État 34, An 3196

Six ans. Six ans que vendredi a fui. Avec la mère de ses deux fils et quelques autres femmes qui sont incapables de se séparer de leurs mioches, ils ont fondé un mouvement de résistance envers moi et les autres Alphas. Ils volent quelques voitures, bijoux et autres affaires insignifiantes. Ce qui est plus gênant est la récupération de reproducteurs et de Zêtas domestiques. Leur mouvement est encore balbutiant. Tout se fait dans le calme et la non-violence. C'est écœurant.

Malgré cela, je ne parviens pas à le retrouver. Mon réseau d'espionnes qui commence à être très bien placé, peine à me fournir des informations fraîches. J'arrive toujours trop tard. Lui et les autres rebelles ont déjà fui les lieux depuis longtemps à chaque fois.

Vendredi est malin et sait bien se cacher. Il se fait aussi invisible que possible et je ne trouve que des planques vides, inhabitées depuis des mois. J'ai beaucoup de retard dans mes sources d'informations. Je dois trouver le moyen de me rapprocher de lui davantage.

Le mouvement rebelle prend de l'ampleur. Il est vrai que je n'incite pas au calme. Ma dernière invention, les bracelets et collier de contrôle sans mousse d'adoucissement, remportent un succès fou chez toutes les dresseuses de mâles en goguette. Les blessures qu'ils entraînent naturellement sans même d'électrocution sont une source de joie. De plus, le contact direct peau électrodes permet une décharge plus importante et douloureuse. Cependant, cette nouvelle source de souffrance excite aussi la colère de ces animaux et le mouvement de rébellion croit peu à peu.

Je milite en ce moment auprès de Suprême Déborah pour avoir le droit de faire poser une ou plusieurs entraves au moins sur les Zêtas domestiques. Bien qu'elle soit encore traumatisée par ce qui est arrivé à Gwendoline et que les interventions des rebelles renforcent mes dires, la Suprême ne daigne pas m'accorder ce petit plaisir. Elle se refuse à entraver les femmes.

Je ne comprends pas cette faiblesse. Les Zêtas sont des abominations qui ne méritent pas le terme d'humaine. Leurs faibles potentiels indiquent une stupidité sans borne ou un taux de mutations ancestrales important. Elles ne méritent pas une vie digne comme les vraies femmes. Comment voulez-vous améliorer un génome avec de tels déchets ? S'il n'en tenait qu'à moi, ces animaux seraient sous contrôle dès la naissance.

Maman tente de me convaincre d'avoir un second enfant. Je viens de perdre un reproducteur en tentant d'obtenir du sperme et de me faire féconder via ma méthode médicale. L'homme a tenté de fuir il y a deux ans, mais je l'ai rattrapé. Pour le punir, j'ai décidé de me servir de lui comme cobaye bien qu'il soit mon seul reproducteur. Tiens encore une ânerie de Déborah. Passé trente ans, les Alphas n'ont plus droit qu'à un seul reproducteur à la fois. Vu le tollé, je pense que cette mesure va vite être arrêtée.

Avec ma Delta médecin, nous avons expérimenté différentes méthodes pour tenter d'obtenir du sperme. Nous arrivons à les faire bander mais pas éjaculer. Aucune de nos tentatives n'a remporté un grand succès. La dernière en date est cependant prometteuse. Nous avons utilisé différents cocktails de drogues hallucinogènes et une jeune Zêta aux formes alléchantes pour ces animaux de mâles. J'ai obtenu un échantillon de semence que je vais me faire implanter dans quelques jours. Ce débile de mâle n'a pas trouvé mieux que de se suicider. La pénurie est telle que je dois attendre quelques mois avant d'obtenir un nouveau reproducteur. Peu importe, si je ne tombe pas enceinte, je lui ferais subir le même sort dès son arrivée. J'ai besoin de semence masculine pour satisfaire Maman.

Si cela fonctionne, je permettrai à Célia de tenter ma méthode. Je sais à quel point Maman est capable de mettre la pression sur ses filles. J'ai cru comprendre que de ces trois petites filles, une seule lui donnait satisfaction. Je me demande de laquelle il s'agit. Sûrement la fille de Clara, l'éternelle chouchoute. Maman veut d'autres petites filles, malheureusement pour elle, ses filles commencent à être vieilles et n'ont aucune envie de grossesse en ce moment. Maman vieillit elle-aussi et je crains qu'elle ne puisse pas me voir sur le trône de son vivant. Pourtant, notre plan de renversement du gouvernement est en bonne voie. Nos troupes augmentent peu à peu.

Je suis heureuse. Je viens d'apprendre deux bonnes nouvelles. Demain, je vais recevoir mon nouveau mâle, un jeune individu en pleine forme de dix-sept ans qui devrait être très fertile. L'autre source de joie est encore plus grande. Je suis enfin parvenue à capturer l'un des fils de vendredi et on me l'amène. Il a seize ans. Je vais tout les deux les soumettre à ma méthode récupération de sperme. Le fils va payer pour le père.

Quand les deux garçons arrivent, je scrute attentivement l'enfant de vendredi. Son fils est vraiment son portrait caché. Le même visage d'ange, les mêmes yeux noirs expressifs et la même carrure sportive. Je me mets à trembler en le voyant et je dois m'enfuir pour pleurer. Je fais mettre cela sur le compte d'une grossesse débutante. Toutefois, je me rends compte que je suis incapable de torturer ce garçon, il ressemble trop à vendredi et cela me bloque.

J'ai une autre idée. Ma petite amie Delta au corps d'ébène a une fille tout juste majeure. Le potentiel du fils de vendredi est haut. La jeune fille m'est totalement dévouée et un brin nymphomane. Je vais donc réduire le fils de vendredi au statut de vulgaire reproducteur et offrir à cette jeune fille si désirable un très beau cadeau d'anniversaire avec un joli ruban en cuir autour du cou.

Je sais qu'elle va traiter comme il faut ce jeune homme et en tirer toute la semence possible. Vendredi sera désespéré de savoir que son fils est devenu un esclave. Ce sera sa punition pour m'avoir trahie et abandonnée. Si le père m'était resté fidèle, j'aurais pu faire preuve de compassion envers junior. Là, le fils va devenir un joujou entre les cuisses de cette jeune fille si prometteuse.

Satisfaite, je conduis le jeune adolescent à sa promise qui sautille de joie puis je dépose mon nouveau reproducteur au couloir qui lui servira de demeure jusqu'à la fin de sa vie. Il y sera enchaîné quand il ne sera pas en train de nous fournir. La Zêta qui m'a servie pour son prédécesseur est enfermée dans la cave. Je l'ai bâillonnée pour ne pas entendre ses cris et ses pleurs.

Je dois rejoindre Sophie pour une réunion. Mon amie est enfin devenue vice-Suprême et m'autorise quelques passe-droits dans le dos de Déborah. Son aînée lui cause bien du souci. Déborah lui a appris des sentiments horribles comme la compassion et la bienveillance. Sophie est désespérée.

Nous allons tenter de lui apprendre comment une future Alpha doit se comporter. Pour cela, nous allons utiliser un des reproducteurs de Sophie. Je vais utiliser mon statut de marraine et montrer à la petite comment il faut procéder pour rendre les coups de fouets efficaces.

J'emmène donc ma filleule en promenade avec le mâle. Nous allons dans un coin tranquille où personne n'entendra les cris de la bête. Je fais comprendre alors à la chère enfant que Déborah se trompe et qu'elle est bien trop faible. Nous risquons d'avoir des soucis avec une telle utopiste à notre tête. Je lui détaille toutes les cruautés passées de ces félons de mâles, puis lui fait une démonstration de correction.

Ma filleule se met à hurler et se place entre la bestiole et mon fouet. Elle m'ordonne d'arrêter. J'ai beau lui ré expliquer les choses, elle ne daigne pas comprendre la monstruosité des mâles et veut protéger celui à terre. La jeune fille me hurle dessus, me traitant de folle.

Rien à faire. L'enfant refuse de m'obéir et de toucher à un seul cheveu de l'être répugnant qui tremble au sol. Encore pire, elle intercepte un de mes coups en protégeant cette saleté de mâle. Sophie va m'en vouloir si elle voit sa fille avec une balafre. Je tente de raisonner la fillette qui ne m'écoute pas.

Sabrina cherche à me prendre le fouet des mains et vocifère à mon encontre. Elle montre un caractère bien trempé comme sa mère et une volonté inflexible. Malheureusement, elle a été contaminée par les inepties de Déborah et son discours empreint de bienveillance me donne envie de gerber. Sabrina condamne mes agissements et ceux de sa propre mère.

J'ai honte de ma filleule et je lui fais savoir combien elle ridiculise Sophie par son comportement stupide et déplacé. Je réalise que la jeune fille a l'intention de se comporter de façon similaire à Déborah dans son futur État et qu'elle risque d'être une entrave pour mon plan de renversement. Elle serait capable de retourner sa mère contre moi cette petite furie. Soudain, elle a une parole malheureuse. Elle ose insinuer que Déborah a l'intention de me prendre mon État aux résultats en chute libre pour lui confier, elle la jeune fille si prometteuse.

Ça en est trop. Je saisis par le bras ma filleule et la ramène chez sa mère qui ne comprend pas pourquoi je suis si furieuse. Il est hors de question que cette pétasse de Déborah me destitue pour une fillette idéaliste et stupide. Fille de Sophie ou pas, Sabrina est une menace que je dois faire disparaître très vite.

Dans la voiture qui me ramène chez moi, je contacte mon réseau d'espionnes et j'ordonne de maîtriser la menace Sabrina immédiatement. Sous prétexte de l'avoir entendue tenir des propos contre la vie, je lance une mission rétrogradation.

Sabrina doit bientôt passer ses tests. Mes espionnes font en sorte que ses résultats soient médiocres et que la donzelle redescende au niveau Zêta. Je fais ma gentille et offre un poste de domestique à Sabrina en me marrant en douce. Je sais que Sophie va être furieuse et faire payer à sa fille son incompétence. Mais Sophie doit y aller trop fort. J'apprends peu de temps après que Sabrina a libéré le reproducteur de sa mère puis s'est suicidée suite à ses mauvais résultats.

Au moins, la menace est éliminée et Sophie est en pleine dépression. Elle m'accorde toutes les faveurs que je souhaite, sauf les sexuelles. Déborah est malheureuse d'avoir perdu une groupie si prometteuse. Il faut dire qu'il n'y a quasiment plus d'Alphas depuis le bond démographique de ma génération.

Je suis bien une Alpha ainsi que mes sœurs. Maman nous a rassurées en nous expliquant que Gwendoline nous avait dit cela par jalousie de l'amour que Maman nous porte. De toute façon, les archives des tests ont brûlé suite à une attaque de rebelles. Personne ne pourra contredire Maman qui a encore son influence au sein du conseil des Alphas avec quelques femmes qui la vénèrent via un soutien indéfectible à ses filles. Je n'ai pas trop de souci à me faire. Il n'y a que Déborah qui me cherche des poux, cependant, mon amitié avec Sophie me protège.

Je dois cependant me méfier des rebelles. La capture de son fils a rendu furieux vendredi qui tente dorénavant de s'opposer un maximum à moi et les autres Alphas à commencer par Sophie, en multipliant les actions de libération de mâles ou en prêchant une belle parole mensongère au sein des populations de stupides Zêtas.

Sa propagande se répand comme une mauvaise gangrène et je dois réfléchir à un moyen de stopper l'hémorragie au risque de perdre davantage d'influence et de cesser de provoquer la crainte. J'ai une idée assez saugrenue, mais qui pourrait fonctionner. J'appelle Maman qui, pour la première fois de ma vie, me dit que je suis un génie. Cela me donne envie de verser des larmes de joie.

Mon plan est simple. Nous avons quelques femmes influentes qui nous causent du tort. Nous allons les éliminer en faisant passer leurs meurtres pour des exactions rebelles. Ainsi, vendredi et son mouvement pacifiste passeront pour dangereux et cesseront d'être soutenus.

Le premier assassinat que mes espionnes commettent est particulièrement sanglant. La Delta qui revendait des informations à Déborah finit avec la gorge tranchée, au milieu des corps sans vie de ses reproducteurs et Zêtas. Nous faisons en sorte que les images bien glauques et toutes les preuves indiquent la présence et l'intervention des rebelles. Vendredi perd quelques soutiens. D'autres suivront.