3.6 Une nouvelle vie
Une fois l'Alpha partie, Rudolf est attaché à un mur derrière des grilles épaisses. Il écoute attentivement les discussions. Il est question de le faire bouger. S'il a bien entendu qu'il sera dans plusieurs jours au bureau de Cassandra, il ignore où il va aller dans les heures qui suivent. Étonné qu'on lui donne à manger et qu'on arrête de le frapper, il scrute toute drogue dans ses aliments ou tout indice dans le comportement des policières.
Il parvient à réaliser que l'Alpha a donné son identité et donc sa date de naissance. Ses seize ans venant tout juste de passer, il va être emmené dans un centre de tests. Seulement, il ne sait pas lequel. Le plus proche est un centre pour Zêtas théoriques. Celui pour reproducteur est loin. Les militaires ne parlent ni de l'un ni de l'autre. Un établissement pour Deltas et Alphas est évoqué.
À sa grande stupeur, Rudolf apprend que lors du test sanguin de naissance, il aurait été diagnostiqué comme un futur Delta à la limite de l'Alpha. C'est donc au centre Soleil qui va être envoyé. Rapidement, il écrit "pour le deuxième jour" avec une tête de diable et au-dessus, il dessine la lune et un triangle. Son frère et sa maman comprendront. Enfin, il espère.
Dès son repas avalé, une camionnette vient le transférer. En réalité, il y a six camionnettes, toutes remplies de policières et qui partent toutes dans des directions différentes. Il ne s'était pas trompé. La bâtisse devant lui ne laisse planer aucun doute. C'est le lycée de formation des Deltas. Aussitôt, il est conduit dans une petite salle. Attaché à une table d'examen, on le mesure, on le pèse, on lui prélève du sang. Tout un tas de machines le scrutent et déduisent sa masse musculaire, son pourcentage d'eau, de graisse... Ses organes internes sont échographiés et scannés.
Puis, on tente de le faire courir sur un tapis et de soulever des poids. Il refuse de coopérer. Malheureusement, ses tentatives de résistance sont analysées et les examinatrices en déduisent ses capacités physiques à son insu. Rien de surprenant. Rudolf est déclaré physiquement très performant. Un vrai athlète. On le nourrit et on l'enferme dans une nouvelle prison à proximité du centre Soleil.
Le lendemain matin, alors qu'il pensait retourner là-bas, le voilà trimballé de nouveau dans une camionnette pendant que d'autres véhicules roulent vers d'autres lieux. Le voilà dans un hôpital psychiatrique. On lui pose des tonnes de questions sur tout et n'importe quoi. On lui montre des images et des problèmes. Il ne répond pas et tente de fermer les yeux, de se concentrer sur autre chose. On ne l'y autorise pas. On lui ouvre les paupières de force. On pose des électrodes sur son crâne. On lui donne des médicaments qui lui font perdre la mémoire.
En riant, les policières constatent que l'éducation à la rebelle est très efficace. D'un potentiel de 71 à la naissance, il est maintenant 79. De Rudolf, il est renommé MD79-34-9004-001. Pour qu'il s'en rappelle toute sa vie, on lui tatoue sur l'avant-bras, juste au-dessus de son entrave de poignet. Sans anesthésie, le bras bloqué par des sangles, l'aiguille titille ses veines sans pitié. Rudolf serre les dents et tient le choc. Cette marque indélébile le stigmatisera toute la vie. Cassandra cherche à le détruire de l'intérieur, toutefois, Rudolf n'a pas l'intention de la laisser gagner.
Il déménage encore. On ne le laisse pas plus d'un jour dans le même endroit. Les tests sont censés durer une semaine. On lui a fait tout passer en deux jours. L'Alpha n'a pas besoin de détails et de précisions. On veut juste savoir combien elle peut le revendre. De toute manière, pour avoir des résultats complets, il aurait fallu avoir son entière coopération, ce qui n'était pas le cas.
Il dort dans une vraie prison, dans une cellule d'isolement. Personne, mis à part la directrice, ne sait qu'il est là. On continue à le nourrir correctement et à ne pas trop le frapper. On veut qu'il soit en forme pour les enchères futures. Pour l'empêcher de faire baisser son prix en s'abîmant, on lui a enfilé une camisole de force et on l'a attaché pour qu'il ne puisse pas bouger. Rudolf s'inquiète. Un potentiel de 79 pour un reproducteur est réservé à des Alphas. Il risque de servir Cassandra ou une autre saleté.
Autre jour, autre augmentation de son prix. Il est épilé, rasé et coiffé. On le récure et on le recouvre de crème pour que sa peau soit douce et qu'il sente bon. Comme un chien pour un concours, on le toilette pour qu'il parade. Une nouvelle nuit dans une geôle et on est dimanche. Alors qu'il pensait avoir encore deux jours, on le transfère chez Cassandra avec un autre garçon.
Ne se laissant pas impressionner, Rudolf défie une nouvelle fois Cassandra du regard. Cette fois, leur échange oculaire dure plus que quelques secondes. Ils se jaugent l'un l'autre. Soutenant son regard avec colère au début, l'Alpha pâlit et vacille après plusieurs minutes. Elle prétexte un début de grossesse auprès de ses gardes du corps. C'est une mauvaise nouvelle pour la rébellion cette gestation. Espérons qu'elle perde l'enfant pense Rudolf.
Cassandra ordonne que l'on enferme Rudolf dans son coffre de voiture. Enfermé et bâillonné, il entend le véhicule démarrer. Au bout de plus de deux heures de route, enfin, le mouvement cesse. L'Alpha ouvre son coffre, envoyant une bouffée d'air rafraîchissante qui fait un bien fou au jeune homme qui étouffait dans cet espace confiné.
D'un air mauvais, Cassandra récupère la laisse de cuir qu'il a autour du cou et le tire hors du véhicule. S'étirant comme il peut pour réveiller ses muscles endoloris, le jeune homme sort et observe ce nouveau lieu. Une belle maison aux murs rose pâle se dresse devant lui ainsi qu'une jeune fille au corps ébène. C'est une très belle jeune femme qui est tout sourire. Quand Cassandra lui colle un nœud fantaisie sur le torse, il réalise qu'il est le cadeau d'anniversaire de la donzelle à la limite de l'hystérie.
Après plusieurs minutes de discussion, l'Alpha part et il reste seul avec l'étrange demoiselle. Celle-ci le regarde des pieds à la tête, en se mordillant la lèvre d'un air heureux. Ce manège agace Rudolf. Il n'est pas un gâteau au chocolat ou un animal. Cette laisse le gonfle et le gratte. En plus, il a soif avec ce passage dans le four que représente un coffre de voiture durant de longues heures.
— Quand t'auras fini de me reluquer, tu pourras me donner à boire si ça ne te fatigue pas trop gamine.
— Oh mon mignon ! Je sens qu'on va bien s'amuser toi et moi. T'es à croquer !
— Je te préviens, je ne suis pas un petit chien chien alors t'as intérêt à m'enlever cette laisse !
— Je sais qui tu es. Alpha Cassandra me l'a expliqué. T'es là pour me baiser à chaque fois que j'en ai envie. Rien d'autre! Alors tu peux ronchonner autant que tu veux, je m'en fiche ! Tu es là pour me satisfaire !
— Va falloir que je t'explique deux trois trucs sur les mecs. Ça ne fonctionne pas comme une télécommande.
— T'es sûr ? Je pense que j'ai déjà le mode d'emploi.
La jeune fille se rapproche de Rudolf et glissant les mains sur son torse, elle finit avec une main dans son pantalon, à caresser l'objet défendu en souriant, tirant la laisse de l'autre main pour pencher la tête de Rudolf vers elle. Ses doigts agiles et la lueur de provocation dans ses yeux ont le don de provoquer une réaction non voulue dans l'entrejambe de Rudolf. Il tente de penser à autre chose, des trucs bien dégueux pour se contrôler.
— Allez mon mignon ! On va rentrer à l'intérieur, on sera mieux.
Rudolf la suit en rechignant. S'il n'obéit pas, il sera électrocuté. S'il tente de s'enfuir, les décharges le tueront à coup sûr dès qu'il franchira la limite. Cette gamine sait ce qu'elle fait. Elle est loin d'être une ingénue ignare. Cela va être difficile de lui résister. Surtout qu'en plus d'être douée de ses mains, elle est sacrément canon et que les hormones de l'adolescence bouillonnent chez Rudolf.
Une fois à l'intérieur, la jeune fille le plaque contre le mur magnétique de l'entrée. Rudolf ne peut plus bouger, ses neuf entraves étaient immobilisées contre la paroi. Remplissant sa bouche d'eau, la jeune fille oblige Rudolf à boire en l'embrassant. Ce petit jeu semble beaucoup amuser la demoiselle. Le jeune rebelle a soif, alors il boit. Quand sa soif est étanchée, il lui crache au visage le liquide additionné d'un peu de salive.
Avec un grand sourire, la demoiselle à la peau chocolat noir s'essuie et lui découpe ses vêtements, ne lui laissant que le caleçon. Quasi-nu, Rudolf doit répondre aux baisers de sa propriétaire. Sinon, elle utilise un petit bâton d'électrification contre différentes parties de son corps. Douloureux mais supportable. Dès qu'il détourne la tête ou tente de bouger son corps pour éviter les lèvres et la langue de sa propriétaire, celle-ci vise un point sensible, de préférence les flancs et les cuisses puis appuie pour envoyer une petite décharge punitive.
— Au fait mon mignon, je m'appelle Delta Ambre. Si tu obéis, je serai gentille. Si tu continues ta mauvaise volonté, je trouverai le moyen d'y arriver quand même et je te punirais.
La dénommée Ambre, grande fille d'un mètre soixante-dix au corps musclé et ferme sourit avec malice. Elle caresse doucement le corps de Rudolf, et pose ses lèvres sur les siennes et dans son cou. Descendant et remontant, elle fait de son mieux pour perturber le jeune homme qui déglutit et se met à chanter des âneries pour ne pas se concentrer sur l'effet que la jeune fille a sur lui.
L'infâme demoiselle aux fesses galbées ricane de l'étrange torture qu'elle fait subir à son reproducteur. Elle le titille, le chauffe et le lèche jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus. Quelques secondes avant sa délivrance, Rudolf se retrouve seul, nu, immobilisé sur un mur. Au moment fatidique, la donzelle s'est enfuie en riant. Elle déguste tranquillement un fruit pendant qu'il souffre en silence pour calmer son corps en ébullition. Sans aucun coup, elle lui a fait un mal de chien et le pire, c'est qu'elle est fière d'elle.
Plusieurs jours puis semaines passent. Ambre ne fait pas vraiment de mal à Rudolf. C'est plutôt de la guerre psychologique. Elle le pousse à bout pour qu'il perde le contrôle de son corps et la féconde. À chaque fois qu'il se retire juste avant, il est puni par privation de nourriture, immobilisation avec glaçon voyageur sur son corps ou séance de chauffage sans terminus. Parfois quelques petits chocs électriques sur les fesses ou les cuisses, pas agréables mais pas douloureux non plus.
Ambre ne lui fournit quasiment aucun habit. Il est soit nu soit en caleçon. Elle adore le faire cuisiner pour elle, vêtu d'un simple tablier et le caressant par l'arrière. Depuis son arrivée, la jeune fille a compris sur quels boutons appuyer pour obtenir les résultats voulus. Un des leviers qu'elle affectionne particulièrement est de le rendre fou en parlant de ses parents et notamment de sa maman Irène. Mettre en colère son reproducteur puis le bâillonner pour qu'il ne puisse pas protester amuse fortement la jeune fille.
Plus le jeune homme montre d'impatience, plus elle en rajoute. Elle lui dit que sa famille ne le recherche pas, qu'ils l'ont abandonné, que son frère Gaël a toujours été le préféré, ... Elle attaque ensuite Irène qui a eu elle aussi des reproducteurs et qui se constitue juste un harem pour baiser librement. Igor qui a fécondé Cassandra et qui n'en a rien à faire d'Irène... Rudolf est furieux. Il ne croit pas un mot de ces inepties. Il a un fort caractère et ne se laisse pas influencer facilement. Sur ce terrain-là, Ambre se plante. Elle n'arrivera pas à lui faire renier l'amour de sa famille.
Des mois passent et perpétuent les jeux sexuels et psychologiques. Les deux adversaires ne se font aucune pitié. Rudolf résiste et ne féconde jamais Ambre. Parfois, cela se joue à quelques secondes. La jeune fille est douée. Elle le rend fou. Si elle n'était pas une partisane de Cassandra, le jeune homme passerait ses journées à lui faire l'amour tant elle l'excite et est désirable. Intelligente, un brin sadique et nymphomane. Telle est Ambre, la déesse ébène aux formes parfaites qui possède Rudolf.
Si elle le rend fou, Rudolf n'est pas en reste. Il a vite compris qu'il faisait lui aussi beaucoup d'effet à cette charmante créature. Alors, il lui rend la monnaie de sa pièce dès qu'il le peut. Il est beau et il le sait. Grand dadet d'un mètre quatre-vingt-six, sa peau cuivrée, ses yeux noirs en amande et sa musculature qu'il a hérité de son père sont autant d'atouts indéniables pour allumer Ambre. Prenant une voix grave chaude et sensuelle, il lui susurre à l'oreille des mots brûlants puis, lui glisse dans la culotte ou le dos des glaçons ou la laisse en plan pour aller dormir. Même si la vengeance ne tardera pas, Rudolf s'amuse à ces petites piques bien énervantes.
Il doit reconnaître qu'il n'est pas si mal tombé. Certes, il ne peut pas sortir et doit entretenir son corps sur un tapis de courses, mais il est bien nourri, pas vraiment battu et soigné lorsqu'il se blesse vraiment. Comme cette fois où un verre fissuré lui a explosé dans la main et fait une profonde entaille. Le duo était en train de se disputer. Immédiatement, Ambre a cessé la punition et fait le nécessaire pour arrêter l'hémorragie. Elle s'est inquiétée pour Rudolf et quelque part, cela a touché le reproducteur. Quelques jours de paix ont suivi, le temps pour sa main de cicatriser.
Mais très vite, les agacements mutuels ont repris. Cela fait bientôt deux ans qu'il est chez Ambre. Une certaine routine s'est installée. Une étrange complicité et quelque part une certaine confiance en l'autre. Leur relation est bizarre, inhabituelle. Il est prisonnier et pourtant libre de faire pas mal de choses. Elle est geôlière qui s'interdit de faire vraiment du mal au jeune homme. La cohabitation est singulière, malsaine et pourtant facile.
Annotations