Chapitre 29 -Le voleur de marchandises
Comme d'habitude, la ville était grouillante de vie. Le quartier commerçant était l'endroit que Jaelith aimait le plus quand elle voulait passer inaperçue : perdue dans la foule, personne ne faisait attention à elle. Elle pensait à Freyki. Toutes ses pensées allaient vers cet homme, et elle n'arrivait pas à comprendre pourquoi. Et comme à chaque fois, elle jouait du bout des doigts avec l'œil de Fereyan qu'elle portait au cou.
— Au secours !
La voix paniquée la sortit de ses pensées et elle se tourna vers la personne qui venait de hurler de l'autre côté de la rue. Un homme affolé hurlait :
— On m'a volé mon chariot ! Mon chariot !
La plupart des personnes se trouvant là continuaient leurs chemins sans lui prêter la moindre attention, ce qui énerva la jeune fille au plus haut point. Les humains ne sont que des égoïstes sans cœur, pensa-t-elle. Elle s'approcha de l'homme et se planta devant lui, ce qui le fit sursauter.
— Je vais retrouver votre chariot. A quoi ressemble-t-il ?
— C'est un grand chariot de bois rempli de marchandises diverses. Il est tiré par un cheval noir.
— Avez-vous vu les voleurs ?
— Ils sont deux, c'est tout ce que j'ai eu le temps de voir. Ils ont pris la direction des quartiers sud. Je vous en prie ! Faites vite !
Jaelith acquiesça et prit le chemin que lui avait indiqué le pauvre homme. Elle courut à en perdre haleine, essayant de ne pas bousculer les passants, puis arriva à un croisement. La jeune femme ne put se retenir de jurer : si elle se trompait, alors elle n'aurait aucune chance de retrouver le chariot et la marchandise. Deux jeunes femmes riaient et plaisantaient tout en remontant le chemin vers elle. Sans attendre, Jaelith leur demanda :
— Pardonnez-moi, mais est-ce que vous n'auriez pas vu un chariot tiré par un cheval noir ? Il y a deux hommes avec et...
— Non, désolée, mais cela ne me dit rien du tout...
Peut-être n'avaient-elles pas fait attention ? De toute façon, Jaelith n'avait pas le choix et devaient leur faire confiance. Elles venaient par le chemin de gauche, donc elle continuerait par la droite. Remerciant rapidement les jeunes femmes, elle reprit sa course.
La femme paladin arriva dans une ruelle bondée de monde. Rapidement, elle chercha un moyen d'avoir une vue d'ensemble de l'endroit. Elle monta sur une caisse de bois qui se trouvait contre un mur et observa les alentours. Jaelith les aperçut au loin. Les deux voleurs se déplaçaient très lentement à cause du monde qu'il y'avait. En revanche, la jeune femme n'eut aucun mal à se glisser entre les personnes qu'il y avait et les rejoignit rapidement, s'approchant discrètement de sa cible. Les deux voleurs discutaient ensemble et ne semblaient pas l'avoir vue. La jeune femme se planta devant eux et dégaina son épée.
— Je vous conseille de rester calme et de laisser tout cela avant de déguerpir le plus vite possible.
Apeuré, l'un des hommes répondit en tremblant :
— Mais nous devons livrer ces marchandises ! Que dira notre maitre si nous revenons les mains vides ?
— Vous lui direz que vous avez échouez à voler ce chariot.
— Volé ? Mais je crois que...
— Fichez le camp avant que je ne m'énerve !
Les deux hommes prirent peur devant le regard furieux de Jaelith et prirent leurs jambes à leur cou. Elle s'assura qu'ils soient bien partis et attrapa la bride du cheval avant de le ramener à son propriétaire. Quand ce dernier la vit revenir avec le chariot remplis de marchandise, il exulta de joie. Il attrapa les mains de Jaelith qu'il serra avec force et les secoua tout en la remerciant.
— Merci ! Merci à vous jeune fille ! Je serais dans de beaux draps sans vous ! Tenez, voici de quoi récompenser vos efforts !
Il lui avait tendu une petite bourse, mais la femme paladin secoua la tête et refusa.
— Je n'ai pas besoin de cet argent. Gardez-le.
Le chariot et son propriétaire s'éloignèrent, et Jaelith ne remarqua pas le sourire mauvais qu'il aborda tout en se frottant les mains. La jeune femme continua sa promenade, prenant le chemin inverse. Elle pensait qu'elle allait enfin être tranquille, mais au bout de quelques minutes, alors qu'elle regardait les armes qu'un forgeron venait de poser en vitrine, une grosse voix l'interpella.
— Hey ! Vous là-bas !
La jeune femme se retourna et reconnus les hommes de tout à l'heure. Avec eux se trouvaient une patrouille. C'était le chef de cette dernière qui l'avait interpellé. L'un des voleurs la montrait du doigt.
— C'est elle ! Elle nous a volé notre chariot avec toutes nos marchandises !
Jaelith secoua la tête.
— Mais c'est faux ! C'est vous qui avez volé ce chariot à cet homme !
Personne ne l'écoutait, et la patrouille l'encercla rapidement. Jaelith avait réfléchit à toute vitesse. Elle n'allait pas se battre contre ces hommes alors qu'ils ne faisaient que leur travail ? En même temps, elle n'avait pas très envie de se retrouver à croupir au fin fond d'une prison. Bousculant deux des hommes qui l'encerclait, elle se mit à courir à travers la ruelle, évitant soigneusement les passants. Derrière elle, elle pouvait entendre les voix des patrouilleurs qui grognaient à travers la foule présente. Rapidement, elle se faufila dans une petite ruelle ou elle put reprendre son souffle quelques instants.
— Qu'est-ce que j'ai fait pour me retrouver dans une situation pareille ?
Elle pourrait demander de l'aide au père Nilsas, ou même à Freyki, mais elle ne voulait pas les impliquer dans cette histoire et reprit sa route, vérifiant régulièrement qu'elle n'était pas suivie. La jeune femme retourna à l'auberge de la Mésange bleue et s'enferma dans sa chambre à double tour. Elle se mit dos à la porte et se laissa tomber lentement jusqu'à se retrouver assise par terre.
— Me serais-je trompée en aidant cet homme ?
Elle porta la main à son cou, jouant avec l'œil de Fereyan. C'était devenu une habitude. Jaelith resta assise ainsi pendant de très longues minutes qui lui semblaient durées des heures. Est-ce que dehors la patrouille laisserait tomber les recherches ? Elle prit sa tête entre ses mains et soupira longuement. Quelqu'un frappa à la porte, et une grosse voix se fit entendre.
— Nous savons que vous êtes là ! Sortez sans faire d'histoires !
C'était eux ! Malgré ses précautions, la patrouille avait réussi à retrouver sa trace. La jeune femme regarda rapidement à la fenêtre et jaugea rapidement la hauteur qui la séparait du sol. C'était faisable. Au pire, elle s'en tirerait avec une jambe cassée. Mais il ne fallait pas qu'elle pense à ça. Elle devait réussir à atterrir sans mal pour reprendre la fuite.
A l' instant où les membres de la patrouille entrèrent dans la chambre, elle sauta et se réceptionna sur le sol avant de se remettre à courir à travers les rues de la cité. Inconsciemment, elle se rendit au cimetière, où elle se cacha derrière l'un des grands monuments aux morts qui se trouvaient dans l'allée centrale et s'agenouilla. Elle entendait des bruits de pas qui se rapprochaient de plus en plus et sentit son cœur s'accélérer. La femme paladin sursauta quand elle sentit une main se poser sur son épaule et tourna la tête, les yeux écarquillés.
C'était Freyki.
— Jaelith, qu'est-ce que vous faites ici ? Tout va bien ?
— Je... Oui... Tout va bien...
Il l'aida à se relever, et la jeune femme avait l'impression que son cœur allait exploser, comme à chaque fois qu'elle se trouvait auprès de lui.
— Vous êtes sûre que ça va ? Vous êtes encore plus pâle que d'habitude.
Elle n'eut pas le temps de lui répondre quoi que ce soit. Un peu plus loin, on entendait les gars de la patrouille hurler, exhortant la jeune femme à sortir de sa cachette. Avec un sourire en coin, le roi loup demanda :
— Qu'est-ce que vous avez encore fait ?
— Je vous jure que je n'ai rien fait de mal !
— Alors pourquoi est-ce qu'ils sont après vous ?
— Je me suis trompée, et voilà le résultat !
Les hommes présents saluèrent respectueusement leur roi. Les deux hommes qu'elle avait pris pour des voleurs accusèrent à nouveau Jaelith.
— La voilà ! C'est elle ! Celle qui nous a volé notre chariot et toutes nos marchandises !
— Mais puisque je vous dis que je n'ai rien volé du tout !
L'homme à la cicatrice fit signe à la jeune femme de se taire puis prit la parole.
— Bon, j'aimerais bien comprendre ce qui se passe ici. Vous là (il désigna ceux que Jaelith avait pris pour des voleurs), expliquez-moi ce qui se passe.
L'un des deux hommes baissa la tête, puis raconta ce qui s'était passé.
— Nous ramenions le chariot à la maison de notre maître quand cette femme est arrivée ! Elle nous a demandé de lui donner le chariot et nous a menacés avec son épée. Elle nous a volé nos marchandises !
Le roi loup soupira, puis se tourna vers la femme paladin.
— C'est ce qui s'est passé ?
— Oui, en quelque sorte... Mais c'est un homme qui m'a demandé de récupérer son chariot ! Il m'a dit que ces hommes lui avaient volés !
— Vous vous êtes fait roulée en beauté.
— J'en ai bien l'impression...
Jaelith baissa la tête, honteuse. Les deux marchands, car les voleurs s'étaient avérés être d'innocents marchands, implorèrent leur roi.
— Nous avons tout perdu par la faute de cette femme ! Qu'est-ce que nous allons pouvoir dire à notre maître ?
— Votre maitre ? Eh bien, nous allons allez le voir et lui expliquer la situation. Dame Jaelith présentera ses excuses et nous verront bien comment nous pourront réparer ce terrible incident.
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