Chapitre 17 (2/4)
* Quelques passages en anglais. Pas encore mis la traduction*
Tout était aussi plat pourtant. Claire ne voyait pas la différence. Mathieu la bouscula et la rattrapa maladroitement.
— Attention, ne va pas tomber.
— Je sais encore marcher !
Elle s’adressa à Clément qui se frottait les jambes, comme ankylosé.
— On est où ?
— Là où Garance a projeté Caitlin, Kiernan et Stephen.
— Qu’est-ce que tu attends pour nous donner une position plus précise ? Et il est où, le décor ?
— Je viens tout juste d’enregistrer les informations, laisse-moi cinq minutes ! s’agaça Clément.
— Excuse-moi si je doute mais je ne vois rien !
— Regarde un peu tes pieds, soupira Mathieu, accablé.
Claire écarquilla les yeux. Le sol se propageait par vagues en pavés tortueux. En véritable chausse-trappe pour les chevilles.
— Voilà pourquoi je voulais t’éviter de tomber. Ce serait bête de te casser le nez ici.
— Qu’est-ce que c’est que cet endroit ? bafouilla Cécile en s’esquintant le cou pour examiner les alentours.
— 5 novembre 1875, présenta sobrement Clément.
— Hein ? Vous arrivez à remonter aussi loin ?
— C’est le maximum qu’on puisse faire. On ne peut pas remonter au-delà de cette date et de cette heure-ci.
— Je suis déjà venue précisément ici. Plusieurs fois même, reporta Garance. C’est bloqué de chez bloqué. C’est pas faute d’avoir essayé. Et notre trio aussi. C’est d’ailleurs là que se trouve l’homme que Caitlin recherche.
"La nuit va tomber très rapidement. Surtout, restez bien ensemble et ne vous éloignez pas de Clément. Sinon vous vous perdrez sans repères, ajouta-t-elle, indifférente aux toits pentus qui cernaient l’étroite ruelle, rapprochés à se refermer sur eux comme une coquille solidement charpentée ; insensible au ciel qui se comblait au-dessus de leurs têtes entre les trouées, bleuté et strié de longs rubans rose bonbon acidulés.
— Une dernière chose : ici, vous ne pouvez faire usage de… Bastien ! Où vas-tu ?
Il ne pouvait supporter un tel spectacle inégal sans réagir. À la croisée de leurs rues, Bastien fonça sur la fille qui talonnait sa proie. Il la heurta, les envoyant rouler par terre. Dotée d’une force surhumaine, la fille le retourna violemment sur le dos, s’installant à califourchon sur lui sans aucune mesure.
Dans l’incapacité de pouvoir bouger un muscle, Bastien contempla les garçons qui escortait la démone rebrousser chemin pour se saisir de Florian et de Cécile dans leur course. Sans comprendre ce qui se tramait, Cécile se débattit comme une furie. Florian entama un combat perdu d’avance face à un géant qui l’immobilisa direct et enroula un bras musclé autour de son cou. Le genre d’intimidation qui marche sans trop forcer : Florian ne bougea plus. La fille eut le sourire victorieux de la partie facile. Elle brandit son poing, prête à l’abattre sur la poitrine de Bastien.
— Non, non !!! Caitlin, stop! They are with us!
À la seule vue de Clément, les deux garçons relâchèrent immédiatement leurs prises. Florian se dégagea d’un coup sec et Cécile se décala stratégiquement. Même Arthur amorça prudemment un mouvement de recul devant la silhouette massive qui avait maîtrisé Florian. Mais celle qui retenait Bastien à terre ne bougeait pas, bien qu’elle ait suspendu son geste dans une pose dramatique. Les yeux fixés sur Bastien, elle le sondait toujours dans un rictus de colère, ses lèvres retroussées. Claire émit un petit sifflement irrité à son adresse mais Caitlin prenait tout son temps.
— What’re you doing?
Le costaud commençait clairement à être tendu.
— All of ‘em ?
Elle semblait mâcher ses mots, les étirant lentement de son accent légèrement traînant et de la haine qui sourdait d’elle. Sans quitter Bastien des yeux.
— All of them, confirma Clément d’une voix ferme.
Elle ne tressaillit pas.
— He’s my best friend... tenta Mathieu en s’approchant doucement d’elle comme pour apaiser un fauve.
Caitlin exprima dans un claquement de langue toute sa désapprobation quant au choix de ses amis. Finalement, elle libéra son étreinte à regret, un dernier regard de dégoût posé sur Bastien. Elle se redressa et toisa Mathieu. Fluette, une taille fine et déliée comme une toute jeune pousse de bambou, des cheveux blond caramel attachés en couette lâche, un débardeur rouge à fines bretelles et un mini-short pour compléter sa description. Une fragilité que démentaient son visage incendiaire et ses yeux verts noyés de gris-orage.
— What the hell is wrong with your folks? Jesus, Matt, we had him, holy shit!
— Cate! Langage!
Cate/Caitlin ignora son deuxième coéquipier et poursuivit sur sa lancée, toutes griffes dehors.
— Two months! We tracked him for two months! We eventually found him! And this… jerk spoiled everything! illustra-t-elle d’un claquement de doigts vengeur proche du visage de Mathieu à l’éborgner.
— I know, I know, I’m sorry!
Mathieu avait beau être plus doué que Garance, il s’exprimait avec cet accent pitoyable propre aux Français, que les natifs de la langue trouvaient inexplicablement adorable. Mais cela ne suffit pas à dérider Caitlin.
— I’m really sorry, Caitlin, I mean it. I know this is important for you guys, but Bastien (prononcé à la française, le nom sonnait horriblement faux, tel un intrus dans la conversation), he doesn’t know all this stuff…
— For us? Dumbass! fulmina Cate. It matters to everyone, for God’ sake! And you know it! We were closer than ever but, nah! You had to bring out of nowhere this piece of… this guy!
— C’est elle qui s’est jetée sur moi, grommela Bastien, vexé et furieux.
— Shut up ! / Ferme-la ! crièrent Caitlin et Mathieu à l’unisson.
— Commence pas, vieux, approuva Florian en lui tendant la main pour l’aider à se relever.
Bastien dédaigna l’appui qui lui était proposé. Mathieu esquissa un sourire qui se refléta sur les autres visages alors que la tension retombait, sans toutefois gagner celui de Caitlin.
— Look, intervint Clément avec beaucoup plus de fluidité et d’aisance, you are mad at us and we get it. But don’t turn against Bastien or the others just because they aren’t aware of your business here. Is that clear?
Caitlin le dévisagea avec des envies de meurtre, mais elle haussa les épaules et lâcha l’affaire après quelques mots inintelligibles mais clairement réprobateurs de la part du plus grand – Stephen, comme ils l’apprendraient par la suite.
— Besides, thanks to them, we have news. And Mélissa studied it. This might interest you and support your theories.
Bien qu’elle lui oppose un visage impassible, Caitlin paraissait très intéressée par l’information, et plus encore Kiernan, un jeune homme trapu au teint bistré. Il était excité au point de sautiller sur ses jambes grêles, ravi.
— What kind of information? Hope for you this makes up for this waste, we were clearly going to get to talk to him, nuança Stephen, nettement plus contrarié.
— It does, confirma Garance en s’avançant à son tour. Clem’, je te laisse faire la traduction si je bloque, d’acc’ ?
— Vas-y.
Mathieu profita de leur petit exposé pour rabrouer Bastien.
— Mais qu’est-ce qui t’as pris de te jeter sur elle ?
— Ses potes coursaient quelqu’un, tu l’a pas vu passer devant nous ? J’ai cru qu’ils étaient des leurs, je ne pouvais pas savoir, moi.
— Ton rôle de garde du corps t’a monté à la tête ou quoi ? On vous a clairement dit que Caitlin, Kiernan et Stephen seraient là et qu’ils s’intéressaient à quelqu’un qu’ils avaient identifié.
— Ben, tu m’excuseras, ils n’avaient pas franchement l’air de vouloir lui faire la causette, là. C’était plus comme une… Qu’est-ce qu’elle a dit déjà, ah oui, une traque, tiens.
— Track. To track, c’est aussi pister. C’est ce qu’elle signifiait, dans ce contexte, corrigea Mathieu, imperturbable.
— Cela ne fait pas de grande différence pour moi, maugréa Bastien en mode mauvaise foi. Et tu as bien vu la brutalité avec laquelle elle m’a renversé, quand-même !
— Ça ressemblait plus à de la légitime défense, c’est toi qui as commencé, commenta Cécile. Tu n’y es pas allé de main morte.
— Justement. Caitlin fonce tête baissée, exactement comme toi. Crois-moi, tu as de la chance que Clément soit intervenu, elle ne t’aurait pas laissé le temps de t’expliquer.
— Et qu’est-ce qu’elle aurait pu me faire avec son petit poing hein ?
— Oh, simplement t’arracher ton petit cœur. Au sens littéral.
— Quoi ?
— Elle se dématérialise, rappela Mathieu. Et vu comme elle était partie, elle allait sans doute vérifier si tu avais un cœur. Au cas où tu serais un de vos monstres. Et si elle s’était trompée, oups, désolée, affaire classée. Tu commences à piger ?
— Ils n’ont vraiment pas de cœur ? demanda Cécile, stupéfaite.
— Qu’est-ce que j’en sais moi ?
— Bastien, toi et tes élans spontanés, grinça Arthur. C’est comme ça qu’on se retrouve toujours dans des situations impossibles.
— Mais… Mais… Si elle se dématérialise, comment a-t-elle pu me battre aussi facilement ?
— Ici, ta super-force ne marche pas, de même que la télékinésie ou l’électricité.
— Tout ce qui concerne l’attaque, quoi. Super, marmonna Florian.
— Et… Et t’aurais pas pu me refiler le tuyau avant ?
— Tu n’as pas vraiment laissé à Garance le temps de l’expliquer, riposta Claire en le frappant à l’épaule. Tant mieux, je vais pouvoir me défoncer sur toi maintenant !
Arthur avait peut-être décidé qu’il était temps de se faire la belle. Qui sait. Toujours est-il qu’il détala en s’engouffrant dans un dédale de ruelles.
— Mais qu’est-ce qu’il…
— Nom de nom de…
— Garance, reste-là, je m’en occupe ! lança Clément en se lançant à sa poursuite.
— J’espère qu’il n’est pas parti trop loin, sinon on va être mal, se lamenta Garance. Où est-il parti ? Quelqu’un a vu ?
— What’s going on? Something’s off?
— We don’t know…yet.
Le trio s’immobilisa, pris sur le fait. Stephen se raidit. Kiernan se prit à bafouiller des « chou…chou… » incompréhensibles. Bel effort de maîtrise de la langue. Caitlin roula des yeux et tira à elle la cible la plus proche. Encore concentrée sur la fuite d’Arthur, Claire ne prit conscience de la tournure des évènements que lorsqu’une espèce de bâton blanc jaillit dans son champ de vision.
— Un peu d’attention ici aussi, jeune fille !
Un authentique « gardien de la paix » en uniforme réglementaire, képi sur la tête et sobre baïonnette au flanc la réprimandait de son bâton qu’il agitait sous son nez. Sur son col s’étalait fièrement en fils dorés le matricule 213. Et pour 213, ce n’était visiblement pas son jour : même sa moustache avait envie d’aller se pieuter.
Okay… Claire s’escamota de Caitlin mais la vision ne s’estompa pas pour autant. Mais qu’est-ce qu’elle avait fichu ? Le bâton revint à la charge pour attirer son attention.
— Par ici ! C’est moi qui donne les directives. Qu’ont-ils vos trois camarades, ils ont perdu leur langue en chemin ?
Excellente question. Qu’arrivait-il à ses trois « camarades » ? Claire pivota vers Caitlin qui lui enjoignit d’un signe de tête innocent de répondre, peu importe ce qu’on lui demandait. « Ça » ne sait pas parler un mot de français, « ça » prétend se balader incognito, et dès que les ennuis se pointent, « ça » se choisit un porte-parole commis d’office ? Une belle brochette de camarades, en vérité. Qui choisissait le silence et ce n’était pas plus mal.
1875… À cette époque, il ne faisait pas bon d’être Prussien, ça c’est sûr et certain. Mais n’empêche, des citoyens britanniques… Elle ne connaissait pas vraiment le contexte des relations franco-britanniques en 1875 (moins distendues que les relations franco-allemandes, et encore, elle n’y mettrait pas sa main à couper). Ce n’était qu’une longue histoire émaillée de « je t’aime, moi non plus » et « tirez les premiers, messieurs les Français » pendant que l’on « file à l’anglaise ». Mouais… Il y avait eu pas mal d’échanges commerciaux au début du siècle, mais en 1875, elle ne savait pas situer. Où étaient les Anglais pendant la guerre de 1870, déjà ? On leur avait bien envoyé Lafayette avant, nous…
Claire n’y pouvait rien, parfois son cerveau disjonctait en pleine action et il lui arrivait de faire ce qu’il ne fallait surtout pas faire. Une fois de plus, elle regretta d’avoir pris allemand en option : manquerait plus qu’elle ne sorte un « Schade » malvenu ou quelque chose du même acabit « Ich spreche nicht Deutsch » et ils seraient bons pour la détention à vie. Au mieux. Au comble de la nervosité, elle serait même capable de débiter une tirade débile : « Achtung ! Walpurgisnacht ! »
Non. Puisque elle avait été déléguée en tant que porte-parole, elle devait se ressaisir pour ne pas bousiller la couverture de ses « camarades ». Qui ne disaient toujours rien. Enfin, oralement. Niveau gestuelle, Claire les trouvaient assez expressifs. Stephen par exemple, ne pipait mot, – les « chou… chou… » de Kiernan n’étaient pas à sa portée – mais ses yeux parlaient pour lui. Ils lançaient des éclairs à l’adresse de Caitlin, qui avait l’air de s’en moquer comme d’une guigne. Kiernan attendait la suite en transmettant à Caitlin force grimaces de plus en plus contrites, guère explicites, mais qui ne disaient rien qui vaillent.
— Nous sommes perdus, mes amis et moi. Et ils sont un peu stupides, euh lents d’esprit, se rattrapa-t-elle.
Trop tard, Cate avait l’air d’avoir compris le terme, vu qu’elle lui broya sauvagement le pied.
— Ils ne parlent pas correctement, ils préfèrent ne rien dire.
— Perdus, hein ? Ce n’est pas le son de cloches que j’ai entendu de par chez moi.
« Plait-il ? »
— Eh bien…
— Savez-vous le nombre de rapports qu’on a comptabilisé sur vos compères à l’activité fort suspecte dans le secteur rien que pour aujourd’hui, idiots du village ou non ? S’ils ne peuvent s’exprimer, c’est à vous de me fournir une explication convaincante dans ce cas.
Et voilà. Ils étaient grillés. Claire traduisit en découpant chacune de ses syllabes comme si ils étaient réellement des imbéciles. Elle n’était pas loin du compte.
— C’est. De. Votre. Faute.
La signification étant quasiment similaire, ils en comprirent l’essentiel. Elle l’espérait vivement.
— J’ai bien peur que cela ne suffise pas. Vous allez me suivre tous les quatre.
— Nous ?
Ah non, alors ! Claire préférait se déresponsabiliser sur Clément. Ou sur Mathieu, même.
Mathieu avait ceinturé Bastien qui ruait des fers pour essayer de la rejoindre.
— Laissez-la partir ! vociférait Bastien à l’adresse de Caitlin.
Garance faisait barrage à Cécile et Florian pour les dissuader d’en faire de même.
— Claire, attends-nous, d’accord ? Ne t’inquiète de rien ! cria Cécile. Curieusement désespérée.
— Mais qu’est-ce qui se passe ?
Garance s’avança vers elle, sombre. Elle tendit le bras qui traversa l’épaule de Claire, dénuée de consistance. Claire s’était muée en brume. Elle se retrouvait prisonnière, dans la réalité du miroir. Garance affronta Caitlin dans une colère froide. Sans se démonter, Caitlin s’empara de Claire, comme pour s’assurer de son passe-droit qu’elle n’avait pas l’intention de relâcher. Et ce défi silencieux scella un pacte indicible. Garance secoua la tête mais recula tandis que Caitlin poussait Claire au-devant d’elle, à la suite contrainte et forcée du sergent.
— Comment as-tu pu oser, Cate ? lui reprocha Mathieu quand elle passa devant eux, fière et altière. Elle ne se donna pas la peine de les regarder. Claire en revanche, leur catapulta un signal de détresse sans équivoque que Mathieu ne pouvait intercepter sans intervenir.
— Cela ne va pas durer, ils n’auront pas le temps de vous mener au poste pour vous interroger. Dès que tout s’effacera, ne bouge pas de là où tu te trouves. On viendra te chercher !
Elle acquiesça, mais c’était sur son frère qu’elle s’attardait alors qu’on l’éloignait. Bastien qui ne luttait plus, mais qui la dévisageait avidement, tout suffocant. Claire se détourna. De dos, sa silhouette pleurait comme une gamine chétive. Florian craqua.
— Claire !
Elle se retourna. Elle tentait si fort de contenir ses larmes dans ses joues gonflées.
— Montre-leur à quel point tu peux être insolente. Tiens-bon, le temps qu’on arrive.
Claire aurait bien aimé prononcer une phrase héroïque, affirmer qu’il n’y avait pas de quoi fouetter un chat, surtout si c’était temporaire. Mais Claire n’avait que 14 ans et comme tout le monde ne pouvait être un héros, elle se contenta d’un simple : « Je vous attends ». Parfois, le véritable héroïsme consiste simplement à prononcer ces mots sans trembler ni verser une larme.
— Ils ne vont pas lui faire du mal, répéta Mathieu. Ils n’iront pas loin sans Clem’ dans les parages. Ce n’est qu’une question de secondes.
— Qu’a-t-elle fait, cette vipère ? cracha Bastien, pitoyable.
— Son pouvoir l’ancre dans cette réalité ainsi que toute personne qu’elle intègre avec elle, comme Kiernan et Stephen. Mais le problème, c’est que ça les rend visible aux habitants. Elle a utilisé Claire pour lui servir d’interprète, c’est tout.
— C’est tout ? Elle utilise ma sœur comme un vulgaire bouclier, putain !
— Arrête de gueuler ! Dès que Caitlin me donne leur signalement, on file la récupérer, et on récupère Arthur et Clément par la même occasion, lui promit Garance.
— Quand bien-même, Bastien n’a pas tort. Ils auraient pu la lâcher. Pourquoi s’est-elle entêtée à la garder près d’elle si tout allait disparaître ?! Il leur aurait suffi de patienter un peu !
Cécile était déchaînée. En rage contre ce lieu qui s’appropriait ses amis un à un. Arthur avait disparu, aux abonnés absents, et Claire avait été réquisitionnée. Superbe travail de gardes du corps qu’ils avaient accompli ! Pour la réconforter, Florian lui glissa dans le dos une main rapide qu’elle ne perçut pas, tout à son courroux.
— Elle aurait dû la libérer, admit Mathieu. Je ne sais pas pourquoi elle a fait cela.
— Moi je sais très bien pourquoi.
Garance paraissait très calme. Et très abattue. Derrière elle, les maisons, les pavés, les portes cochères et les chasse-roues, les toits pentus et les fenêtres gondolées s’effritaient et sombraient dans le néant, retombant tout à tour dans l’oubli. L’ensemble de fin du monde en toile de fond conférait une touche théâtrale à la déclaration solennelle de Garance, certaine de ce qu’elle avançait. Elle souleva ses pieds, un à un, pour laisser le revêtement s’effacer sous ses pas. Rien ne semblait l’atteindre.
— Elle s’en sert comme otage. Cela ne doit pas plaire à Kiernan. Encore moins à Stephen.
*
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