Lieu commun n°28 : C'est pas grave.

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Ah, l'abus de légèreté ! L'outrecuidance du cool et de la flemme tranquille. Le panache du traîne-savates qui se dédouane d'un haussement d'épaules, d'un sourcil à peine froncé, parce que davantage, ce serait déjà trop, lèse-majesté, insolence du foutriquet qui s'assume et gagne ainsi ses lettres de noblesse. Rien ici n'a de sens, l'absurde le dispute au loufoque, lequel hésite entre l'inconséquence brute et l'illogique la plus fine qui soit, celle des fous qui se dispensent d'eux-mêmes pour construire des manoirs enchantés, des vaisseaux de glaise et des planètes en fer-blanc. Si le manoir s'effondre, si le vaisseau chavire, si la planète implose, ils seront les premiers à jeter le brouillon dans la corbeille. Avec cette phrase insensée, rien de tragique ici-bas, nulle âme ne souffre et le soleil se lève encore chaque matin.


Avance donc, le nez debout et les épaules assises, ne recule devant rien, les murs te freinent mais ne t'interrompent pas. Cortazar te décrit sans le savoir dans la plupart de ses contes, fragile dans ton désir, abrupt parce que sans corps ni substance. Mouille tes semelles avant de leur coller une ombre, elle tiendra mieux, mais évite les flaques de sang, les plages de bile et les étangs où dansent ceux qui s'y noient. Si tu regardes autour de toi, tu n'auras d'autre réflexe que de coller au cliché, de grincer des mâchoires à force de les serrer, et vive le dos rond de celui qui fonce dans la barrière sans pour autant ruer dans les brancards.


Dans ce « rien n'est grave, rien n'est sérieux », j'entends Ionesco qui crisse et Beckett qui s'effrite. Choisis ton excuse, je t'offre un prétexte, je te présente Sisyphe sur un plateau d'argent, et cette pierre qui n'amasse pas mousse et qui t'écrase les orteils à chaque nouvelle descente. J'ouïs le vieux qui me parle de la mort du petit cheval et du chat qu'on ne fouettera pas. Tandis qu'il cause et rabâche de sa voix minérale, je regarde ses rides se creuser comme autant de précipices. Il en aura vu d'autres, le vieux, tout comme chacun ici-bas, mais lui le porte sur sa gueule d'ancêtre empruntée à un tableau Renaissance. Pas de souci pourtant, pas de problème, pas de lézard. Pas de couille dans le potage et pas de poil de cul dans la cuvette.


Quelqu'un s'est chargé du ménage, l'éponge acide et le chiffon immaculé. Je sais que ce n'est pas toi et je peux te garantir que je n'y suis pour rien.


De ces mots tendres et facétieux, bazardés entre deux gloussements de porte, je me ferai une raison. Parce que le réel est contestable et le tangible hasardeux. Nous nous raidirons ensemble dans une posture radieuse pour mieux ignorer le gosse qui mendie au feu rouge, sa mère vêtue comme dans les livres de Dickens, une couvrante en guise de cape et une robe effilochée. Et nous nous rappellerons en appuyant sur le mauvais bouton, en oubliant le landau sur le quai, en laissant les courgettes s'enflammer, que tout va bien, qu'il n'y a pas mort d'homme et que la vie se moque de savoir comment nous l'envisageons, la bave aux lèvres ou le sourire dans les yeux.

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