CHAPITRE 4 - En post-scriptum
Retour en arrière - Septembre 2014
D'abord hospitalisée dans la clinique du docteur Claude Seigneurin, Caroline Martin avait été transférée deux mois auparavant, dans l'établissement du professeur Bernard spécialisé dans le comportement et le mode de fonctionnement des pervers narcissiques.
Bien que faible et en grève de la faim depuis plusieurs semaines, Caroline était résolue à mener bataille jusqu'au bout... Souffre-douleur d'un pervers narcissique, elle luttait pour que " les tueurs psychologiques ", comme elle les nommait, soient pénalement condamnés. Dans sa stratégie de communication, elle se disait prête à sacrifier sa vie pour que leurs actes ignobles soient enfin requalifiés de criminels, et pour que les articles de lois sur le harcèlement moral, modifiés en 2014, soient légitimement appliqués [[1]].
Depuis le début, les choses étaient claires !
À son arrivée dans la clinique, Caroline Martin avait signifié au personnel soignant qu'elle ne s'alimenterait plus et qu'à part de l'eau du robinet, elle refuserait toutes autres boissons, tous médicaments et toute supplémentation par voie orale ou par intraveineuse. Et cela, tant que ses frères et sœurs d'infortune n'auraient pas obtenu gain de cause. Elle disait se battre pour qu'aux yeux de la loi française et de la société, les hommes et les femmes qu'on avait abusés, brisés et détruits jour après jour, obtiennent un statut de victimes. Et pour qu'en réparation des torts subis, on leur octroie des moyens pour se reconstruire et reprendre confiance en eux.
Tel était son combat !
De par son sacrifice, la jeune femme se faisait le porte-drapeau de ceux et celles qui avaient été, ou étaient encore, le jouet d’un pervers narcissique. Qui à court, moyen ou long terme, avaient perdu ou perdraient inéluctablement leur identité, leurs repères et l'estime d'eux-mêmes. Ceux et celles dont l'âme, et parfois même le corps, étaient cassés... broyés... anéantis... dévastés... Ceux et celles qui se retrouvaient en grande souffrance morale et passaient souvent par la case " Grosse dépression “. Ceux et celles qui, au sortir de ces relations destructrices, tentaient de remonter la pente et qui, telles des bêtes blessées, tentaient de soigner leurs blessures. Ceux et celles qui, prisonniers de leur bourreau, choisissaient quelquefois le suicide pour échapper à leurs tourments, quand le coup de trop ne les avaient pas déjà laissés sur le carreau. Ceux et celles qui, ayant fui leur tortionnaire, se retrouvaient sans personne autour d'eux pour les aider et les relever.
Étant donné que la plupart du temps, ce crime à petit feu se déroulait en vase clos et à l'insu de tous ; par son action extrême, Caroline étalait ses revendications à la vue et au sus de tout le monde. Elle révélait à haute voix ce que chacun taisait soit par peur, soit par ignorance, soit par confort, soit par indifférence ou égoïsme.
Avant son transfert de l'hôpital à la clinique, la jeune femme avait méticuleusement retranscrit ses doléances sur un calepin et exigé que celui-ci soit remis au professeur Bernard sous pli cacheté. Au vu de sa détermination, le carnet de protestations avait donc été remis à l'éminent spécialiste, qui fort intéressé par les revendications de sa future patiente, en avait pris rapidement connaissance.
Dès la première page, Caroline avait écrit " Souhaiter que les violences psychologiques et physiques au sein du couple, instiguées par des PN, soient encadrées par des textes de Loi spécifiques et précis. Des textes notifiant qu’en contrepartie des dommages subis, les victimes d’abus obtiennent réparation ". De plus, tout comme les pervers sexuels, elle voulait qu’il y ait " Jugement des abuseurs, obligation de soins et de traitement, puis mise à l’écart de la société selon la gravité des faits ".
Ayant été elle-même la proie d'un conjoint manipulateur, la jeune femme avait choisi de se battre pour stopper le massacre, quitte à y laisser la vie.
Ainsi, elle avait noté sur un carnet en lettres épaisses " Vouloir défendre cette cause encore taboue et injustement ignorée " ;" Souhaitait que sa mort en direct fasse jurisprudence et que la voix des victimes (jusque là honteuses et silencieuses), soit enfin entendue ". En prime, elle demandait " des campagnes de prévention pour les victimes potentielles ". Des victimes incomprises et abandonnées de tous. Des victimes dont on sous-estimait la douleur. Des victimes, peu ou mal soutenues par la justice française. Des victimes désarmées et démunies, incapables d'apporter des preuves matérielles de leur martyr.
Sur une page, Caroline avait griffonné au feutre rouge que " Le monde marche sur la tête et je ne vois pas comment les victimes peuvent justifier d’une violence invisible à l’œil nu ? Une violence quotidienne dont les murs du foyer sont et restent les seuls témoins ?"
Sans preuve, pas de preuves...
De ressources et d'idées, Caroline n'en manquait pas. Dans le but d'aider les politiques et les législateurs, elle avait fait des suggestions. Sur ses feuilles quadrillées, elle avait consciencieusement inscrit que " Le certificat prénuptial n’étant plus obligatoire, il serait bien qu'existe un fichier de santé obligatoire à se fournir entre époux". Elle avait même précisé" Un fichier sur lequel les maladies chroniques, psychologiques, physiologiques et mentales des futurs époux, seraient notées ". En quelque sorte, elle proposait un carnet de santé spécifique et assorti d'une partie judiciaire où seraient consignées les éventuelles mains courantes ou dépôts de plaintes concernant la personne avec laquelle on partagerait sa vie.
" EN EFFET ", avait-elle marqué en gros caractères " AU NOM DE LA LIBERTÉ DE CHACUN ET DU SECRET PROFESSIONNEL, ON LAISSE DES HOMMES ET DES FEMMES CONTRACTER UN MARIAGE EN LEUR CACHANT DES ÉLÉMENTS ESSENTIELS À LA PRISE DE DÉCISION !". À la suite, souligné en rouge, Caroline Martine avait rajouté" C’EST HONTEUX ! C'EST SCANDALEUX ! OU EST L’ASSISTANCE À PERSONNE EN DANGER EN CAS D’UNION AVEC UN PERVERS, UN MALADE OU UN DÉTRAQUÉ ? ET LES CONSÉQUENCES SUR LES ENFANTS ? DE TOUTE FAÇON, DANS UN PAYS, OU LES PÉDOPHILES ET LES VIOLEURS RÉCIDIVENT ET ÉVOLUENT EN TOUTE TRANQUILLITÉ, LA PROTECTION DU CITOYEN N'EST ABSOLUMENT PAS ASSURÉE ! !"
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[1] Article 222-33-2 - Modifié par LOI n°2014-873 du 4 août 2014 - art. 40 - Le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende.
Article 222-33-2-1 - Modifié par LOI n°2014-873 du 4 août 2014 - art. 40 - Le fait de harceler son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ont entraîné aucune incapacité de travail et de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende lorsqu'ils ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours. Les mêmes peines sont encourues lorsque cette infraction est commise par un ancien conjoint ou un ancien concubin de la victime, ou un ancien partenaire lié à cette dernière par un pacte civil de solidarité.
Article 222-33-2-2 - Créé par LOI n°2014-873 du 4 août 2014 - art. 41 - Le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ont entraîné aucune incapacité de travail. Les faits mentionnés au premier alinéa sont punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende :
1° Lorsqu'ils ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours ;
2° Lorsqu'ils ont été commis sur un mineur de quinze ans ;
3° Lorsqu'ils ont été commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;
4° Lorsqu'ils ont été commis par l'utilisation d'un service de communication au public en ligne. Les faits mentionnés au premier alinéa sont punis de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende lorsqu'ils sont commis dans deux des circonstances mentionnées aux 1° à 4°.
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