes de sécurité.
— Il faudrait nous expliquer ces attaques que nous a décrites Thomas. Ce n’est vraiment pas commun.
Léane promenait sur eux sa mine inquisitrice aux aguets.
— Le petit traître. Qu’est-ce qu’il est allé raconter ?
Florian se posta face à elle, agité.
— En quoi ça vous regarde ?
— Pas la peine d’être aussi agressif !
—Aucun rapport avec vous, temporisa Mathieu. On voudrait comprendre.
— Les visites de monstres ont été rares chez nous. Et on a de la chance si on peut apercevoir le bout du nez d’une fille comme celle qui a voulu étrangler Thomas, commenta Clément. Le sujet de conversation principal de la résidence, c’est de déterminer à quel point votre cas est inhabituel. Mélissa en devient folle à force d’échafauder toutes sortes d’explications.
— De plus en plus vaseuses.
Bastien inspecta Mathieu, sur la défensive.
— Tu n’as jamais été attaqué, toi ?
— Pratiquement jamais. Aujourd’hui, ça va faire la troisième fois au total.
— Alors ne venez pas nous faire la morale, riposta Bastien avec morgue. Vous ne savez pas ce que l’on vit.
— Non, c’est vrai. Mais on se doute bien que c’est mouvementé vu comme vous vous méfiez de nous.
— Ce n’est pas le cas !
— Ah non ? Regardez-vous un peu, rit Clément. Vous formez un commando à part. Un véritable bloc.
Bastien se retourna pour vérifier ses dires : Florian et lui s’étaient positionnés en garde-fous pour protéger Claire et Arthur, plus en retrait.
— Mauvaise habitude, convint Bastien, un brin gêné.
Claire se leva, éclata de rire avant de plaquer sa paume sur sa bouche, mortifiée. Mathieu amorça un mouvement dans sa direction mais elle s’éclipsa tout bonnement pour se soustraire à la pression. Arthur se tamponna le front, déconfit.
Florian baissa prudemment sa garde et consulta sa montre.
— 13h30. Je vais devoir y retourner. Manquerait plus que je rate l’oral.
Il accorda à Mathieu un air qui se voulait plus amical :
— Tu as réussi, toi ? Quelle matière ?
— L’italien, répondit le garçon après un bref flottement. Ce n’était pas le plus compliqué.
Peu importe. Pour Florian, cette langue n’était pas son forte.
— Eh, le bleu ! Viens me voir si tu as besoin d’un nouveau câblage ! beugla Léane.
Il agita la main en s’éloignant. « D ’ac’ » ou « cause toujours ».
— Un point à éviter si par hasard on se revoit ? questionna Bastien.
Le sourire de Mathieu s’affaissa.
— « Si par hasard on se revoit ? ». On en est là ?
— Te fais pas d’illusions, je t’en veux encore, signala Bastien sans même lui accorder un regard.
— Laisse tomber, Mat’. Ils connaissent notre adresse, s’ils ont envie de venir discuter.
— Et puis quoi encore ? se braqua Claire, l’humeur belliqueuse concentrée sur Mathieu.
— Nos discutes à nous tournent souvent à l’aigre, et là ça fait beaucoup, dit Arthur, plus courtois.
— Dites à votre pote que je l’ai à l’œil, pointa Léane.
Bastien lui octroya une grimace tourmente et s’en fut sans chercher à les saluer.
— Tu vois bien qu’on perd notre temps avec eux ! s’emballa Léane. Pourquoi s’embêter à être aussi tolérants alors qu’ils ne le méritent pas !
Clément la guida vers les grilles en la laissant s’époumoner à qui mieux mieux.
— On va en entendre parler, bougonna Mathieu.
— J’ai l’impression que nos complications sont identiques à ce niveau, lui fit remarquer Arthur, de connivence.
— Tu ne dois pas rigoler tous les jours, c’est sûr.
— On s’adapte. Je pense que ces deux-là vont t’en vouloir longtemps.
— Ce n’est pas ce qui m’inquiète le plus.
Mathieu hésita avant d’embrayer :
— Ils sont doués pour les ennuis, je les connais bien. Si tu pouvais les convaincre d’accepter notre aide dans ce genre de conditions, je me sentirais mieux.
— Je ne peux rien te garantir, ils sont bornés.
— Je sais. Bastien et Claire ne pardonnent pas facilement. Mais vous trois, vous pouvez les faire changer d’avis, peu importe le temps que cela prendra.
— Tu nous surestimes un peu.
— Clément a raison, il n’y a qu’à vous regarder. Si vous nous faites confiance, ils vous suivront.
Arthur examina le visage grave de Mathieu.
— Pourquoi ne te feraient-ils pas confiance ? Tu es leur meilleur ami.
Il esquissa un sourire triste en retour.
— Il y a des gens qui sont comme cela, surtout ceux qui ont trop souffert. Une fois la confiance brisée, il leur est très difficile de la rétablir.
Et le pire, c’est que Mathieu le savait depuis le début. Et qu’il s’était contenté de s’y préparer.
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