Chapitre 16 (3/4)

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Ils piaffaient d’impatience devant la maison de Nat. Mais pas Clément. Les bras croisés, Clément tirait des bouffées de sa cigarette électronique, tranquillement, sans prêter la moindre attention à la frénésie ambiante. « Gardez votre sang-froid », semblait-il les sermonner en silence.

Dès qu’elle aperçut Garance, Léane piqua un sprint pour lui tomber dans les bras.

— Ga-ran-ceuh !

— Léanette !

Les deux filles sautillaient sur place comme des puces surexcitées.

— Laisse-la respirer un peu ! rouspéta Mélissa en écartant Léane. Garance ! hurla-t-elle en comprimant son amie dans ses bras.

— Je t’aime aussi Mel, mais tu m’étouffes.

Mélissa la tint à distance pour l’ausculter avec affection.

— Regarde-toi un peu ! Toujours aussi jolie !

— Encore plus jolie qu’avant, affirma Clément en lui pinçant la joue. Comment vas-ton père ?

— Mieux. Il est beaucoup plus stable en ce moment. Salutations, chef ! parodia Garance en se mettant au garde-à-vous devant Rémi.

— Quoi de beau à Bordeaux, soldat ?

— La routine, chef. Beaucoup moins passionnant que ce qui se passe ici.

Elle exhiba un sourire désarmant pour Thomas. Lequel parut troublé de se voir ainsi favorisé.

— Aha, le petit dernier de la bande !

— Tu verras, Thomas est adorable ! Très gentil et super serviable, dit Mélissa qui ne tarissait pas d’éloges.

Et canaille sur les bords, ronchonna Léane dans sa barbe.

Mélissa l’ignora. Parce que c’était Mélissa, tout simplement. Soucieuse d’impliquer tout le monde, elle reconnaissait plus les qualités que les défauts de chacun. Mais elle était particulièrement à disposition de Thomas qu’elle traitait ostensiblement en chouchou. Thomas y avait déjà été sensibilisé. Mais il n’avait pas calculé que Garance vienne y rajouter son grain de sel.

— Il est mignon en plus, s’extasia Garance en passant outre l’âge de Thomas et le fait qu’il allait rentrer de plain-pied dans l’adolescence. Ces mièvreries retourneraient le cœur de n’importe qui. Mais Thomas était complètement affaibli de ces manœuvres de mères-poules qui centraient leur discussion sur sa personne.

— Qu’est-ce qu’elles nous font, un fan-club ?

— Ça m’en a tout l’air. Mélissa et Garance, « les douces et gentilles », annota Rémi.

Et un petit malin aurait lu entre les lignes : tout le contraire de Léane, quoi.

— Comment tu trouves Garance au fait, géniale non ? Douée aussi, mais ça, je ne t’apprends rien.

Perdue, aurait été une définition plus exacte aux yeux d’Arthur, mais bon, géniale, cela lui correspondait bien aussi.

— Elle en a l’air. Et courageuse aussi. Je veux dire, elle sait gérer la pression, dit-il en y mettant les formes.

— C’est une dure à cuir, c’est vrai. Elle sait ce qu’elle veut. Elle en a trop bavé pour se laisser marcher sur les pieds. C’est pour cela qu’elle s’entend aussi bien avec Léane, je pense. Elles sont à l’antithèse l’une de l’autre mais elles se reconnaissent quelque chose en commun.

— Un peu comme une meute, dit Clément en se mêlant à eux, sa cigarette électronique à la main. Par contre, des deux, va savoir qui est l’Alpha. Je vois mal Léane se soumettre à qui que ce soit, et Garance est beaucoup trop déterminée à suivre sa voie pour se laisser dicter sa conduite.

— Euh, écoutez les filles, Thomas n’était pas le but de notre visite.

Au vu de leur nombre et de leur boucan de basse-cour, Florian commençait à penser qu’ils devaient passer pour les casseurs du coin aux yeux du voisinage.

— Je vais sonner, alors on se calme, prévint-il à la ronde.

— Bonne idée, sonne, dit Thomas, pressé de passer à autre chose.

Florian espérait que Natacha ne se rétracterait pas devant cette horde sauvage.


Un jeune garçon s’encadra dans l’embrasure.

— Bonjour. On est venus voir Natacha.

— Euh, oui, bien sûr. Elle vous attend. De l’autre côté.

Il s’effaça pour les laisser passer. Répondit à leurs saluts à la file indienne sans s’émouvoir, comme si ça lui paraissait naturel d’être aussi entouré. Florian s’introduisit le premier dans la maison, Cécile lui emboîta le pas, Claire et Arthur dans leur ombre. Léane hésita un instant mais suivit. Puis ce fut au tour de la deuxième fournée.

— Vous n’entrez pas ?


Clément éleva légèrement sa cigarette électronique, illustrant la réticence polie de la dernière fournée. À l’écart.

— Si ça vous arrange mieux, je peux rester ici à vapoter encore un peu. Nous ne sommes pas pressés.

Garance roula des yeux mais entra sans rien dire.

— Je reste avec lui, pour lui tenir compagnie, ajouta calmement Rémi.

— Moi aussi, renchérit Bastien. On ne voudrait pas vous déranger, à débarquer aussi nombreux.

Les deux autres le regardèrent avec des yeux ronds. Peut-être que la housse pour violoncelle qu’il se trimballait en était en cause.

— Vous ne dérangerez personne. Il y a un jardin derrière, précisa le frère de Natacha. Tu… Vous pourrez même vapoter sans problème.

— Tentant, concéda Clément. Mais je ne voudrais pas enfumer la maison entre-temps. Même avec le parfum pomme d’amour. On arrive dans une minute.

Il ne parut ni offusqué ni dérangé. Plutôt indifférent.

— Vous n’aurez qu’à pousser la porte alors. On allait commencer une partie de cricket, vous êtes les bienvenus. C’est mieux d’être nombreux à ce jeu.

— Du cricket ? Sans blague, elle nous a concoctés tout un thème ! ricana Rémi avec incrédulité une fois la porte refermée. Elle a accepté de nous rencontrer, avec toute sa fratrie, autour d’un cricket ?

— Rien de tel qu’une rencontre sportive pour nouer des liens, remarqua Clément. On pourrait leur proposer un laser green pour la prochaine fois, t’en dis quoi ?

— C’est pas le problème ! Ils font du cricket ! T’as bien entendu, non ?

— Je ne suis pas sourd. Et alors ?

— Tu vois le mal partout, toi, fit observer Bastien. On a aussi une batte et des piquets chez nous. Ça n’a rien d’extraordinaire.

— Moi je dis, elle se fiche de nous cette fille ! Ce n’est pas une coïncidence. Elle en sait plus qu’elle nous le fait croire, la preuve !

— Ne recommence pas la discussion, soupira Clément. On avait dit qu’on ne l’embêterait pas avec ça, c’était entendu.

— Vous avez promis ! Moi je ne marche pas !

— Moi non plus.

Clément louvoya du côté de Bastien en riant.

— Je me disais aussi… C’est pas normal que tu demandes à rester avec nous.

— Je ne vous fais pas vraiment confiance, non plus. Mais plus qu’à elle en tout cas.

C’était instinctif, il le ressentait jusque dans ses tripes : Natacha n’était pas nette et ne lui inspirait pas confiance. Du tout. Il ne comprenait même pas pourquoi les autres s’étaient rangés aussi facilement de son côté.

— J’espère bien… On ne dissimule rien, nous !

— Vous êtes compliqués tous les deux, détermina Clément en tirant une bouffée. Pourquoi tu as ça sur le dos ?

— Oh, ce sont les affaires de Garance.

Bastien posa l’étui sur lequel Clément et Rémi posèrent le même coup d’œil écœuré.

— Il faudrait brûler ce truc, oui, grogna Rémi en faisant mine d’y jeter un coup de pied.


Bastien avait vu juste. C’était bien Alix qui jouait du violoncelle. Plus perturbée qu’elle ne le voulait le montrer, la Garance, pour se balader constamment sur les épaules le deuil de sa pote. Tu parles qu’ils ne dissimulaient rien. Mais puisqu’il n’était pas censé être au courant, il décida d’orienter la conversation sur un tout autre sujet, très magnanime.

— Vous auriez une cigarette par hasard ? J’aimerais bien commencer.

— Et puis quoi encore ? s’opposa Rémi. Ce n’est même pas dans notre contrat, alors n’y pense même pas !

Clément eut l’air désappointé.

— Cet abruti… Tu vois clairement que j’essaie d’arrêter et tu as le culot de me demander une cigarette ! Tes parents vont nous adorer s’ils apprennent qu’on t’incite à fumer.

— Ma mère serait soulagée que je sois porté sur la fumette, rétorqua Bastien. Alors ce n’est pas une bouffée qui…

— Une bouffée pour essayer... C’est ce qu’ont dû se dire un jour tous les types en phase terminale d’un cancer du poumon.

— Pas beaucoup de risque que j’aie le temps de développer un cancer du… Aïe !

— Ça, ce sera à chaque fois que tu nous sortiras un truc aussi stupide ! le menaça Rémi, rouge de colère, en lui refilant une tape sur l’arrière du crâne pour faire bonne mesure. Essaie de te rentrer un peu de plomb dans la cervelle, gamin !

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