5- Racontons-nous -1

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Je passe de sa tresse auburn, à ses lunettes zébrées et violette. Elle a de nombreux bijoux, plutôt fin, très soignée, manucurée, légèrement maquillée. Un haut sobre avec quelques stras.

Je commence à noter ce qui me vient en tête, remarque que j’en déduit trop. Je n’ai pas assez de d’espace pour écrire. Miss tresse est impressionnée par la quantité de mots que j’inscris sur la feuille. Elle comprendra quand je révélerai que je suis écrivain et que ça vient tout seul.

15 minutes sont passées. On retourne tous dans la salle du stage.

C’est la Coach qui commence en présentant la mère de famille rondelette mais combien pétillante de gentillesse.

—Alors, je pense que tu t’appelles Emily, que tu as vingt-neuve ans. Tu travailles dans le secteur de l’éducation. Tu es une personne timide, caché derrière ta frange et tes cheveux de sirène. Tu parais avoir très peu confiance en toi, mais tu sympathise très vite avec les gens que tu rencontres.

Candyce demande alors à la sirène de se présenter

—Moi, c’est Sheila. J’ai quarante-trois ans, j’étais secrétaire dentaire. On pense souvent que je suis timide, mais ce n’est pas le cas. Je suis très sociable et c’est souvent moi qui vais ouvrir le dialogue. Je suis mère de famille et j’ai trois enfants, j’aurais pu être institutrice. Les devoirs à la maison, c’est la croix et la bannière.

Elle termine sa présentation en riant. Tout le monde a le sourire à cette remarque.

Sheila se tourne vers Candyce, attend son consentement à deviner qui est sa partenaire. L’animatrice fait un simple geste de la main comme pour signifier qu’elle n’a pas à lui demander la permission et de continuer

—Pour moi, je te verrais bien porté le nom de Mandy ou Brenda. À l’américaine. Je dirais que tu as cinquante ans. Tu as une apparence très sportive, on voit que tu fais très attention à ton corps. Je dirais que tu ais coach sportive et que tu aides des personnes à revaloriser leur image à travers le sport. Je te sens très directive. Tu semble savoir où tu vas. Tu aimes ta féminité et sa te vas bien.

Elles se regardent, commence à parler ensemble comme si plus personne n’était autour. Ça parait facile. En même temps, l’exercice reste accessible à tous.

—Merci pour les compliments. Moi, c’est Gisèle, j’ai cinquante-six ans. Effectivement, j’aime pratiquer du sport et entretenir mon corps, mais je ne suis pas coach. J’étais secrétaire aussi dans une entreprise en bâtiment pendant trente-deux ans. Je suis une personne investie et j’aime quand les choses sont carrés.

—Ok. Bon, je n’étais pas trop loin, rit Sheila.

Ce faisant, elle détend l’atmosphère.

De nouveaux qui veulent se présenter ? demande Candyce.

Je lève la main. La femme a tresse me sourit. Ça semble lui convenir. Je commence, en posant mon regard dans celui de ma partenaire.

—Bonjour, Marie-Claire. C’est le nom qui m’a semblé te convenir le mieux. Je ne sais pas si c’est le cas. Mais je sens un Marie dans ton nom. D’après ta manucure, tes bijoux fins, ton élégance sobre, je dirais que tu étais parfumeuse ou esthéticienne, peut-être vendeuse en bijouterie. Un métier qui à avoir avec du précieux et du prestigieux. Je te donne soixante-et-un ans. La sobriété de tes vêtements me donne l’impression que tu n’as pas à prouver qui tu es. Tu es déjà posé et en accord avec toi. Tu as passé l’âge de prouver des choses aux autres et c’est tout à ton honneur. Tu sembles être une personne dévouée et de cela, j’ai l’impression que parfois, tu t’oublies ou que tu te mets sur le côté pour laisser briller quelqu’un d’autre. Tu restes discrète. Tu dois être une femme aimable, attentionné et confiante.

Pas une. Pas deux. Elle me répond en hochant la tête.

—Bravo. Tu as bien décortiqué qui j’étais. Je m’appelle Clarice, mon père voulait m’appeler Marie-Clarice. Finalement, mon deuxième nom est Marie. J’étais vendeuse en bijouterie, puis conseillère en optique. Je m’occupais d’une gamme de lunette de luxe. J’aime prendre soins de moi, mais c’est vrai que parfois, je manque de temps pour le faire ou je privilégie les dépenses mensuelles à mes petits plaisirs. Pendant longtemps, je me suis mise de côté. Essentiellement pour élever mes enfants et soutenir mon époux. J’ai commencé à travailler jeune, chez ma tante qui tenait une maison d’hôtes. Donc, tu étais vraiment proche.

—Je vois ça.

—C’est rare les personnes qui sont si proche de la vérité, convient Candyce. Bravo. Clarice, à ton tour ? Qui est-il selon toi ?

—Oh ! Alors, je t’ai appelé Jules, comme mon fils. Tu lui ressembles. En fait, je me suis vraiment basé sur mon fils. Tu ne dois pas avoir plus de vingt-et-un an. Tu dégage une grande sympathie. On a envie de te parler. Tu es décontracté. L’image t’importe peu du moment que tu te sentes bien. Tu as terminé tes études et tu as du mal à te lancer. Peut-être es-tu été moniteur de colonie de vacances. Tu m’as l’air très gentil, sociable et amusant.

—Euh… Ok. Donc moi, c’est Léandre, j’ai vingt-huit ans, mais j’accepte avec plaisir les vingt-et-un ans. Si vous avez une machine à remonter le temps, j’accepte aussi.

Les rire s’élancent dans la salle. Je me sens à mon aise, prêt à me libérer des pensées néfastes qui m’entouraient.

—Je suis sympa, mais encore faut-il ne pas m’ennuyer ou m’énerver. Mes études, ça remonte un peu. Je suis écrivain.

Il y a un mouvement d’intérêt grandissant dans la pièce. C’est toujours prestigieux de dire « je suis écrivain. ». Jusqu’au moment où on te demande si tu gagnes bien ta vie. Je laisse les participants être impressionné, ça ne durera pas. Ça ne dure jamais.

—J’ai aussi été pet-sitter, baby-sitter et aide à la personne. Ça peut surprendre. C’est vrai que mon image m’importe peu, du moment que je me sens bien dans ce que je porte. On ne me verra pas souvent avec un costar cravate. Je suis introverti, je n’aime pas trop me confronter aux gens, donc, je n’suis pas si sociable qu’on pourrait le croire. J’ai besoin de mon espace et ma tranquillité pour être bien. Voilà. C’est moi.

Tous les regards se posent sur moi. Je n’arrive pas à déterminer pourquoi. C’est rare que les gens me cernent dès les premiers instants. On dirait qu’ils voient quelqu’un d’autre. Il y a un mélange d’admiration et d’intérêt grandissant à me connaître. Pourquoi toutes ces paillettes dans les yeux ? On se pose des questions…Puis on se détourne de moi, pour aviser Gontran qui a semblé fasciné par ce que j’ai révélé. Il est couplé au gars-rideau et se tourne vers lui comme si ça faisait cent ans qu’ils se connaissaient.

—Bon, bin, Bonjour tout le monde. Bonjour à toi, partenaire, dit-il au gars-rideau.

Gontran part d’un rire sonore qui démolie mes tympans et qui surprend la salle. Le blond en face de moi à un mouvement de recul, il passe sa main baguée sur son oreille, arrondie les yeux en me fixant. Je soulève les sourcils, comprenant sa stupeur. Candyce partage notre surprise. Gontran vient d’imposer son style. Gontran le surprenant. Gontran le marrant. Je reporte mon attention sur lui avec la certitude qu’il va dire des trucs bizarres. Il capte carrément toute l’attention, et je ne parviens pas à savoir si c’est dû à ses grands gestes, à sa manie d’ouvrir ses yeux gigantesques ou sa bouche démesurément grande dont les lèvres s’agitent ou bien l’ensemble de tout ça.

—Ton nom, ça serait Ludovic. Tu aurais trente ans. Je te vois dans l’informatique avec ton look un peu Geek. Je te sens super réservé, avec ta frange qui cache tes yeux. On ne voit pas ton visage, c’est dommage. Tu devrais te montrer. Ne faut pas hésiter. T’es du genre à observer sans rien dire. Euh, tu as l’air sympa et doux. Je te ressens vachement calme, posé. Avec ton jogging, tu aimes bien être confortable. Ouais, tu n’aimes pas l’inconfort, le paraître. T’es nature. Et franchement, c’est génial. Reste comme tu es. Moi, j’dis si on se sent bien, c’est le principal.

Gontran va dans tous les sens, donne son avis. Je le sens un poil dispersé. Il parle hyper vite, comme s’il craignait qu’on lui coupe la parole. Il est tout en mouvement, même en restant assis. Il gesticule, parle plus avec les mains qu’avec la bouche. Même moi, je ne fais pas des gestes aussi théâtraux, et je passe mon temps à parler avec les mains. Combien de fois Bélynda se retrouve avec ma main dans le pif alors que je m’emballe sur des sujets qui me passionnent. Enfin, faut voir le bon côté de la chose. Je ventile l’été. Parfois, on dirait que j’essaie de prendre mon envole. Peut-être, est-ce là un désir inconscient de prendre ma vie en main et me barrer loin de tous.

Le gars-rideau n’arrive pas à maintenir le regard de Gontran. D’ailleurs, il regarde plus ses pieds que le type exubérant qu’on a tous en visuelle. Gontran est le mec que tu ne peux pas oublier. Tu auras toujours son extravagance collée à la mémoire.

—Je m.. m’… m’appelle Corentin, sort-il, avec toutes les peines du monde. J’…J’ai vingt-six ans. J’ai f… fait des études aux beaux-arts et j’ai travaillé comme vendeur en électroménager.

Ah, ouais ! Tu te tapes quatre ou cinq ans de beaux-arts pour finir vendeur en aspirateur. Le malaise. Comme quoi, on peut avoir des diplômes d’ouf, et finir à pôle emploi sans avoir pu goûter au boulot de ses rêves. Ravie d’avoir fait un bac pro qui ne me prédestiné pas au métier d’écrivain. Au moins, j’aurais passé ma vie de lycéen sans trop me prendre la tête.

Corentin n’en dit pas plus, retrouve le dossier du canapé derrière lui. Il froisse la fiche de l’exercice comme depuis le début du jeu. Ça n’a pas l’air facile tous les jours dans sa vie. Je mettrai ma main à couper qu’il était la tête de turc de ses camarades. Doit être aussi isolé que moi. En fait, en le regardant, je me demande même s’il a des rêves. Il semble se contenter de ce qu’il a. Enfin, je n’vais pas faire son analyse pendant dix jours. Après tout, je n’aurais jamais deviné qu’il avait fait des études en beaux-arts. ça ne se voit pas. Ni dans sa façon de ne se comporter ni sur sa façon de se fringuer. Il me parait tellement vide, tellement bof et insignifiant. Que dessine-t-il ? était-il branché sculpture, peinture, dessins 3D ?

Vient à lui de présenter son exubérant, mais non moins attachant partenaire.

—C’est marqué sur ton stylo. T…tu as entre trente-trois ans et trente-six ans. T’es très dy… dynamique, alors je pense que tu es co… commercial dans les magasins. Enfin, tu dois avoir un métier en rapport avec l… les autres. Voilà.

Court, mais l’analyse est pas mal.

—Oui, moi, c’est bien Gontran, dit-il en hurlant de rire.

Je rabats mes lèvres pour éviter de rire à mon tour. Ce n’est pas possible, il a été un clown dans une autre vie.

—J’ai trente-huit ans, je suis célibataire.

C’est cool. Il nous fait la totale.

—J’aime beaucoup le contact avec les autres. J’aime partager, échanger, je suis une grosse boule de bonheur. J’ai besoin d’aider, de rendre service. J’ai beaucoup dans l’animation : maison de retraite, écoles, colonies de vacances. J’ai fait animateur en club de vacances aussi, et j’ai adoré. Je rêve d’ouvrir mon propre centre de loisire, qui ferait aussi centre de soins.

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