11- Objet personnel

12 minutes de lecture

J'ai retrouver un peu de temps pour poster. N'hésitez surtout pas à commenter ou à repeindre le récit. J'ai besoin de vos avis sur ce premier jet.

_________________________________________________________

Gontran sort de son classeur une dizaine de photo de lui et d’un saxophone.

— J’ai pas tergiversé cent ans sur l’objet qui me tient à cœur. J’ai même envie de vous dire que mon saxophone n’est pas un objet, mes le prolongement de mon corps. C’est un bout de moi. Je l’ai eu pour mes treize ans. Mon oncle qui me l’a offert. J’étais très proche de mon oncle. J’allais souvent chez lui et on jouait de la musique. Mon saxo, a voyagé partout avec moi, et quand j’ai décidé d’entrer dans la chorale de ma paroisse, j’ai su pourquoi ce devait être cet instrument. Sa voix résonne jusqu’au cœur des gens qui écoute. Beaucoup de personne m’ont demandé des concerts personnalisés. J’ai fait des mariages, je suis allé dans des maison de retraites. Chaque jeudi midi, je vais chez une dame aveugle et je joue pour elle. Elle se lève et les danse. Et moi, ça me rend tellement heureux. Je suis content qu’on danse avec ma musique, qu’on oublie les petits malheurs. Je me souviens, on m’avait demandé de jouer pendant un enterrement. La femme du défunt a demandé à tout le monde se lever et de danser comme son marie faisait chez eux, quand je venais lui apporter un peu de joie pendant sa convalescence. Cette image restera à jamais en moi. J’ai apporté du bonheur pendant un jour triste. Et pour ça, j’aimerais pouvoir créer mon entreprise. Devenir un simple saxophoniste ambulant et vivre de cet art qu’est la musique.

J’écoute avec une bosse dans le ventre. Gontran aussi me ressemble. C’est à se demander si nous ne sommes pas ici en tant que reflet des autres. Je sens dans son histoire un peu de la mienne. Quand j’écris, je veux apporter quelque chose aux autres, au monde. Une émotion, un chavirement, peu-importe quoi…

—C’est émouvant. Et, ton projet d’entreprise tu en a parlé à ton conseiller pôle emploi ?

—Pas vraiment. J’ai peur qui ne comprenne pas ou qui me dise que c’est voué à l’échec.

—Ok. Je vois. On en parlera toi en moi, lors du prochain rendez-vous individuel. Ok.

—Si tu veux. Moi quand on parle de musique, je suis heureux.

Il récupère ses photos. C’est autour de Gisèle de parler.

Elle présente son portable.

—J’ai tout à l’intérieur. Mes cartes, mon agenda, mes photos. J’ai ma vie à l’intérieur. Si je le perdais, je ne sais pas comment je réagirais. J’ai besoin d’avoir la main posée sur le contrôle de ma vie. J’ai pris aussi une cuillère en bois parce que j’aime cuisiner.

Elle n’en dit pas plus. Miss contrôle est de retour. Pourtant, elle a pu montrer qu’elle était une mère attentionnée. Une femme attentionnée. Elle le fait remarquer avec sa cuillère en bois à la main. J’imagine que c’est une sorte de barrière pour que personne ne pénètre son cœur.

—Ça ne m’étonne pas vraiment. Tu aimes avoir le contrôle. Ok. Corentin.

—Moi, j’ai r…rien pris. Mais j’ai choisi ma so..souris d’ordinateur. Parce que je peux cliqu…cliquer où je veux. C’est moi qui choisis. C’est tout.

—Ah ! Oui, j’vois. Tu peux naviguer où tu veux. Genre pas de barrière. Un peu comme dans un monde où tu serais un dieu.

—Ouais… si t...tu veux.

—Ok. Bah merci Corentin. Irène ?

Tiens, je l’avais oublié celle-là. Elle est tellement discrète, cachée sur son fauteuil.

—J’ai pris ma paire de talon haut.

Elle les sort de son sac et les pose sur la table basse. Ils sont noirs avec des semelles rouges. Ils empestent le chic.

—Ses talons hauts m’ont été offert par une amie pour mon premier défilé. Je les ai portés plusieurs fois pour de grandes occasion. Ils me rappellent celle que j’étais, et celle que j’aimerais redevenir. J’ai perdu beaucoup de chose, beaucoup de gens en fréquentant les mauvaises personnes. Dès fois, je remets mes talons. Seulement dans ma chambre et je marche un peu avec. Je retourne dans le passé et dans les moments d’insouciances où je riais encore.

La vache ! C’est gai ce jeu. À croire que notre véritable problème n’est pas d’ordre professionnel, mais émotionnel. Pourquoi notre vie c’est fait la malle ? À quel moment ça c’est produit ?

—On va faire en sorte que tu reprennes le contrôle de ta vie, Irène. Ça commencera par trouver un job.

—Ça me convient. Merci beaucoup Candyce. Ça me fait du bien de parler.

Irène a raison. Ça fait du bien de parler.

C’est mon tour. C’est à mon tour de sortir le miasme qui m’étouffe. Ça m’effraie un peu, pourtant je me sens confiance ici. Je peux tout dire, je ne serai pas jugé.

—Euh… j’ai choisi deux objets. Ils ont un lien l’un avec l’autre. D’abord, il y a ma clé USB. Je l’ai prise en photo parce qu’elle est importante et je ne la sors pas de chez moi. Elle détient tous mes univers et je n’ai aucune envie de les perdre, malgré qu’ils soient coincés dans ma tête. Le second objet…

Je plonge me main dans mon sac, à la fois fier et inquiet.

—C’est mon roman.

Je le tiens fermement entre mes doigts. Accepte qu’il brûle ma chair, puis l’expose au centre de la table basse.

Tout le monde s’extase, certains me félicite, disant combien c’est merveilleux. Un peu comme moi quand jeune j’apprenais qu’un tel avait tourné une pub de ravioli dans mon collège ou qu’une autre jouait du violoncelle. C’est comme-ci il y avait quelque chose de prestigieux à être éditer. Pas vraiment.

Après les quelques éloges et un grand bravo de Gontran, je reprends la parole.

—Ce récit je l’ai écrit, il y a un peu plus de trois ans. Je le destinais à une autre maison d’édition qui avait trouvé le texte inabouti. J’ai fait de mon mieux pour le retravailler. Puis Une maison d’édition m’a offert la chance de signer un contrat. J’étais tellement euphorique, prêt à conquérir le monde. J’étais persuadé que ce texte serait le bon, celui qui me propulserait en avant. Il a été publié le 6 févriers 2021. J’en étais si fier. Puis, je le lu et j’ai vu tous les problèmes qui teintaient ses pages. Des phrases alambiquées, des fautes toutes les trois pages, de la confusion dans certaines autres. Je suis tombé de haut. Et plus encore quand…

Un poids se forme dans ma poitrine et une boule obstrue ma gorge. Je bloque, gardant les mots en suspens.

—Ils m’ont annoncé un peu moins d’un plus tard qu’ils voulaient arrêter la production.

Les larmes jaillissent de nulle part. je n’arrive pas à les contenir. Mon visage se déforme. Suis-je entrain de pleurer devant des gens que je connais à peine ? Est-ce réel ? Les yeux envahis de larmes, je suis incapable de voir les autres qui commencent déjà à me réconforter. Je crois que j’ai choqué tout le monde, les entrainant devant la porte de mes ténèbres. Ils voient derrière mon apparence, ils sentent l’oppression qui me conçue. Je les submerge, comme l’émotion qui me terrasse.

—L’annonce c’est fait le jour même où j’ai gouté au plaisir de recevoir un cadeau de mère nature. Le matin même, je me rendais à la colline avec mes chiens et il y avait des bouquets de fleurs partout. J’aime les fleurs, alors j’en ai pris de bouquets. Je savais que ce simple geste de l’univers me donnerait du baume au cœur jusqu’à mon coucher. Mais tout à dégringolé avec le message de l’après-midi. Cette journée que, je pensais exceptionnelle, c’est transformé en la pire journée de mon existence. Et le pire, c’est que j’ai accepté d’arrêter la diffusion de mon roman. Au fond, je me suis dit que c’était mieux comme ça. Je n’avais aucune envie que les lecteurs lisent un roman bourré de fautes.

Je sèche mes larmes d’un revers de mains, n’ose pas lever la tête vers l’assemblée. Pourtant, je finis par le faire. On me regarde avec cette pitié qui m’insupporte, cette pitié qui me rend fragile. Ce n’est pas une pitié cruelle, elle est plutôt bienveillante.

Eronne me fixe. Ses yeux brillent. Est-ce moi qui l’ai rendu si triste ou ai-je interféré avec un souvenir ?

—Léandre, c’est super chouette d’avoir été édité. Et je pense que tu le seras encore. C’est peut-être juste un mauvais moment à passer pour accueillir un bien meilleur. Puis, si toi aussi tu trouvais que ton texte avait besoin d’être retravailler, c’est peut-être une chance, plus qu’un échec, lance Gontran avec une certaine maturité.

—Plus qu’un échec, c’est un apprentissage, rectifie Candyce. Je rebondis là-dessus parce que je l’entends depuis hier et j’aime pas ce mot : échec. Ça n’existe pas. Ça va allait Léandre ?

—Ouais, pas de problème. J’ai trop gardé en moi. Fallait que ça coule à un moment.

— Clarisse a ton tour.

Clarisse tient une petite figurine. On dirait un dieu Inca.

—Moi, j’ai apporté cette statuette, parce que c’était l’une des moins lourdes. J’en ai qui sont beaucoup plus imposante. J’aurais aimé voyager, mais il se trouve que je n’ai pas pris le temps pour ça. Alors, j’ai commencé à faire la collection de statue. J’en ai de toutes sortes, de tous pays confondu. Nombreuse sur la Grèce. Quand je rentre chez moi, j’ai l’impression d’avoir fait les quatre coins du monde sans bouger de mon canapé.

—Pourquoi tu ne tentes pas un voyage ? demandé-je. La Grèce ne s’est pas loin.

—Je ne sais pas. J’ai peur. De quoi ? Je n’serais pas expliquer. Parfois, j’ai envie d’acheter un ticket de train et de partir en vadrouille, mais je mets la télé sur la chaine voyage et je reste.

La facilité. C’est sûr que devant la télé, on n’risque pas les imprévus ou les déplaisirs.

Vient enfin le tour d’Eronne. Il a encore les yeux braqués sur moi. Je plante mon regard dans le sien avec force pour attraper le mystère qu’il cache, mais il se dérobe et sort de son sac un carnet. Il est simple, sans fioriture. La couverture rose me rappelle celle que Bélynda m’a offert quand elle croyait encore en moi ou quand elle était plus puérile. On avait vingt-deux ans, elle avait trouvé un job et avait voulu m’offrir un cadeau. « La vie en rose » était marqué en lettre argenté en bas de la couverture. J’y avais noté ma première romance, que j’avais abandonné aussi sec, ni trouvant aucun plaisir. J’avais retiré toutes les pages déjà griffonné et étais reparti avec un texte plus sombre, où maladie mental et fantastiques s’entremêlaient.

Eronne l’ouvre, puis le fait glisser sur la table basse. J’admire la photographie qu’y est collé. On dirait des fleurs de cerisiers. Il y a un jeune homme asiatique qui sourit. En fait, en fixant la photo, je n’arrive pas à savoir si la personne qui y figure est un homme ou bien une femme. Il y a un mot écrit sur le polaroïd. Je reconnais le caractère de « présent » sans comprendre le reste. Mes cours de japonais remontent au collège. Je les ai un peu abandonnés au profit du Hangeul, langue coréenne qui elle aussi, tombée dans les oubliettes. J’aime apprendre. Je veux apprendre. Mais si je n’ai pas le moteur pour poursuivre j’abandonne vite. A la vérité, l’écriture reste la seule dans mon esprit. Elle ne m’a jamais quitté pendant les dix dernières années. Etonnant alors que je suis du genre cœur d’artichaud. En fait, il y a l’écriture qui ne m’a jamais quitté.

—J’ai vécu deux ans au Japon. Je me sentais vraiment bien. À l’aise. Là-bas, j’ai rencontré Arashi Nakaoki. Il est devenu un très bon ami. Il m’a toujours soutenu et il me répétait souvent. « Vivre le moment présent c’est te faire un cadeau. ». Je ne comprenais pas bien où il voulait en venir. Puis un jour, il a coupé ses beaux cheveux. Il les soignait énormément, alors je n’avais pas compris pourquoi il les avait coupés, si court qui plus est. Il se trouve qu’il était malade. Un cancer. La chimio ne l’a pas sauvé, il l’avait commencé beaucoup trop tard. Quand je suis rentré en France quelques semaines plus tard, j’ai beaucoup médité ses mots. Ce carnet détient tous mes rêves et mes espoirs pour l’avenir, mais à chaque fois que je l’ouvre, je me rappelle qu’il faut d’abord regarder le présent et l’accueillir comme un ami.

Ok… Il vient de plomber l’ambiance. Personne ne sait quoi dire. Même Candyce cherche ses mots. Elle finit cependant par trouver.

—Ton ami avait tout à fait raison. Le présent est un lieu important. Il est comme un cadeau et il faut le goûter avant de faire de lui un passé éphémère. J’en ai vu beaucoup des personnes coincées dans le passé et d’autres, les yeux rivés sur l’avenir. Ils étaient, pour la plupart, perdu, avaient la sensation de rester figer. On va aussi apprendre à s’occuper du moment présent ici. Petit pas, par petit pas. C’est aussi une phrase à ne pas minimiser.

La pause marque la fin de « la parole ouverte ». Je me sens soulagé. Comme si le plomb qui m’habitait venait de rejoindre le sol. J’ai l’impression que mes soucis sont minuscules comparaient à certains. Mais ils sont là.

Candyce pause une main sur mon épaule alors que tout le monde est déjà sorti de la pièce.

—Ça va ? Tu as failli me faire pleurer. Tu es fort pour emporter les gens dans tes émotions.

—Je vais mieux. Ça fait clairement du bien de parler. Et surtout d’être écouté. On ne m’a pas écouté depuis une éternité. C’est peut-être ça qui me manquait.

—Tu te sens prêt à avancer ?

—Je veux y arriver. Je veux croire en moi et en mes possibilités.

—Je veux… J’aime ça. C’est ce qu’on va voir tout à l’heure. Je te donne mon avis, tu en fait ce que tu veux, ton roman est une réussite.

—Ah ! Tu trouves.

—Oui. Parce que tu l’as mené à bien. Tu es persévérant, Léandre. Il y a beaucoup de gens qui auraient abandonné avant la fin. Avant même le début. On dirait que tu sais te remotiver.

—J’ai surtout envie de réussir et clouer le bec de tous ceux qui m’en pensaient incapable.

—Alors, c’est bien, mais il faut que tu le fasses pour toi, pas pour clouer des becs. C’est ta vie pas celle des autres. Je sais qu’avoir l’approbation des autres ça fait du bien à l’égo, mais ça peut aussi jouer des tours. Tu as du talent. Ça se voit. Tu brilles, même inconsciemment. Moi, je vois ce que tu ne voies pas de toi. Et je pense que tu iras loin en te concentrant sur toi, te faire du bien à toi. Tu m’as dit pendant notre entretien individuel que tu faisais presque tout chez toi, ça fait combien de temps que tu ne t’es pas posé et que tu as fait un truc pour toi ?

—J’écris tous les jours, je vais à la colline…

—Je te parles de te faire plaisir intérieurement, hors écriture et balade.

—Je cherche dans mes souvenirs sans trouver une image qui viendrait se changer en réponse.

—Prends du temps pour toi aussi. Ne sois pas toujours à mille à l’heure.

—Je vais travailler ça.

—Je vais… j’adore. Ça ! c’est la bonne façon de penser. Je vais ! Il y a de l’assurance. Aussi, je voulais te parler de ton CV, tu me l’as envoyé hier soir, j’ai eu peu retravaillé dessus. Je te le donne tout à l’heure. On va effectuer un exercice justement pour lui donner du caché.

Je hoche la tête, elle sourit, me libère. Je rejoins le groupe dehors, tous le monde me tombe dessus pour me réconforter.

Quelle idée de se mettre à pleurer ! Je rassure tout le monde, chacun repart sur le sujet de sa conversation. Gontran et Eronne discutent avec Irène concernant sa vie privé et l’attitude de sa fille aînée. Je comprends en quelques bribes qu’Irène a été battu par sa fille quelques mois auparavant et qu’elle en a peur. Cependant, toutes les solutions que lui donnent Eronne, Gontran et même Corentin ne semblent pas lui convenir. Je comprends ainsi que rien n’est facile. Quand on est prisonnier de pensées néfastes c’est dur de voir une solution ou plutôt c’est compliqué de se résoudre à passer à l’action. Je ne dis rien écoute. Irène veut s’en sortir, mais plus je l’écoute plus j’entends la corde sur laquelle elle est suspendu craquer. Même son psy lui a demandé de partir de chez elle. Ce qu’elle ne fera pas. Pas avec l’esprit sombre qui l’habite. Je l’entends juste dire : « je voudrais vaincre, mais… ». Il n’y a qu’une assurance de surface chez elle, aucune conviction. Mais qu’ai-je à dire à sa vie ? Elle gère comme elle peut.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire NM .L ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0