Transformation

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        Le roi Melekh haissait sa fille Llinôrah avant même qu'elle ne sache parler, elle, la cause de tous ses problèmes. Il la croyait responsable de la mort de son épouse. Il ne l’éleva pas et il resta cloîtré dans le palais avec ses domestiques. La laissant sans famille, sans proche, sans amour.

        Le peuple la haïssait, le monde la haïssait et elle ne pouvait rien y faire. Elle essaya au départ, lorsqu’elle était encore jeune, de faire de son mieux pour se faire aimer. Elle allait voir les pauvres, leur offrit des biens, de la nourriture et parfois une âme à qui parler. En retour elle eut des crachats, des immondices aux visages, des insultes, des coups même si c'était la princesse, et les gardes faisaient mine de ne rien voir. Chacun de ces événements la brisait. Malgré toute la force qu’elle employait à faire le bien et à changer son sort, rien n'y faisait, et avec l’âge la tristesse et la rage s’emparèrent d’elle. Elle commença par rendre les coups, puis à les asséner en premier, puis elle ne fit plus d'apparition publique, ne voulant plus voire le bas peuple. 

         L’un de ses domestiques chargés de son éducation depuis qu'elle était bébé, Ghu, commençait à montrer plus d’intérêt envers la jeune fille. Au départ, il la méprisait comme tous les autres, mais il avait vu en elle du potentiel. Il commença à lui parler, et réussit à devenir son confident, bien que ses histoires de jeunes filles ne l’intéressaient guère. De confident il est passé au statut de conseiller assez rapidement. Cette situation était arrangeante pour les deux parties, elle avait une épaule sur laquelle délester toute sa tristesse. Il lui appris à gérer sa colère, à en faire son allié.

        Pour cela il la fit lire, il choisissait avec intérêt les romans qui lui donnait, l'histoire de "la reine déchue" ou encore "Ter-und, le destructeur", des histoires horribles où rien ne finissait bien. Il l'emmena dans les bas quartiers, incognito, là où l'on crachait sur la royauté. Prise de curiosité, elle demanda à quelques hommes ce qu'ils pensaient de la princesse, espérant que leurs avis avait changés, comme personne ne l'avait vu depuis des années. Après leurs surprises de voir une jeune fille dans un coin si miteux, ils lâchèrent quelques injures et quelques rires entre deux gorgées d'un alcool verdâtre. Ils racontèrent que même s'il était la princesse personne jamais ne voudrait la toucher, qu'elle était pourrie de l'intérieur. Ghu l'emmenait partout où elle entendrait de tel discours. La haine était absorbée dans le cœur de l'adolescente, comme une pierre noire en plein désert, jusqu'à ce que celui-ci éclate. 

    Elle ne pouvait pas rester sans rien faire. Elle s'attacha encore plus aux conseils de Ghu, ce dernier lui restant très fidèle.

        Toute la haine qu’on lui avait vouée se retourna contre son peuple.


        Son père, quant à lui disparut. Personne ne sut où il était, s’il avait fui ou s’il était mort. LLinôrah le savait. Le parricide était le premier acte de sa vengeance.

        Elle était en âge de gouverner, bien que le peuple n’approuvait pas sa féminité au pouvoir. La coutume aurait voulu que son mari devienne le roi et qu’elle perde son pouvoir.

        Or, personne ne l’épousa (personne ne voulait épouser cette femme, même si on offrait en échange la totalité des richesses du royaume) et personne n’était en pouvoir de la contredire, son père était mort. Elle ne tenait pas à avoir un homme avec qui partager sa couche non plus, ni qui lui dise quoi faire. Elle était la reine, elle était le pouvoir.


        La nature avait décidée qu’elle serait née dans une famille où elle serait haïe, en contrepartie elle la fit très intelligente. Malheureusement, elle utilisait ce don pour des fins malsaines et détestables, elle affama tout le peuple des Ellemaëns d’Ini, elle arriva à créer des discordes entre les plus grandes familles de sa patrie. Les seules familles qui détenaient encore un peu de pouvoir, elle les discrédita. Partout où elle allait, elle semait la discorde, la colère et le chagrin.

        Seulement, le peuple entier ne s’aperçu jamais que c’était elle la responsable, elle agissait habilement, trouvant des stratagèmes pour toujours mener le peuple dans la misère en trouvant d’autre coupable. Ghu lui avait été d’une grande aide à cette époque.


        LLinôrah avait un jardin dans lequel elle aimait se balader avec Ghu. Cet endroit était le repaire des insectes, à chaque pas on entendait les crissements apeurés de toutes sortes de créatures, et les vrombissements de leurs ailes. Elle adorait les araignées en particulier, car comme elle, personne ne voulait les approcher. Un beau matin, alors qu'ils se baladaient dans le jardin favori de la jeune femme,  Ghu, pris d’une audace insouciante, la proposa en mariage.

        Comme il avait dit ça en riant, elle n'avait pas été surprise et avait ri avec lui. Mais il s’arrêta de marcher le visage grave. Elle fut prise d'un doute, il était si vieux. Il lui tendait une dague d’une délicatesse incomparable, avec une riche ornementation ne cachant rien à la force de cette arme, en guise de cadeau (c’est ainsi que les Fells se demandèrent en mariage à partir de ce jour). Elle fut prise d’un fou rire. Un rire comme jamais elle n'avait eu. C’était revigorant. Celle-là elle ne l’avait pas prévu malgré sa grande clairvoyance.

        Toujours en riant, elle accepta la lame avec plaisir, après tout il avait toujours été là pour elle. Elle admirait l'arme, la fit tournoyer, elle était parfaite. Alors qu’il se réjouissait qu’elle lui offre sa main, sourire narquois aux lèvres, elle lui tendit la main. Elle la posa sur son poitrail pour sentir les battements trop calmes de son cœur. Elle plongea son regard d'ambre dans celui du conseiller. Le son qui sortait d'entre ses lèvres avait mué du rire aux soupirs. Elle les approcha de lui, tout en le fixant.

         Elle lui prit le cœur. Pour cela elle se fraya un chemin, avec la précision d'un chirurgien,  grâce à ce délicieux cadeau. Le parricide d’un faux père était le deuxième acte de sa vengeance.

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