1.2 Prologue
Nous sommes dans une paisible ville de campagne, aux hautes bâtisses enchevêtrées. Un lieu semblable à des centaines d'autres. Les maisons aux crépis colorés et aux toits pentus d'ardoises noires forment un décor contrasté, digne de ces lieux d'apparence paisible.
Deux silhouettes se déplacent à grande vitesse sur les toits des maisons. Elles courent à vive allure, volant presque d'un toit à l'autre. Une femme au visage ridé, cheveux blancs en chignon et à la silhouette athlétique, semble fuir sa poursuivante. Une adolescente, dix-huit ans tout au plus, aux cheveux de jais en nattes serrées, est à sa suite, l'air agressif. Toutes les deux foncent, un long sabre effilé et tranchant à la main.
Quand la jeune fille rattrape son aînée, un combat d'une rare violence et d'une incroyable rapidité s'engage. Des éclairs fusent quand les deux lames métalliques s'entrechoquent. Bondissant avec une agilité incroyable, les deux panthères courent et sautent de sommets d'ardoises noires en ensemble de tuiles rouges. Tels des chats, elles ont un formidable équilibre et leurs déplacements sont souples et agiles à plus de dix mètres de haut.
Se retournant par instants, la vieille femme se défend contre les coups de lames acérés que lui lance la gamine. Les deux silhouettes féminines sont l'une en face de l'autre. À quelques centimètres, leurs sabres entre elles, les félines créatures se défient du regard et soufflent. Les coups pleuvent, les femmes ne se font pas de quartier. Leur rage réciproque provoque des chutes de tuiles et des bruits métalliques quand les sabres s'entrechoquent. C'est un numéro d'équilibriste mortel.
Une jeune femme, au crâne rasé, petite et très maigre, tente de grimper à une gouttière pour rejoindre les deux tigresses. Elle fait son possible pour les rattraper et peine à maintenir son équilibre sur les toits pentus, plus de cent mètres derrière elles. Sa silhouette décharnée et sa bouche sanglante lui donne une allure de guépard en plein repas.
Au sol, un attroupement hétéroclite de femmes soldats armées, de jeunes filles et d'hommes les suit en courant. Les soldates semblent perdues, ne sachant que faire. Elles ne veulent pas prendre le risque de blesser qui que ce soit en tirant. En panique, les militaires assistent de leur mieux la course poursuite.
— POURQUOI ? POURQUOI tu te retournes contre moi ? Je t'ai formée moi-même. Je t'ai tout appris. Pour que tu me succèdes un jour. Tu étais la seule digne et apte à cette tâche. Tu aurais tout eu.
— VA TE FAIRE VOIR, SALOPE! Je ne serai jamais un monstre comme toi. Je t'ai toujours haïe. J'ai toujours voulu protéger la vie. Faire imploser ce merdier. Depuis toute petite. Je suis prête à mourir pour te détruire.
Les deux femmes continuent à se battre avec violence. C'est un duel à mort. Les sabres se percutent avec une telle rage qu'ils font crépiter des petites étincelles. Des crissements métalliques font grincer les dents des spectateurs. Les machoîres des fauves sont serrées, ne s'ouvrant que pour respirer et s'injurier.
— Tu es la seule que j'ai aimée. La seule qui est comme moi. Tu me ressembles. Plus que tu ne le crois. Tu es unique, la meilleure qui n'ait jamais existée. Tes gènes sont parfaits.
— Tu n'aimes que toi. Je n'ai été qu'un jouet entre tes mains. Je ne suis pas comme toi. Je suis pire que toi. Parce que je n'ai aucune raison de continuer à vivre dans ce monde. Je te tuerai de mes propres mains comme tu as tué tes filles. Pour venger tous ceux que tu as opprimés.
La vieille femme fait un croche-patte à la plus jeune qui tombe. Un homme au sol pousse un cri. L'adolescente parvient à attraper le vêtement de son aînée et l'entraîne dans sa dégringolade. Elles glissent le long des tuiles puis du mur sans pouvoir se rattraper. Ceux à terre et la demoiselle au crâne rasé assistent à leurs chutes sans pouvoir les aider de quelque manière que ce soit.
Les deux tigresses atterrissent dans le fleuve après une glissade de plus de dix mètres de haut et disparaissent sous l'eau.
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