18- ange
— Je pensais que tout se passait pour le mieux. Pourquoi regarde-tu le plafond comme si tu y cherchais la voie lactée ?
— Tiens, manquait plus que toi. Vois-tu, je suis doté d’une grande imagination, je peux bien voir ce que je veux sur ce plafond. Même l’avenir enchanté que je me brode et qui ne viendra… jamais.
— Te revoilà avec tes casseroles et tes mauvaises pensées. Où est donc ce sourire que j’ai vu toute la sainte journée.
— Sans doute dans mon plat de spaghetti carbonara. Va voir dans le lave-vaisselle, tu la trouveras peut-être.
Je soupir, me roule en boule dans mon lit. Léontine me lèche le gros pouce, puis se rendort, comme si elle avait eu la nécessité de me prévenir qu’elle me laverait toujours les pieds quoi qu’il arrive.
— Pourquoi je dois toujours me sentir mal, Ariel ? Qu’est-ce que je dois comprendre à cette douleur qui me tue l’âme ? Qu’est-ce qu’elle est supposée m’apporter ? J’n’arrive pas à saisir le message de l’univers.
— Tu sais déjà qu’il y’en a un. C’est un bon début pour aller mieux. Il faudrait aussi que tu arrête d’écouter les gens. Pourquoi prendre leur mauvais jugement comme parole d’évangile ?
— Parce que j’aimerais un jour convenir au monde.
— Conviens-toi à toi-même, ce sera un bon début. Tu regardes trop les autres. Leur réussite, leur croyance… C’est à eux, pas à toi.
Ariel s’assoit sur le rebord du lit. Son corps diminue, ses cheveux me borde comme un drap de soie et sa main se pose sur ma tête.
— Tu peux pas éliminer le négatif de mon être ?
— Le négatif doit rester pour te mener vers le positif. Il a une utilité, même si tu ne le sais pas encore.
— J’ai l’impression de régresser, que les efforts investis se cassent la gueule comme des vieilles poteries déjà trouées.
— Qu’aimerais-tu dire au monde maintenant ?
— Va chier des pruneaux ou laisse-moi avoir mes miracles.
— Très poétique, Léandre. Et sinon, sans le prendre à la rigolade.
Je me redresse, lui fait face.
— Est-ce que j’ai une tête à rigoler ? Je suis fatigué d’essayer et de ne rien voir venir que des claques dans ma gueule.
— Tu es une personne capable de persévérance.
— Et si je n’étais pas si fort que tu le crois ?
— Tu n’es pas fort, tu résistes. Et tu as une résistance épatante. Tu pousses la roche qui te bloque le passage depuis tant d’années et là tu vois ce que tu pourrais avoir, si tu redoublais d’efforts. Je ne crois pas que tu arrêteras de pousser. Tu es bien trop curieux pour céder à un caillou.
— Bah, la curiosité me fait chier. Elle me rend moche. Regarde ma tête. J’ai des boutons qui me sortent partout, j’ai de l’eczéma dans le cuir chevelu et je dors mal.
— Hier, tu as bien dormi.
— Hier n’est pas aujourd’hui. Je veux me sentir beau et bien. Je veux arrêter de puer en déplaçant connement cette roche. Y’a bien un autre chemin. Il te suffit de me le montrer.
— Il y’en a bien un, mais il est dans l’obscurité la plus total. Et dans cette grotte où tu es emprisonné, il y a mille dangers.
— Je sais, c’est moi qui l’ai créé, avec l’aide de beaucoup d’autres personnes.
— Tu as la solution de la force ou du courage. À toi de voir laquelle te convient.
— La facilité.
— Tu es conscient qu’aucune n’est facile.
— C’était du sarcasme. Avec un soupçon de vérité. Combien de blessures la vie va-t-elle encore m’infliger ?
— Je n’ai pas la réponse.
— Tu l’as, mais tu ne veux pas la dire.
Lever de mon lit, j’ouvre mon ordinateur et m’assoie sur ma chaise. Ariel glisse ses bras autour de mon cou. Je ne sens pas le poids qu’il met sur mes épaules. Seuls ses paroles pèse un âne mort.
— Tu vas écrire ?
— Non, j’ai besoin de compliments et Eronne a dit qu’il viendrait lire ce soir.
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