5- Racontons-nous- 2
C’est bon, il est reparti. Va-t-on savoir quel genre de slip il met ? Il me fait marrer.
Il continue comme ça pendant au moins dix minutes. Candyce est obligé d’intervenir quand on s’apprête à embarque sur un voilier direction les îles du Galapagos. Gontran à voyager. C’est une pile électrique qui ne s’épuise jamais. C’est à se demander ce qu’il fiche ici. Il semble hyper débrouillard.
Candyce me réveille de mes suppositions, et donne la parole à la femme hyper mince dans le coin, près d’un totem psychédélique. La femme aux cheveux courts d’un ou de deux centimètres prend la parole. Sa voix rauque mais sans véritable énergie. Elle me déprime. Pourquoi si peu d’entrain ? Le jeu est pourtant sympa et l’ambiance franchouillarde.
Elle se tourne vers Candyce, toute recroqueviller sur elle-même malgré sa taille de mannequin. J’imagine qu’elle avait été très belle il y a peu de temps, mais que par un coup du sort on l’avait vidé de son sang pour qu’elle ne ressemble qu’à une copie fantomatique de son passé.
—Je n’avais pas d’idée pour un prénom alors j’ai choisi au hasard Julien. Comme Julien Doré que j’aime beaucoup. Ils ont les mêmes cheveux blonds. Oui. Il me fait penser à Julien. Son visage est très poétique, et il dégage quelque chose de chaleureux et d’apaisant. Je pense qu’il est Tatoueur.
Elle continue de regarder Candyce qui l’invite à s’adresse au blond, plutôt qu’à elle. La femme s’exécute et se tourne vers le gars. Il tortille une chevalière à son majeur. Elle est balaise et me laisse songer. Et si ce type était un baron de la drogue ? Il parait doux mais cache certainement un truc pas net. Ça le rend louche.
—Donc…Je pense que tu es tatoueur ou peut-être peintre. Tu aimes faire attention à toi. Ta peau est lisse, tes cheveux soyeux. Tout à un regard très apaisant. Tu sembles êtres très généreux avec les gens qui t’entour. Tu dois avoir une petite vingtaine d’années. En tout cas, je te trouve vraiment mignon. Tu as dû en briser des cœurs.
Ah, d’accord ! Carrément. Moi qui la pensais réserver, on dirait qu’elle se libère de cette couverture quand elle commence à s’ouvrir aux autres. Petit moment de gêne pour le blond qui après avoir bu une gorger de soda, roule ses yeux vers le plafond en se tortillant sur son assise, avec un sourire sur le côté. Il me révéler un côté vraiment « cute » et une fossette comme un doigt invisible qu’on lui aurait planté dans la joue. Je souffle un rire alors qu’il remet son masque. Sheila à côté de moi hoche la tête comprenant le sens de ma réaction. Elle s’approche, cache sa bouche de sa main.
—Je trouve ça très mignon les fossettes, moi aussi.
Je sens le rouge monter à mes joues. Heureusement que j’ai un masque. Sans déconner, rougir pour si peu et en plus parce qu’un mec a décidé de ce rendre plus chou qu’il ne l’était déjà.
—Bah, moi c’est Eronne. J’ai trente-neuve ans.
De quoi ? Trente-neuve ans… Ouais ! Et sinon, moi, je commence à avoir des cheveux blancs. Ça se passe comment chez toi ? Sans déconner. Il ne fait tellement pas son âge. Ça me choque. Où sont les rides ? Je n’en ai pas vu une ? Serait-ce les tâche de rousseurs qui les dissimuleraient ? Ah ! ça me rend fou des gars qui frôlent la quarantaine aussi bien conserver ! P’tain, j’ai deux éventails aux niveaux des yeux. Si je ne dors pas, j’ai des poches d’un bleu violacé, et mes rides du lion commencent à se creuser. L’injustice, quoi ! Même sans prénom claque ! Pouha… ! J’suis trop jaloux.
—J’ai fait des études en stylisme quand j’étais plus jeune, puis je me suis orienté vers les sciences parce que j’aimais bien les chiffres.
Ah, bah, t’es le seul cousin ! ça me fout de l’urticaire les chiffres.
—Je ne suis pas tatoueur, mais j’adore le dessin. J’ai dessiné tous les tatouages que j’ai sur le corps.
Il y a une vague de fascination dans la salle. Défroque-toi, j’ai envie de voir !
—Me concernant, j’ai été libraire, vendeur en prêt à portée, modèle photo, bijoutier, aujourd’hui, je cherche à concrétiser un rêve qui demande des fonds.
—C’est quoi, si ce n’est pas indiscret ? demandé-je.
Je me surprends à entrer dans leur échange. Personne ne semble m’en tenir compte. Gontran me remercie d’avoir posé la question. Si je ne l’avais pas pris de court, il aurait demandé. Si je suis curieux de nature, Gontran les mille fois plus.
—Voyager et parler de mes expériences sur ma chaines Youtube.
—T’es Youtubeur de voyage ?
—Pas vraiment. Je partage rapidement des vlog. Mais j’aimerais que ça soit plus professionnel et pourvoir gagner ma vie en voyageant. Ce serait pour un temps, de quoi me dire que j’ai réaliser un rêve.
—Et tu voyages où en général ?
—Pays limitrophe pour le moment. Mon grand projet, ce serait pour l’Asie.
—Dément. J’adorerais voir ça. C’est un rêve aussi de partir là-bas.
Ça y’est la machine Léandre est opérationnelle. Je viens de me poser en pleine lumière sans vraiment le faire exprès. Eronne vient de me tirer de mon terrier et je sens qu’il ne va pas s’arrêter là.
—Si tu veux, je te donnerai le nom de ma chaine.
—Mais carrément.
—Moi aussi, je veux bien voir ce que tu proposes. Je fais beaucoup de voyage. Je n’aime pas rester inactif, intervient Gontran.
Eronne se tourne vers lui en hochant la tête. Si Candyce ne nous faisait pas de petits signes des mains, Gontran serait déjà en train de parler billet d’avion avec le blond. Il faut vraiment une micro seconde au brun pour attraper l’attention des gens. Il m’a éclipsé en deux trois mouvements. Fait chier !
Peu importe, je ne suis pas là pour me faire des potes ou un lectorat. Je suis là pour satisfaire Pôle emploi, point.
Candyce sourit à Gontran. Genre : « c’est bon, le salon de thé te convient ? On n’a pas que ça à foutre, attend la pose, poussin. ».
Ça me fait marrer intérieurement. Candyce a vraiment un visage méga expressif. T’ne peux pas te tromper même quand elle ne dit rien.
—Je suis ravie que le courant passe bien entre vous, mais il va falloir rester focus quand on est en classe. Après on n’est pas à l’école, on n’a pas quatre ans. Je suis pas contre que vous parliez entre vous, mais on se modéré, sinon, on finit la presta l’année prochaine. Juste pour qu’on soit tous sur le même fil.
C’était dit sur le coup de la sagesse, pas de réprimande, seulement un avertissement pour un bon procédé d’apprentissage. L’animatrice met à l’aise et Gontran se tait avec le sourire. Il fait passer son carnet à Eronne pour qu’il note l’adresse puis reste tout ouïe pour la suite.
Eronne, je te laisse parler. On termine ça bien.
—Ok. Ça me va. Nathacha est un prénom qui t’irai bien. Tu es longiligne, on dirait qu’il s’est passé une chose grave dans ta vie et que tu t’es mi sur le côté sur beaucoup de chose. Tu aimes les vêtements. Le petit foulard noué à ton cou prouve que tu as du goût en matière de mode. Je dirais que tu as fait du mannequina, peut-être de la photo. Je pense que tu as cinquante ans, tout rond. La vie t’a fait du mal. Parce que je ne peux pas m’empêché de croire que tu as eu de merveilleux jours. Tu m’as tout l’air d’être une personne trop gentille et ça te joue des tours.
Petit mouvement d’émotion dans le regard de la supposé Natacha. On dirait qu’Eronne est tombé juste. Je vois quelque chose de plausible dans ses mots, d’ailleurs, sa voix… Elle est si douce, si reposante. Je pourrais fermer les yeux et l’écouter chaque soir avant de m’endormir. Peut-être que les insomnies cesseront.
—Beaucoup de vérité, Eronne. Je ne pensais pas que c’était si facile de lire en moi. Dans ma jeunesse, j’ai bien été mannequin. J’ai fait des couvertures. Puis j’ai été enseignante pendant un tant avant de devenir maman et de me recycler comme vendeuse en prêt-à-porter. Je m’appelle Irène, j’ai quarante-huit ans. Et ma vie n’a pas été simple. J’ai fait une grosse dépression il y a quelque temps. Je remonte doucement la pente, avec l’envie de reprendre ma vie en main. Je le souhaite de tout mon cœur.
Irène donc… La femme regarde Eronne avec un soupçon de remerciement et de douceur maternelle. J’avais bien analysé la triste vie… Mais voilà que la curiosité me démange. Qu’a-t-elle vécu exactement ? Elle a quelque chose de ma mère. Une enfant battue devenue adulte victime ? J’aurais peut-être l’occasion de le découvrir.
—Merci à vous deux. Alors ce petit exercice nous a pris un peu plus de temps. Bon, vous êtes huit et clairement vous avez de l’inspiration. D’ailleurs laissez-moi vous dire que vous êtes un groupe très artistique. Je dis ça au fait que j’ai pu tous vous voir en entretien individuel. Et je vais avouer que pour moi il n’y a pas de hasard. Vous étiez destiné à former un groupe. Bref, l’exercice que je vous ai fait réaliser est très simple : dans la vie on va juger les gens sur leur apparence et sur ce que nous, nous apercevons d’eux. La vérité, c’est que le paraître peut nous faire louper l’être véritable qui se cache derrière un manteau trop long ou une coupe de cheveux coloré. On peut dire que vous étiez assez éclairé aujourd’hui. C’est assez rare, je ne vous le cacherai pas. Mais voilà la première chose à savoir, ce que vous avez devant vous n’est pas toujours ce à quoi vous vous imaginer. En entretien vous serez en face d’homme et de femme. Ils vous paraitront peut-être froid, amusant, mais ça, se sera de votre point de vue et non du sien. Quand on a compris ça, on comprend bien plus, et on avance plus droit. Et là, j’ai envie de partir sur vous. Revenir sur vous. Qui êtes-vous ? Qu’est-ce qui vous motive ? C’est quoi vos besoins ? On va passer au second exercice : Se valoriser et se donner de la valeur !
Oh… va être compliqué cette histoire. Je ne comprends pas bien ce qu’elle attend de nous. Nous mettre en avant ?
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