Chapitre 27 - L'oeil de Fereyan
Jaelith sentit la chaleur du soleil lui caresser la joue et ouvrit lentement les yeux. Elle tourna la tête vers le côté pour s'apercevoir que le roi loup n'était plus là. Elle pensa alors que toutes les sensations délicieuses qu'elle avait ressenties n'étaient qu'un doux rêve et se leva.
Ses blessures la faisaient moins souffrir, et lorsqu'elle se lava, elle put retirer ses bandages et contempler de nouvelles cicatrices qui venaient s'ajouter à celles qu'elle avait déjà. Elle s'habilla à la hâte et se demanda si Feiyl était toujours au donjon. La jeune femme descendit au rez de chaussé, prit un petit déjeuner rapide et sortit de l'auberge. La journée allait être magnifique pensait-elle en regardant le ciel bleu qui s'offrait à elle.
***
Jaelith ne savait pas pourquoi, mais ce matin, elle voulait aller au port pour regarder la mer. La mer lui rappelait toutes les fois où elle avait attendu avec espoir que sa mère revienne. Elle prit une grande bouffée d'air marin et soupira longuement.
— C'est vous la dame paladin ?
Jaelith se retourna. Assis en tailleur contre un mur, à l'ombre, un homme lui faisait signe de s'approcher. Méfiante, main posée sur la garde de son épée, La jeune femme s'approche.
— Je suis paladin, effectivement. Que me voulez-vous ?
— Alors c'est vrai. Les femmes paladins existent vraiment... J'avais entendu parler de vos exploits, mais je n'y croyais pas.
Jaelith dévisagea son interlocuteur. C'était un homme mûr, aux longs cheveux bruns attaché en queue de cheval. Une barbe de quelques jours entourait son visage carré, illuminé par deux grands yeux clairs. Il leva la tête vers elle.
— A une époque, j'étais second sur un navire. L'Ondine de l'Ecume qu'il s'appelait. Mais le bateau a coulé pendant une terrible tempête et je suis le seul survivant. C'est triste, car nous n'étions qu'à quelques centaines de mètres du port de Goldrynn...
La jeune femme écoutait l'histoire de cet homme, mais ne comprenait pas où il voulait en venir. Elle demanda doucement :
— Qui êtes-vous ?
— Mon nom ? Fitz. J'espère que vous pouvez m'aider m'dame paladin, car ils viennent me hanter toutes les nuits.
— De qui parlez-vous ?
— Ceux qui étaient avec moi sur le navire. J'entends leurs âmes m'appeler... Ils sont censés être morts ! Pourquoi ne me laissent-ils pas en paix ?
L'homme se jeta aux pieds du paladin, la suppliant.
— Je vous en prie ! Trouvez les et dites leurs de me laisser tranquille !
Il pleurait. Jaelith ne pouvait pas le laisser dans cet état et accepta de lui venir en aide. Elle demanda :
— Où est l'épave de votre navire ?
— Il n'est pas très loin d'ici. Regardez là-bas, vers le nord. Vous pouvez apercevoir ce qui reste de la proue sur la plage.
Jaelith tourna la tête et aperçue effectivement ce qui semblait être les restes d'un navire. Elle fit un léger sourire à Fitz.
— Je vais aller voir sur place si je peux faire quelque chose pour vous.
Elle le salua avant de se diriger vers l'endroit qu'il lui avait indiqué, non sans une boule de peur au ventre.
Le bruit des vagues apaisait la peur de la jeune femme. C'était un son qu'elle aimait écouter. Elle avait rapidement rejoint la plage où se trouvait ce qui restait de l'Ondine de l'Ecume. Des bribes éparts du navire jonchaient le sol, mais il n'y avait pas la moindre trace de fantômes ou d'âmes tourmentées. Jaelith s'était demandé si elle n'était pas tombée sur un fou ou un affabulateur. Elle décida de regarder parmi les reste du bateau, soulevant les planches, retournant les quelques canots vides pour vérifier qu'il n'y ait rien. Et mit à part quelques crustacés, il n'y avait effectivement pas âme qui vive dans cet endroit. Tout du moins, c'est ce qu'elle pensait avant d'apercevoir une silhouette au loin. Piquée au vif par la curiosité, elle s'approcha pour découvrir une jeune femme aux longs cheveux brillant comme de l'argent. Cette dernière tourna vers elle son regard doré et lui sourit. D'une voix douce, elle lui adressa la parole :
— Il est rare de voir des gens s'aventurer ici. Ils évitent cet endroit, car pour eux, il est maudit par les fantômes et les âmes damnées de ceux qui se sont échoués ici. Que faites-vous ici, dame paladin ?
Jaelith raconta alors l'histoire de Fitz, ce qui ne semblait pas surprendre la jeune femme qui se trouvait face à elle.
— Alors c'est Fitz qui vous envoie ? Cela fait si longtemps... L'angoisse de cet homme est indissociable de la souffrance des âmes tourmentées qui sont ici. Jamais il ne trouvera le repos.
— Mais je lui ai promis que je lui viendrais en aide ! Un paladin ne peut rompre sa promesse !
— Une promesse ? Alors que vous ne saviez même pas si vous arriveriez au bout de la mission qu'il vous a confié ?
Le paladin baissa la tête, honteuse. Elle n'avait pas pensé à cela. Comme d'habitude, elle avait préféré foncer tête baissée, sans prendre le temps de réfléchir.
— Si vous voulez mettre un terme au tourment de ces esprits et apaiser celui de Fitz par la même occasion, vous n'avez qu'une simple chose à faire.
— Laquelle ?
— Vous sentez-vous prête pour cela au moins ? Vous pouvez toujours retourner à la capitale si vous ne vous en sentez pas capable.
— Dites-moi ce qu'il faut que je fasse et je le ferais.
La femme aux cheveux d'argent haussa les épaules et montra l'épave brisée de l'Ondine de l'Ecume.
— Si les personnes qui se trouvaient sur ce navire ont trouvé la mort, c'est parce qu'ils convoitaient un artefact interdit. C'est ce qui a causé leur damnation. Trouvez cet artefact, et partez loin d'ici. Il n'y a que de cette manière que les morts reposeront en paix.
— A quoi ressemble cet artefact ?
La femme parut surprise.
— Vous n'avez pas l'air d'être plus ennuyée que ça par la malédiction de cet objet.
— Malédiction ? J'ai déjà une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Une de plus ne changera pas grand-chose...
— Vous êtes courageuse et inconsciente. L'artefact se trouve dans un coffre à l'abri des regards indiscrets. La clef est gardée par un puissant sortilège. Que la lumière vous garde paladin.
— La lumière est dans mon cœur et y sera toujours.
Jaelith prit le chemin de la proue brisée que lui avait montré la femme aux cheveux d'argent et lorsqu'elle se retourna pour la saluer, celle-ci avait disparu. Le paladin frissonna. L'air frais de la plage ne l'avait pas aidée à calmer ses tremblements. Le bois de la proue était pourrit et lorsqu'elle grimpa dans ce qu'il en restait, elle faillit glisser à plusieurs reprises.
Là, coincé sous de lourdes planches gonflées par l'humidité, elle trouva ce qu'elle cherchait : le coffre. A peine avait-elle posé la main dessus que la jeune femme se sentit observé. Elle se retourna et vit, à sa grande surprise, ce qui ressemblait à des lucioles. Ces dernières illuminaient l'endroit d'une douce couleur bleu. Intriguée tout autant qu'effrayée, elle serra le coffre contre elle lorsqu'elle entendit une voix.
— Pourquoi vouloir le contenu de ce coffre ? Qui vous envoie ?
Jaelith sursauta de surprise. La dizaine de petites lucioles s'approchait d'elle, dans l'attente d'une réponse. Tremblant de toute part, le paladin demanda :
— Qui êtes-vous ?
— Nous sommes les âmes damnées de ce navire. Et vous dame paladin ? Qui vous a demandé de récupérer ce trésor maudit ?
— Une femme aux cheveux d'argent m'a dit que c'était la seule manière de vous libérer de votre sort. J'ai fait cette promesse à un homme qui souffre depuis votre disparition.
— Donc ce n'est pas par cupidité que vous êtes ici ?
— Quel serait l'intérêt pour moi de prendre un objet qui ne m'appartient pas ?
— Vous êtes amusante dame paladin. Vous connaissez les risques que vous encourez en vous emparant de cet objet ?
— Une malédiction... J'ai mon lot de malédiction, comme je le disais. Une de plus de me permettra pas de vivre autrement.
Les lumières disparurent petits à petit, et une clé tomba alors sur le sol, non loin de la jeune femme. Cette dernière la ramassa et l'observa : elle était rouillée et semblait très vieille. Jaelith l'inséra dans la serrure du coffre où elle entra parfaitement. Lorsqu'elle souleva le vieux couvercle, elle fut surprise d'y trouver un simple médaillon, dont le joyau était noirci et qui brillait d'une lumière à faire froid dans le dos.
— Ce doit être cet objet...
Lorsqu'elle avait pris le médaillon entre ses doigts, Jaelith avait senti comme un picotement désagréable. Elle savait que cet objet devait être purifié. Et elle savait qui elle allait trouver pour cela.
***
Le père Nilsas voyait enfin la chapelle de lumière se vider petit à petit des blessés. Les derniers étaient dans l'infirmerie, et il pouvait enfin se reposer u peu, laissant les soins aux jeunes prêtres qui s'attelaient à la tâche du mieux qu'ils pouvaient. Il rangeait les cierges usés et les remplaçaient quand Jaelith entra et l'appela de vive voix.
— Père Nilsas ! J'ai besoin de vous !
— Besoin ?
— Oui mon père !
La jeune femme reprit rapidement son souffle.
— J'ai trouvé cet objet. On m'a certifié qu'une malédiction l'entourait. J'ai besoin de vous pour le purifier.
Elle lui tendit le coffre et l'ouvrit. Le prêtre écarquilla les yeux.
— Le médaillon de Fereyan ? Mais où donc avez-vous trouvé une chose pareille ?
— C'est une longue histoire mon père...
Elle lui raconta tout. De l'instant où Fitz l'avait interpellé jusqu'à l'ouverture du coffre.
— Fitz ? Vous dites que c'est Fitz qui vous a envoyé là-bas ?
— Oui... Pourquoi ? C'est étrange ?
— Par la lumière. Fitz est mort depuis bien longtemps ma pauvre Jaelith, détruit par la boisson.
— Alors... C'était un fantôme ?
— J'en ai bien peur...
Le paladin frissonna. La femme aux cheveux d'argents était un fantôme elle aussi ? Elle secoua la tête et préféra changer de conversation.
— Ce médaillon... On m'a dit qu'il était maudit. Vous pouvez y faire quelque chose ?
— Personne ne peut maudire cet objet jeune fille.
Il l'invita à le suivre jusque dans la bibliothèque où il sortir un livre de l'un des rayons. Nilsas feuilleta rapidement les pages avant de trouver ce qu'il cherchait et le montra à Jaelith.
— Regardez par vous-même. Ce médaillon est appelé l'œil de Fereyan. Il est dit qu'il possède une partie de son pouvoir. Je pense que c'est pour cela que l'on vous a dit que cet objet était maudit : pour vous en éloigner.
— Et quels est le pouvoir de l'œil de Fereyan ?
— Vous passez votre temps libre à dévorer les livres de ma bibliothèque et vous ne savez pas ça ?
Le prêtre regarda la jeune fille d'un faux air méchant avant de continuer.
— Les yeux de Fereyan sont capables de voir le passé et le futur.
— Mon père, vous pensez que ce médaillon puisse nous permettre de voir ce qui se passera ?
— J'en doute fort jeune fille. Il faudrait pouvoir déclencher son pouvoir, et ceci n'est pas à la portée de tout le monde. Les personne pouvant y prétendre doivent se compter sur les doigts d'une seule main.
— Alors... Que pensez-vous que je dois faire de cet objet ?
— Le destin a voulu que vous le trouviez, Jaelith. Il vous appartient donc. Peut-être en trouverez-vous l'utilité un jour ?
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