17-À table
J’ai le sourire aux lèvres, me sent revivre. Mes parents me regardent. Ils semblent plus heureux eux aussi. Peut-être est-ce le bonheur ?
—Ta prestation à l’air de te plaire. J’espère que ça te permettra de trouver un emploi et de gagner des sous.
Mon père le dit avec son cœur, je sais que ce n’est pas dit méchamment. Il veut me voir prendre le chemin de la normalité, mais je me sens mal. Mon sourire s’estompe malgré moi, je fais mine d’aller chercher un truc dans la cuisine. Tous mes tracas réintègrent mon corps et je gamberge, jusqu’à me souvenir de vivre le présent et de mettre des barrières à mon anxiété chronique.
— Ça serait bien que tu puisses vivre avec Bélynda. Tu n’auras plus honte, si tu as un travail et que tu paie ta part.
Il est déjà en train de me foutre dehors. Et je vois dans le regard de ma mère l’image de petits enfants courir autour d’elle.
C’est pas vrai ! Pourquoi, j’ai la terrible sensation de ne jamais être vu comme je suis.
Je reviens en hochant la tête.
— Ouais, ça serait cool.
J’arrête de parler, tourne mon visage vers la télé. Un malaise s’installe. Mon père a du comprendre qu’il l’avait ouvert et qu’il venait de plomber l’ambiance ainsi que la semi-joie que j’avais réussi à garder après mon passage à la douche.
Au final, je suis toujours empêtré dans le moule « fais plaisir » et j’ai qu’une envie me dépêcher pour avoir la chance de passer les mailles du filet et me sauver.
C’est fou comme les inspirations des autres peuvent être un nid à merde pour d’autre.
Je mange en quatrième vitesse, dans le cas où mes parents trouveraient encore une idée pour me plomber le moral.
C’est en prenant mon assiette et en la posant dans le lave-vaisselle que j’entends la voix de Candyce : « On passe toute notre enfance à apprendre, et toute notre vie d’adulte à nous défaire des croyances qu’on nous a mis en tête. ».
Et si j’arrêtai de prendre les choses trop à cœur. Est-ce bien utile d’accorder de l’importance à tout ce que les gens disent et pensent être meilleurs pour moi ?
Qu’est-ce qui me ferait me lever le matin ?
Savoir que je suis un romancier accompli. Savoir que j’ai mis des efforts dans ma propre réussite. Partir humer les fleurs de la colline avec Léontine et Larson.
Peut-être que je ne connais pas encore cette joie qui vient lorsque la dopamine éveille le corps d’un excès de bonne humeur.
— Tu ne prends pas de dessert, fils ?
— Non, pap. Plus faim.
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