Lieu commun n°2 : Ce qui ne me tue pas me rend plus fort.
Maintenant que ta lumière s'étiole, que tes dents branlent dans leur carcan rose et que tes jambes endolories ne t'arriment plus au sol avec leur fermeté d'antan, je veux te dire ceci : tu t'es trompé de long en large. Tu traînes tes casseroles par batteries entières, tu les racles sur la pierre sèche et les chemins de terre, tu leur arraches des cris de cuivre et de ferraille. Leur tintamarre ne suffit pas à couvrir les sanglots de tes rêves passés. Tu t'accroches à l'aphorisme de Nietzsche et tu oublies qu'il avait ses raisons et toi les tiennes. Je vois deux entités confuses et distinctes échouant à communiquer autrement qu'à sens unique.
Il est beau, ce sourire niais sur ton visage déconstruit, beau comme un sac de courses coincé dans un pied de vigne. Tu t'en délectes parfois devant une glace, pâle copie de toi-même que tu échoues à déchiffrer sans jamais le reconnaître. Tu te connais bien, dis-tu, tu le hurles au monde et le monde joue de sa sourde oreille comme d'autres torchent des pamphlets sur des culs malodorants. Et tu répètes à l'envi que les épreuves t'ont laissé intact en distillant le sang de tes blessures de guerre. Tu chantes tes victoires en exhibant tes muscles taillés dans la glaise.
Et tu oublies tes parcelles de peau morte, tes fientes et tes menstrues. Tu passes sous silence les mensonges et les trahisons, les chagrins et les coqueluches. Tu leur as tourné le dos, à tes mémorables chutes, ces gamelles acrobatiques qui auraient dû te laisser sur le carreau, la langue sèche et le corps moite. Continue de répandre ta légende insipide, peaufine donc le récit de tes folles turpitudes, embellis-les, enrobe-les de glucose et de rubans de soie, imagine-toi grand et fort, sinistre et parfait comme une bille de plomb.
Tu vois de l’hermine, de l’or et de la myrrhe dans la moindre bouche d’égout. Ta lâcheté, tu l'expliques, ta bassesse, tu la justifies, tes immondices, tu les rassembles et les revends sous d'autres appellations. Tu aimes ce que tu fus et adores ce que tu deviens. Tes remises en cause passées, tu les découvres après la bataille, tu leur donnes le sens que tu veux et tu les monnayes auprès de ton cercle d'amis pour te construire un personnage.
Je ne te regarde plus, je ne t'écoute plus. Les aléas de ta fragile existence ont cessé de m'intéresser. Lorsque d'aventure, toutefois, ta présence s'impose à moi, je ne puis m'empêcher de me demander si c'est ce qui ne nous tue pas qui nous rend ridicule, ou si c'est le ridicule qui nous rend plus fort.
Nietzsche était un con mais au moins, il savait tenir une plume.
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