11. La fièvre du vendredi soir
Maxime
Enfin, la semaine est terminée et je vais pouvoir rentrer chez moi me reposer. Je ne sais pas si c’est à cause du beau temps ou si c’est parce que l’Angleterre compte modifier un peu ses lois sur l’immigration, toujours est-il qu’au port, j’ai dû faire face à urgence sur urgence, et problèmes avec les migrants à gogo. Ils sont vraiment désespérés et n’ont qu’une idée en tête, aller de l’autre côté de la Manche. Rien d’autre n’importe pour eux et moi, cette situation me met à la fois mal à l’aise personnellement, et en difficulté professionnellement. On me reproche de ne pas faire assez d’efforts pour inventer des systèmes et des dispositifs qui les empêchent d’accéder aux camions qui font la traversée. Comme si c’était de mon ressort, tout ça. Bref, je suis bien content de monter dans ma voiture et rentrer chez moi. Au moins, je vais pouvoir me consacrer un peu à ma famille.
Je regarde ma montre et constate que je suis à la bourre pour aller chercher mes enfants à l’école. Nina m’a envoyé un message et ne va pas revenir tout de suite. Elle préfère s’occuper de sa mère dont l’état est toujours inquiétant selon elle. Elle s’est excusée, bien sûr, mais ça me fait une belle jambe, ses excuses. Me voilà obligé de la remplacer. Je ne vais pas pouvoir faire comme je l’ai fait cette semaine, arriver tard et partir tôt du boulot. Ce n’est juste pas possible. Et l’agence qui nous a orienté Nina n’a personne à nous proposer. C’est bien ma veine.
Arrivé à l’école, je me prends une remarque de la Directrice sur le fait que je suis en retard, que l’étude, ce n’est pas une garderie et qu’il faut respecter les horaires, que tout le monde a une vie de famille et que même les instits ont le droit de rentrer chez eux à des horaires normaux. J’encaisse le tout, stoïquement, que faire d’autre ? Mais à l’intérieur, je bous. Heureusement, la litanie des reproches cesse rapidement, Madame la Directrice souhaitant sûrement regagner ses pénates, ce qui me délivre de sa vindicte.
Les enfants sentent que je suis à fleur de peau et se taisent sur le chemin qui nous ramène à la maison. Ils doivent avoir un sixième sens qui leur fait comprendre que s’ils se permettent le moindre écart, je risque de passer ma colère sur eux et ils se tiennent à carreaux. Je les regarde discrètement dans le rétroviseur et me dis qu’ils sont quand même bien mignons, même si parfois, ils sont énervants.
— Allez ! On est vendredi soir, mais faites vos devoirs si vous en avez pendant que je prépare à manger. Ce soir, si vous êtes sages, je vous fais des spaghettis à la bolognaise. Ça vous va ?
— Oui ! s’écrie Lili en défaisant son manteau avant d’aller s’installer à table pour sortir son cahier.
— Vous savez que les spaghettis ne sont pas des pâtes de Bologne, mais plutôt de Naples ? nous informe Tom.
— Non, je ne savais pas, mais tu as sûrement un peu de lecture à faire pour lundi. Alors fais-le s’il te plaît.
— J’ai déjà lu tout le livre dont la maîtresse nous dit de lire un extrait.
— Eh bien, pourquoi tu ne lui fais pas un résumé qui analyse le style du début par rapport à celui de la fin, alors ? Cela t’occupera pendant que je fais cuire les pâtes.
— Le style, c’est le même. Vu la qualité du livre, il a dû être écrit en quelques heures, pas le temps de changer de style, tu sais, Papa.
— Je te laisse t’occuper, alors, mais ne dérange pas Lili qui a des devoirs, elle.
Je me mets derrière les fourneaux et prépare le repas du soir pendant que mes enfants discutent tranquillement. Mes pensées reviennent d’abord vers ma journée de travail avant de se diriger naturellement vers une autre migrante qui fait désormais partie de ma vie de manière beaucoup plus concrète que ceux contre qui on demande de me battre. Je ne l’ai pas vue en rentrant et je la soupçonne de se montrer discrète afin de ne pas nous déranger. Je me dis que j’aimerais bien la voir un peu plus.
— Lili, tu peux aller chercher Miléna, s’il te plait ? Le repas est prêt. Merci, ma Puce !
Elle referme son cahier, pousse un petit soupir, et obéit néanmoins, sans que j’aie à insister. Elle redescend rapidement, suivie de la jolie étrangère qui attend patiemment à la porte, sans oser entrer.
— Entrez, Miléna, votre chaise vous attend et promis, elle n’a servi à personne avant.
— Si, Papa, c’est la chaise de Miléna, maintenant, intervient Tom.
— Ma chaise ? Vraiment ? demande-t-elle avec un petit sourire. Je suis touchée d’avoir ma place, merci, Tom.
— Je n’ai rien touché, moi, répond-il, me faisant sourire.
— Vous faites déjà partie des habitudes, vous voyez ?
— Il ne faut pas trop s’habituer non plus, je ne vais pas rester très longtemps ici.
Je ne sais pas pourquoi mais ce simple rappel de la réalité de la précarité de sa situation me fait un pincement au cœur. Je crois que je me suis déjà habitué à sa présence, moi. C’est tellement bien d’avoir une autre adulte à qui parler. Et, si je veux être honnête avec moi-même, une jolie femme à regarder. Je l’observe, vêtue d’un tee-shirt blanc plutôt ajusté et d’un jean slim bleu clair, le tout moulant sa silhouette avec délicatesse.
Le repas se passe tranquillement, et j’ai vraiment l’impression que Miléna a trouvé sa place parmi nous, ce qui me fait plaisir. Je préfère voir mes enfants accueillants et bienveillants que dans la critique et la revendication. Je peux comprendre qu’ils sont un peu perturbés par l’absence de leur mère, qu’ils voient d’un mauvais oeil venir une femme qui n’est pas leur génitrice, mais j’espère que ce genre d’accueil va les aider à murir un peu et à comprendre que c’est important d’aider les autres et surtout ceux qui sont le plus dans le besoin. Quand on habite près de Calais, c’est important d’être sensibilisé à ça dès le plus jeune âge.
Une fois les enfants couchés, je me déshabille et m’installe dans mon lit, un peu rasséréné par la façon dont s’est passé le repas. Après la dure semaine que j’ai passée, je pense que j’avais besoin de ce petit moment de normalité. Je commence un peu à m’assoupir quand j’entends que quelqu’un tape discrètement à ma porte. Je me lève, vêtu seulement de mon caleçon et découvre notre invitée qui me sourit timidement. Elle s’est changée et n’est vêtue que d’une petite culotte et de son tee-shirt, ce qui me permet d’admirer encore plus que d’habitude le corps de ce petit bout de femme que je trouve vraiment magnifique.
— Vous avez besoin de quelque chose, Miléna ?
— Je suis vraiment désolée de vous embêter, mais… Est-ce que je pourrais emprunter votre salle de bain ? Je… Je crois qu’il y a un problème avec l’eau, dans la chambre, je n’ai pas pu me doucher, je voudrais au moins pouvoir me brosser les dents et me laver un peu avant d’aller au lit. Je sais que j’abuse, désolée.
— Il n’y a pas d’eau dans votre chambre ? C’est étrange, ça. Mais oui, bien sûr, vous pouvez utiliser ma salle de bain, et même prendre une douche si vous le souhaitez.
— Vous êtes sûr ? J’ai vraiment l’impression d’être un poids jusqu’au bout, je suis désolée.
— Un poids ? Mais pas du tout, voyons ! Qui pourrait vous refuser de prendre sa douche dans sa salle de bain ? Faites-vous plaisir.
— Merci… Je vais chercher ce qu’il me faut alors, me dit-elle en faisant demi-tour pour regagner sa chambre.
Je laisse la porte ouverte et retourne dans mon lit où je me glisse sous la couette pour dissimuler à sa vue l’érection que l’idée de la savoir nue à proximité a provoquée. Je ne peux m’empêcher de me caresser un peu en l’attendant, et me stoppe dès qu’elle vient à nouveau frapper à la porte.
— Entrez, faites comme chez vous, dis-je en faisant mine de regarder mon téléphone alors que je l’observe, discrètement, j’espère.
— Merci. Je fais vite, promis, me dit-elle en ouvrant la porte de la salle de bain pour s’y engouffrer.
Et c’est là que mon cerveau se met à délirer complètement. Je l’imagine en train d'ôter lentement son tee-shirt puis sa culotte et se diriger, nue, vers la cabine de douche. Je vois très bien toutes ses jolies courbes qu’elle glisse sous l’eau, ses tétons qui se tendent sous l’eau froide, le temps qu’elle se réchauffe. Je l’imagine en train de caresser son corps sous le jet qui coule partout sur sa peau nue. Ma main sur mon sexe bandé s’active et me procure un plaisir que je n’ai pas ressenti depuis longtemps. J’entends l’eau qui continue à couler et je me m’imagine franchir cette porte fermée pour venir la retrouver. Je suis sûr qu’elle ne refuserait pas une chaude étreinte dans la douche, cambrée contre moi qui la pénètre. Je suis fou d’imaginer tout ça, de fantasmer ainsi alors qu’elle n’a jamais montré le moindre intérêt pour moi et que je ne l’ai pas accueillie au Château pour profiter d’elle. Mais qu’est-ce que ça me fait du bien de sortir de mon quotidien avec ces folles visions qui peuplent mon esprit perturbé. Est-ce vraiment si mal de fantasmer ?
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