Chapitre 8 : Le poids du secret

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Le lendemain de la consultation, l'atmosphère de l'hôpital semblait encore plus lourde, presque suffocante. L’idée d’un donneur familial revenait sans cesse, martelant l’esprit de Wei et de Hua comme un écho persistant. Chaque seconde passée au chevet de Mei leur renvoyait l'image douloureuse d'une réalité inéluctable : sans la greffe, le temps qu'ils avaient encore avec elle se rétrécissait inexorablement. Cependant, accepter de passer ces tests, c’était ouvrir la porte à des révélations enfouies depuis des années, à un secret soigneusement maintenu dans l’ombre. Wei et Hua comprenaient parfaitement le danger que représentait une telle démarche pour leur fragile équilibre. Se soumettre aux tests reviendrait à exposer ce qu’ils s’étaient juré de ne jamais révéler, un risque qu’ils n'étaient pas prêts à prendre.

Mei restait alitée, chaque jour la privant un peu plus de ses forces. Ses parents, Li Wei et Hua, se relayaient à son chevet, veillant sur elle avec une inquiétude sourde, presque palpable. Autour d'eux, le ballet incessant des médecins et des infirmières, le bourdonnement des machines médicales, tout cela accentuait une angoisse devenue constante, omniprésente. Les regards échangés entre Wei et Hua trahissaient des pensés lourdes de peur, mais aucun mot ne semblait avoir la force de dissiper cette ombre grandissante.

Les médecins, fideles à leur devoir de vérité, n’avaient pas adouci leurs paroles. Mei n’avait qu’une issue possible : une greffe de moelle osseuse. Chaque jour qui passait voyait la leucémie progresser, dévorant inexorablement ce qu’il lui restait de vitalité. Les traitements actuels n’étaient que des palliatifs, des digues fragiles contre une marée montante. Sans greffe, la maladie finirait inévitablement par l'emporter. Un donneur compatible devait être trouvé, et chaque heure qui s'écoulait rendait cette quête plus urgente, plus désespérée.

Cependant, un fardeau lourd et silencieux accablait Wei et Hua. L’inévitable se profilait à l’horizon : bientôt, les médecins demanderaient à tester les membres de la famille pour trouver un donneur. Mais pour eux, cette option restait impensable. Trop de secrets enfouis risquaient de resurgir, des vérités soigneusement dissimulées menaçaient d’éclater au grand jour. Ils savaient alors qu’une seule personne pouvait leur venir en aide : Yong.

Incapable de supporter plus longtemps l’atmosphère pesante de la chambre, Wei quitta la pièce en milieu de journée. L’air devenu oppressant de l’hôpital, saturé des bruits mécaniques des machines et des murmures feutrés des infirmières, pesait sur sa poitrine. Chacun de ses pas semblait résonner plus fort dans ses oreilles, amplifié par l’angoisse qui grandissait en lui. Ses jambes le portèrent instinctivement vers les jardins extérieurs, où l’air frais et l’absence de cliquetis médicaux lui permirent enfin de respirer. Loin du tourbillon clinique, il prit une profonde inspiration, sentant un semblant de calme lui revenir.

Hua ne tarda pas à le rejoindre. Ils échangèrent un regard sans un mot, marchant côte à côte dans les allées du jardin. La tension entre eux ne s'exprimait pas par des mots, mais par des silences lourds de sens, des gestes suspendus dans l'indécision.

« Nous ne pouvons plus attendre, » finit par souffler Wei, sa voix rauque brisant enfin le silence. Hua hocha doucement la tête, les yeux rivés sur le chemin devant eux. « Non, » murmura-t-elle. « Nous devons appeler Yong. »

Yong. Ce nom pesait lourd sur leurs lèvres. Appeler Yong signifiait raviver un passé qu'ils avaient soigneusement occulté, un passé lié à des décisions difficiles et à des promesses secrètes. Mais au fond, ils savaient que c'était leur seule option.

Wei s’arrêta brusquement, tirant son téléphone de sa poche. Ses doigts tremblèrent légèrement alors qu’il composait le numéro de son ancien ami, un homme qu’il n’avait pas contacté depuis des années. Les sonneries retentirent dans le silence du jardin, chaque bip résonnant comme un écho dans son esprit.

« Wei ? » répondit une voix grave à l’autre bout du fil, surprenante par sa familiarité malgré le temps passé. « Que se passe-t-il ? »

Wei inspira profondément, cherchant ses mots. « C’est Mei… Elle est très malade, Yong. Nous avons besoin de toi. »

Il y eut un long silence, presque assourdissant, avant que Yong ne réponde, sa voix empreinte d'une douceur inattendue. « J'arrive. Donne-moi les détails, je serai là dès que possible. ».

Wei raccrocha, sentant à la fois un soulagement et une appréhension monter en lui. Yong venait, mais avec lui, tout un pan de leur passé risquait de refaire surface. Il se tourna vers Hua, qui l’avait observé tout du long. « Il va venir, » dit-il simplement, sa voix trahissant son propre désarroi.

Elle hocha la tête, sans un mot. Ils savaient tous deux que ce n’était que le début d’une épreuve encore plus grande. Yong viendrait se soumettre aux tests, mais les réponses qu’ils redoutaient depuis longtemps pourraient également venir avec lui, bouleversant leur monde d’une manière irréversible.

Le reste de la journée s'écoula dans une attente lourde, chargée de silence et de regards fuyants. Mei, plongée dans un sommeil fragile, restait à l’écart des tumultes qui se jouaient autour d’elle. Wei et Hua, d’un accord tacite, avaient choisi de préserver cette quiétude, repoussant le moment où il leur faudrait lui révéler l'étendue de la situation. Elle avait besoin de repos, non de nouvelles inquiétudes.

Lorsque le crépuscule drapa la ville dans ses ombres, Yong fit enfin son apparition à l'hôpital. Son visage, malgré sa fermeté habituelle, laissait transparaître le poids de ce qui l'attendait. Pourtant, ses pas demeuraient sûrs, empreints de la détermination d’un homme résolu à affronter ce qui devait l’être. En croisant les regards de Wei et Hua dans le hall, il ralentit légèrement, mais l’étincelle de compréhension dans ses yeux ne faiblit pas.

« Où est-elle ? » demanda-t-il d’une voix posée, mais vibrante de gravité. Il n’avait pas besoin de plus de mots ; il savait ce qu’on attendait de lui.

Wei, cherchant à puiser dans cette ancienne camaraderie un peu de réconfort, posa doucement la main sur l’épaule de son vieil ami. « Elle dort, » répondit-il avec retenue. « Nous allons faire les tests sous peu. »

Sans qu’un mot de plus ne soit échangé, ils prirent ensemble la direction du laboratoire, leurs pas résonnant dans le couloir comme une marche vers l’inéluctable.

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