Chapitre 28 - La demande

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Midi avait sonné. Les cloches de la chapelle retentissaient dans la cité lumineuse dont Jaelith arpentait les rues afin de se rendre au donjon pour retrouver Feiyl. Elle vérifia la grande salle de réunion, mais elle était vide. La jeune femme soupira avant de se retourner.

— Vous êtes venue me voir ?

Elle se trouvait nez à nez avec le roi loup qui la dévorait du regard. Elle repensa à la nuit qu'ils avaient passée et secoua la tête.

— Non, je...

Il ne la laissa pas finir sa phrase et posa ses lèvres sur les siennes, l'attirant à lui. Jaelith sentit que sa tête lui tournait. Elle ne trouvait pas désagréable de se trouver dans cet état de désir, mais n'aimait pas avoir l'impression que la situation lui échappait. Et à l'heure actuelle, elle lui échappait totalement. Elle recula, mettant fin à leur baiser.

— Non... On pourrait nous voir...

— C'est juste cela qui vous ennuie ?

Il l'avait prise par la main et l'avait entrainée dans une petite salle adjacente dont il ferma la porte à clé. C'était la salle du conseil de guerre. Petite, elle recelait des centaines de cartes et de parchemins rangés dans des armoires. Sur la grande table au centre de la salle se trouvait encore quelques cartes que Freyki balaya sur le sol d'un revers de main. Il prit alors la jeune femme dans les bras avant de la poser délicatement et de reprendre leur baiser. Le roi loup se débarrassa de sa tunique, la même que celle qu'il portait la veille au soir, et l'aida à retirer ses vêtements. Il entra à nouveau en elle, lui faisant ressentir les même plaisirs que la veille.

***

— Non !

— Mais Jaelith... Ce serait plus simple pour nous deux...

La jeune femme s'était rhabillée rapidement après leurs ébats.

— Je ne peux pas me permettre de coucher dans la même chambre que vous ! Que penseront les personnes qui vous côtoient tous les jours ? Je ne veux pas passer pour une trainée aux yeux des autres.

Freyki soupira tout en remettant sa tunique. Il l'ajusta et accrocha sa ceinture de cuir autour de ses hanches. Son regard se posa sur celui de la femme paladin qui se trouvait face à lui.

— Je me fiche bien de ce que les autres peuvent penser.

— Pas moi !

— Alors laissez-moi vous épousez.

— Pardon ?

Jaelith écarquillait les yeux de surprise. Freyki semblait déterminé.

— Marions nous. Comme ça, ce sera plus simple pour vous et moi.

— Vous êtes complètement fou !

— Je n'ai jamais été aussi sérieux !

Il s'approcha de la jeune femme pour la prendre dans ses bras mais celle-ci le repoussa.

— Non, non et non !

— Jaelith...

— Je sais très bien que je ne puis pas faire taire les sentiments que j'éprouve pour vous mon roi, mais... Je continue à penser que notre relation n'est pas une bonne idée.

— Pourquoi ?

Elle baissa la tête.

— Mon roi... Vous avez autre chose à penser. Vous avez un peuple à défendre. Si vous m'épouser, qu'en sera-t-il ? Vous perdrez sûrement l'appui de la maison des nobles. Et si vous les perdez, alors où trouverez-vous l'argent pour faire prospérer votre cité ?

Elle n'avait pas tort, mais il ne pouvait pas se résoudre à cela.

— Jaelith...

Elle allait déverrouiller la porte pour sortir. Il la força à se retourner et la regarda droit dans les yeux.

— Jaelith... Mon cœur n'appartient qu'à vous et ne sera jamais à personne d'autre.

Il l'embrassa tendrement, puis elle sortit de la salle le laissant seul.

***

Jaelith s'assura que son roi ne la suive pas puis s'arrêta au milieu d'un long couloir pour reprendre son souffle et se calmer. Elle n'arrivait pas à comprendre pourquoi et surtout comment cet homme la mettait dans un tel état. Elle n'avait pas rêvé, il lui avait demandé de l'épouser !

La jeune femme baissa la tête et s'appuya contre le mur de pierres froides. Elle se demandait si elle avait fait le bon choix. Car ce qu'elle avait répondu était ce que sa conscience lui demandait. Son cœur avait une toute autre réponse. Elle l'aimait. Elle l'aimait mais elle en souffrait, car elle savait que cet amour se finirait mal. Rien n'était officiel, mais il y avait déjà des ombres de malheurs qui tournaient autour d'elle, elle le ressentait ainsi. La femme paladin posa sa main sur son cœur, comme pour l'inciter à se calmer, en vain. Il continuait à battre la chamade. Ses doigts se posèrent alors sur l'œil de Fereyan. Le père Nilsas lui avait dit que cet objet sacré lui appartenait, qu'il n'avait pas été placé sur son chemin pour rien. Jaelith se demanda à quoi pourrait bien lui servir ce médaillon. Le joyau noir brillait faiblement d'une pâle lumière, comme pour répondre à la question silencieuse de la jeune femme.

— Jaelith !

La voix du petit dragon provenait du bout du couloir. Elle tourna la tête et vit Feiyl qui arrivait vers elle, voletant doucement. Elle l'attrapa au vol et le serra dans ses bras, un tendre sourire illuminant son visage.

— Je me suis inquiété pour toi Feiyl...

— Il ne fallait pas. Le roi loup a dit que je pouvais rester ici si je le voulais. Ça n'a pas plu à beaucoup de monde, mais personne ne m'a fait de mal ou ne m'a parlé méchamment. J'en ai profité pour faire la visite des lieux.

— Et qu'est-ce que tu en penses alors ?

— Un peu froid et austère. Et toi ? Quelle a été ta réponse au roi loup ?

— Ma réponse ?

— Oui... Hier soir, il m'a dit qu'il t'aimait mais qu'il n'était pas certain que tu ressentes les mêmes sentiments à son égard. Les histoires des humains sont si compliquées...

Jaelith ferma les yeux et secoua la tête.

— Ma réponse... Je... Je ne sais pas...

— Tu ne sais pas ce que tu ressens pour lui ?

— Non, ce n'est pas ça. Je l'aime, mon cœur et mon... Corps, m'ont assez bien trahis pour ça. Mais je ne veux pas qu'il souffre à cause de moi. Et je ne veux pas qu'il mette en danger tout ce qu'il a fait jusqu'ici.

— Toi aussi tu es bien compliquée Jaelith. Les réponses simples et précises, comme oui et non, ne font pas parties de ton vocabulaire ?

La femme paladin eut du mal à se retenir de rire. Comme d'habitude, Feiyl avait fait mouche. Elle se reprit à lui répondit :

— Feiyl... Il va falloir que tu comprennes qu'il n'y a pas que des réponses simples. Tout n'est pas blanc ou noir. Il y a aussi plusieurs tons de gris...

— Tout est plus simple chez les dragons.

— Je m'en doute... Mais chez les humains, ça ne marche pas forcément comme ça.

— Humm, cette discussion tourne en rond. Parlons d'autres choses avant que je ne me décide à redevenir muet comme une carpe.

Le dragonnet proposa à Jaelith de visiter les quelques endroits intéressants du donjon auquel peu de personnes avaient accès. Feiyl avait rassuré la jeune fille : le roi loup lui avait donné l'autorisation de venir ici.

***

L'endroit était, comme l'avait dit le petit dragon, vraiment austère. Les murs de pierres froides n'étaient décorés que de quelques bannières aux couleurs de la cité, et c'était tout. La femme paladin frissonna lorsqu'un vent glacé souffla dans l'un des couloirs. Elle se demandait comment on pouvait vivre ici sans tomber malade. Il y avait peu de gardes en patrouille, et ceux qui croisèrent leurs chemins les regardaient étrangement avant de les saluer brièvement et de détourner la tête. Feiyl chuchota à son amie :

— Beaucoup savent ce que nous nous sommes battus contre le dragon noir, mais personne ne nous fait entièrement confiance.

— Tu crois qu'un jour, ils changeront d'avis ?

— Peut être... Mais tu sais comme moi que les humains peuvent être idiots...

Tous deux s'arrêtèrent dans un large couloir. Sur les murs de ce dernier se trouvaient plusieurs portraits, chacun entouré d'un cadre d'or richement décoré. Le paladin regarda autour d'elle.

— C'est cela que tu voulais me montrer Feiyl ?

— Oui... Avec la salle du trône, c'est le seul endroit que je trouve « vivant ». Et il y a autre chose...

— C'est-à-dire ?

— Viens voir...

Jaelith s'approcha du dragonnet et regarda le portrait qu'il tenait absolument à lui montrer. La jeune femme écarquilla les yeux. Face à elle se trouvait le portrait d'une femme aux longs cheveux blonds, au visage fin et pâle dont les yeux bleus brillaient faiblement.

— Elle te ressemble un peu, non ?

La femme paladin n'écoutait plus le dragonnet, les yeux rivés sur la petite plaque dorée où était gravé le nom d'Amaria. Ainsi, c'était elle, la femme du roi loup. Jaelith recula. Tout se bousculait dans sa tête. Son cœur battait à tout rompre. Elle savait qu'il avait été marié, le père Nilsas lui avait dit. Elle savait aussi qu'elle ressemblait à cette femme

— Jaelith, est ce que ça va ?

— Oui, ne t'inquiète pas.

Elle soupira. Qu'est-ce qu'elle avait pu être idiote ! S'il l'aimait, c'était à cause de ça. De sa ressemblance avec sa femme. Elle ne voyait pas autre chose.

— Feiyl, j'ai besoin de faire un tour dehors. De me changer les idées.

— Tu veux que je vienne avec toi ?

— Non, j'ai besoin d'être seule. J'ai besoin de réfléchir.

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