Chapitre 20 : Esprit d'équipe

7 minutes de lecture

« Le ranger : Nous arrivons à une intersection et trois choix s’offrent à nous.

Il faut décider d’une direction à prendre.

(Tous en même temps) :

L’elfe : — À droite

Le nain : — Tout droit

La sorcière : — À gauche

Le voleur : — En arrière.

Le ranger : — Bon d’accord, je vais décider tout seul. On va à droite.

La sorcière : — C’est noté.

Le nain : — Je suis pas d’accord, tu as choisi la direction de l’elfe.

L’elfe : — Nananèreuh

Le nain : — J’irai pas à droite.

(Baffe monumentale en bruitage)

Le nain : — Ok, on va à droite.»

Le Donjon de Naheulbeuk (Saison 1, épisode 2), John Lang (2001)

— Je dois reconnaître qu’il avait vraiment assuré. Ce n’était pas la mer à boire.

— Sûrement pas aussi compliqué que de parler de votre père, ironisa Mathieu qui ne décolérait pas. Vous n’aviez fait aucun effort, vous.

— C’est bon, tu ne vas pas nous la refaire. Tu es content d’avoir repris contact avec Chloé, oui ou non ?

Mathieu ne précisa pas qu’ils avaient repris contact à leurs corps défendant. Par la faute de Florian qui avait voulu jouer les entremetteurs par procuration. Ils l’avaient détesté pour cela. Un peu. Bon d’accord, beaucoup. C’était encore étrange avec Chloé, mais cela s’atténuait. Au point qu’ils s’étaient quittés sur de bons termes avant son départ sur Paris. Sans certitude sur la fragilité ténue de cette relation longue distance.

Clément jeta un regard à la ronde pour examiner les mines renfrognées des uns et la morosité distraite chez les autres. Pas grand-monde les écoutait. Était-ce la proximité de la rentrée qui les mettait dans un tel état ? Ou alors les trop grandes avancées de cet été avaient replié leur moral en berne.

— On va se distraire un peu, les gars. Qui est partant pour une partie de laser green ce weekend ?

— On non, marmotta Léane. Il va nous ressortir son couplet sur la nécessité de renforcer la cohésion au sein de l’équipe.

— Donne-moi une heure exacte pour que je m’invente une course pile à cette heure-là, dit Lucas.

— Qui a dit qu’un laser game renforçait la cohésion ? Je n’ai jamais rien entendu de plus foireux. Et puis quelle équipe ?

— Un laser green. Un laser game en pleine nature, à la base. Et oui, le laser green renforce la cohésion, c’est prouvé. C’est très en vogue si vous voulez le savoir. Mon oncle a des tonnes de réservations de la part des entreprises pour leurs salariés dans cette optique. Ils peuvent même y jouer dans leurs locaux.

— J’imagine bien. « La bonne excuse pour se la couler douce au bureau ». L’excuse du siècle. Mais évidemment, c’est moins flashy comme argument de vente.

Clément feignit de décapiter Bastien. On ne pouvait dire que l’offre remportait un franc succès. En fait, seul Thomas était partant.

— La dernière fois vous avez triché, accusa Mathieu.

— Pas du tout, on a gagné dans les règles ! se défendit Lucas, offensé.

— Excuse-moi ? Te téléporter derrière nos lignes pour nous dégommer dans les cinq dernières minutes, tu appelles cela du fair-play ?

— C’était une stratégie comme une autre.

— C’est de la triche. Vous aviez truqué le jeu.

— Personne n’avait précisé qu’on n’avait pas le droit, rappela Mélissa.

— Mais c’était évident !

— Selon les règles de qui ?

— C’est marrant comme jeu, jubila Thomas, définitivement conquis par cette version. Vous ne voulez pas prendre votre revanche ? demanda-t-il pour rajouter de l’huile sur le feu.

— Faites un petit geste avant que Garance ne reparte, les mecs. Il y a des nouveaux maintenant, renchérit Clément.

— Ne vous dérangez pas pour moi, je passe mon tout, tint à signaler Cécile.

— Pareil, la rejoignit Florian.

— Ne me dis pas que tu me comprends dans le compte, s’agaça Lucas.

— Toi ou Natacha, peu importe.

— Natacha ? Parce que Natacha fait partie de l’équipe à vos yeux ?

— Jusqu’à ce que tu fasses tout rater, oui, appuya Florian.

— Elle en avait surtout sa claque de nous. Moi, je n’ai rien contre, mais c’est elle que vous allez devoir convaincre.

— Et Rémi aussi. On ne peut pas dire qu’il soit d’humeur festive.

— Merci du rappel, s’assombrit Clément. Vous êtes pas cool, tout le monde a le droit d’avoir des bas.

— On a été suffisamment patients. Il va nous faire une dépression !

Mélissa et Clément se regardèrent, puis regardèrent Lucas. Rappelé à ses devoirs, le jeune homme soupira.

— C’est bon, je vais lui parler. En attendant, organisez votre partie mais n’obligez personne à participer. C’est un jeu, pas une corvée.

— Et si on se retrouve en nombre impair ? Tu ne veux pas qu’on t’inclue sur la liste ? En tant que remplaçant ?

— Pourquoi ne pas intégrer Ninon également sur cette liste, ricana un petit malin. Elle aussi fait partie de l’équipe. Pas vrai Mat’ ?

Mathieu était prêt à balancer des gifles.

— Du calme, Roméo, tu vas défriser, se moqua Lucas. Et ne lancez pas les inscriptions avant d’avoir eu l’avis de notre trio.

— C’est mort de ce côté, confia Garance. Caitlin ne nous fait plus confiance.

— Je la comprends, elle est partie sur de très mauvaises bases avec sa propre équipe.

— Tu es lourd, arrête tes salades ! C’est bien le problème, personne ne fait confiance à personne.

— Traduction : « surtout pas vous, les nouveaux », n’est-ce pas ? tempêta Bastien.

Lucas était ulcéré de son interprétation.

— Tu vois, c’est exactement ce que je veux dire ! Bonjour l’esprit d’équipe !

— Ça te va bien de dire ça, critiqua Thomas.

— Ok, c’est bon. C’est en effet une excellente idée de la faire, cette partie, conclut Mathieu en se rangeant du côté de Clément.

— Je vais en parler à Stephen. Ils pourraient peut-être persuader Caitlin, poursuivit Mélissa.

— Persuader. Pas forcer.

— J’ai compris.

— Vous comptez les faire venir pour un seul weekend ? Et leur alibi, ce sera quoi ?

— L’avantage d’être majeur et vacciné, c’est que tout le monde se moque de l’endroit où tu te trouves ou ce que tu fiches de tes weekends du moment que tu réapparais sur les radars de temps en temps.

— Je préviens mon oncle, alors ? Histoire d’être certains d’avoir un créneau.

Ils stoppèrent leur organisation interne pour fixer Clément.

— Félicitations. Tu as réussi à nous embobiner avec ton truc d’équipe, admit Florian, un rien blessé dans son amour-propre.

— Très vendeur, le slogan, concéda finalement Bastien, bon joueur.




— Je suis ridicule avec ce bandeau sur la tête ! Je ne suis pas le cobaye d’une expérience Frankenstein !

— Ce sont des capteurs. Pour indiquer quand tu es touchée. Tu vois les diodes lumineuses ? C’est ici qu’il faut viser.

C’était le premier jeu que Claire rencontrait où il fallait délibérément viser la tête pour gagner. Pas vraiment le type de règles qu’on lui avait enseigné.

— Il te va très bien ce bandeau, la rassura Cécile.

— Tu ressembles à un petit lutin, tiens, la chambra Mathieu sans tenir compte de son regard noir.

— Sauf que les lutins savent se fondre dans leur environnement, eux.

On ne pouvait en dire autant de Claire. Elle s’était affublée d’un haut rouge criard qui lui avait valu pas mal de moqueries.

— Elle n’a visiblement pas compris le concept du jeu. Il faut l’excuser, c’est sa première fois, sourit Mathieu, un rien condescendant.

— Ce n’est pas un jeu ! se cabra Claire, le visage d’un carmin encore plus cru que son T-shirt.

— Et c’est quoi, alors ?

— « C’est un entraînement », acta-t-elle.

Elle braqua son arme sur lui. Visa la tête. Bang, articula-t-elle silencieusement, ses yeux dans les siens.

— Qu’est-ce qu’elle raconte ? rigola Florian.

Mathieu tressaillit, touché.

— Ne me dis pas que tu m’en veux encore !

— Je n’oublie jamais, moi.

— À ce point ? C’est du délire !

— C’est quoi l’embrouille ?

— C’est entre lui et moi. L’important, c’est qu’il ait compris.

Claire tapota son pistolet laser.

— Surveille tes arrières. Je ne te raterai pas.

Mathieu se tenait le front avec l’air de se questionner sur son karma.

— Si cela t’amuse, Clarinette.

Plus loin, Arthur vérifiait son équipement. Avec des airs de connaisseur. Il avait également opté pour le pistolet, beaucoup plus léger et maniable que le fusil d’assaut.

— […] et avec ça, je vais pouvoir me faire la main beaucoup plus rapidement, expliquait-il en soupesant son arsenal. Peu convaincue par ce qu’il avançait, Garance le regardait épauler et traquer les alentours à travers le viseur.

— Je ne vois pas en quoi cela serait plus efficace, dit-elle, lèvres pincées.

— Bien plus efficace, navrée de te décevoir. Et beaucoup plus cool aussi.

— Qu’est-ce qui pourrait être plus cool que mon épée ? se rebiffa Garance.

— Moi je sais, rit Natacha.

— Exactement, lui sourit Arthur, complice. Dans le même style. Mais en plus guerrier.

— Je vois le genre. Une arbalète, ça déchire grave.

— Elle ne vaut pas mon épée !

— Je te parie que si !

— Il faudrait déjà que tu apprennes à viser.

— Attends de voir la fin de la partie pour en juger.


— Pourquoi je ne peux pas prendre un sniper ? râlait Thomas auprès de Clément qui déchargeait le camion.

— Ce n’est ni pour les gamins, ni pour les excités. Dommage pour toi, tu appartiens aux deux catégories. Bas les pattes ! sermonna-t-il d’une tape sur les doigts qui se tendaient vers l’arme convoitée.

Il jeta un coup d’œil par la fenêtre. Tant pis pour lui.

— Rassemblez-vous autour de moi, je vais donner les consignes ! Quand vous êtes touchés, levez le bras pour le signaler. Vous aurez 20 à 30 secondes d’immunité pour aller vous planquer ailleurs. Lorsque vous êtes éliminés, vous revenez ici. Et que ce soit clair, personne, j’ai bien dit personne, n’essaie de tricher ou ce sera sa fête ! Ok, on ne prend pas les dossards, trop voyants.

— Zut, Claire, tu vas devenir la cible numéro 1 alors.

— Imbéciles…

— Pour corser le jeu, je vous donne donc des brassards à la place. Ça vous obligera à réfléchir à deux fois avant de tirer sur votre équipe.

— Certains n’ont pas ce genre de scrupules. Bastien est un très bon exemple.

— Je vais vous défoncer ! promit Bastien.

Kiernan qui comprenait le français beaucoup mieux qu’il ne voulait le montrer ne se donna pas la peine de transposer les nombreuses déclarations d’amour échangées dans ce prélude. Caitlin se tenait à l’écart. En rogne, déjà, mais bien là. Ce laser-green ne renforcerait pas son esprit d’équipe, mais aiguiserait à coup sûr son esprit de compétition.

Au signal, ils s’éparpillèrent dans toute la forêt.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Cagou0975 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0