2 - Un esprit ça ne protège pas beaucoup...
Après une bonne heure à cheval, il fait maintenant nuit. La princesse s’arrête, il n’est plus prudent de continuer. Malgré le temps doux qui annonce l’été, les températures chutent rapidement et voilà Julia sans couverture ni autres éléments pour passer la nuit dans cette forêt. Son ventre se fait également entendre mais la malheureuse n’a rien à manger. Elle se met à ramasser du bois pendant un moment pour ne pas rester assise dans le froid. Puis, elle tente tant bien que mal de faire un petit feu pour se réchauffer et pouvoir dormir plus confortablement. Néanmoins, avant de s’assoupir, elle s’éloigne un peu de son campement sommaire. Elle ne s’est pas installée à cet endroit par hasard. A quelques mètres se trouve la tombe de sa mère. Comme Jade, celle-ci s’est suicidée. L’acte funeste s’est déroulé dans ces bois, il y a sept mois. La reine Berthe avait prétexté une promenade dans cette forêt voisine à la citadelle, malgré le froid de décembre. D’après les témoignages de ses dames de compagnie, elle avait un comportement bizarre cet après-midi-là. Elles avaient proposé de se joindre à la reine mais celle-ci avait insisté, de manière polie, pour être seule. Le soir même, alors qu’il était déjà tard, on commença à s’inquiéter au château. Dès le lendemain matin, la reine étant toujours absente, des recherches furent organisées. Elle fut retrouvée pendue quelques heures plus tard, en plein cœur de la forêt. On ne rechercha pas le coupable. Tout le monde sut qu’elle s’était suicidée, comme sa fille quelques années plus tôt. Le seul coupable était le roi. Là non plus, il ne montra aucune tristesse. Il ne daigna même pas envoyer des hommes chercher le corps de son épouse. C’est Julia et Victor, âgés de 25 et 21 ans qui enterrèrent leur propre mère et lui donnèrent une sépulture digne de ce nom dans un coin isolé des bois. Scandalisé par cet épisode, le peuple du royaume avait depuis baptisé la forêt qui auparavant n’avait aucune dénomination. On parle depuis ce jour de la forêt de Berthe-la-Pendue. Une manière de ne jamais oublier la souffrance et les drames que le roi a pu engendrer.
- Il n’y aura pas de troisième suicide, Mère. Je sais que vous veillez sur moi et Victor, murmure Julia, émue, alors qu’elle pose sa main sur la pierre tombale où est inscrit « Ici repose l’enfant du Paradis ». Phrase que les sujets du royaume complètent souvent d’un « Malheureusement, elle fut mariée au fils des Ténèbres ».
La princesse retourne auprès du feu et s’endort paisiblement malgré le froid, se sentant protégée par l’esprit de sa mère.
Mais au beau milieu de la nuit, des bruits se font entendre. Julia est consciente que la forêt grouille d’animaux sauvages et qu’il y a probablement d’autres individus comme elle à camper durant la nuit, qu’ils soient dangereux ou non. Elle vérifie que son cheval est toujours là puis elle tente de retrouver le sommeil. Quelques minutes plus tard, la jeune femme est à nouveau réveillée mais par des sons plutôt agréables. Il semblerait qu’une chouette se trouve non loin de son campement. C’est bercée par le chant de l’oiseau qu’elle s’assoupit. C’est sans compter sur un autre animal qui se rapproche à toute vitesse. Julia sursaute et panique. Elle distingue des formes qui se rapprochent puis soudainement elle voit un sanglier foncer sur elle. Elle se met à courir le plus vite possible mais sa longue et lourde robe la limite dans ses mouvements. C’est à l’aveugle, plongée dans la nuit noire, qu’elle tente de fuir et de semer l’animal. Terrorisée, elle hésite à hurler. Cela pourrait l’aider comme cela pourrait attirer des personnes malveillantes. Après une longue course folle, c’est à bout de souffle que Julia s’écroule à terre. Il semble qu’elle ait réussi à semer la bête sauvage. Epuisée, elle s’endort instantanément au beau milieu de nulle part.
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