21- Dans la peau du recruteur
Je me sens puissant de l’autre côté de la table. Rien ne m’inquiète, c’est moi qui tiens les rênes, moi qui prendrai la décision. Je suis le maître du jeu, et j’ai entre les mains la vie du candidat.
Corentin est devant nous, je sens la panique qui exhale de lui alors que tous les yeux se pose sur lui. Même si je ressens du stress, je vois combien il a changé depuis le début de la semaine. Ces cheveux courts montrent qu’il a pris plus confiance en lui. On dit souvent d’une femme qui change de tête à décider de changer de vie, ça doit marcher dans le même sens pour un homme. Devrais-je moi aussi me couper les cheveux ? On verra bien, pour le moment il me serve contre le froid de l’hiver.
Après des banalités échangées avec le candidat, je lui demande de se présenter. En l’écoutant, je sens la confiance en lui prendre le contrôle. Sa voix est plus claire, il est pro, connait son texte de présentation à la perfection. Pas une fois, je l’ai vu regarder la feuille qu’il a pourtant mi sur la table. Il nous regarde tour à tour.
Je remarque qu’on est tous arrivé avec nos casseroles et que plus jours passent, plus on se libèrent de nos craintes. C’est comme s’il y avait eu une éveille collective.
Après qu’il nous avait eu avoué qu’il avait eu besoin de faire un break d’un an pour lui, il était prêt à commencer à travailler et créer son avenir.
— Qu’est-ce qu’un bon comptable pour vous ?
Corentin se tourne vers moi.
— Une personne qui fait ce pourquoi il a été engagé et qui répondu à l’attente de son employeur. Une personne qui ne craint pas les chiffres et qui s’en fait des alliés.
Mes sourcils se haussent, et je hoche la tête, satisfait de la réponse donnée. Il vient de marquer des points, et ça même si je n’y comprends pas grand-chose en comptabilité.
Les questions défilent, jusqu’au verdict. Bien que Corentin soit entré avec un stress apparent, à la fin de l’entretiens, il se sent plus serein.
En m’asseyant avec les observateurs, je me demande ce qui fait un bon romancier. Y’a-t-il des critères, comme ne pas faire de fautes ou rendre les personnages attachants et donc vivant ? J’ai la terrible sensation que je ne dispose pas des bons critères pour avoir le droit d’écrire. Connaître ses lacunes et ne pas savoir les corriger, je crois qu’il n’y a rien de pire.
Il faut que vous fassiez attention à votre gestuelle. Les bras, les jambes ne doivent pas être croiser. Restez droit, pas avachie en avant ou en arrière. Ne collez pas votre dos au dossier. Faites attentions à vos expressions. Ne souriez pas trop, ne tirez pas la gueule pour autant, et évitez les grands gestes, intervient Candyce, alors que Gontran sort de la pièce et devient candidat à son tour.
Debout devant la fenêtre, je prends un peu l’air, le regard figé sur Eronne qui commence a écrire sur son cahier dont je remarque après quatre jour la couverture en cuir. Il avait dit qu’il avait travaillé en maroquinerie. Est-ce de sa confection ?
Peut-être que mon regard devient trop incitant.
Eronne passe sa main sur sa nuque, me dévoilant trois larges cicatrises sur son épaule gauche. Que lui est-il arrivé ? Saurais-je le lui demander ?
Avant qu’il dirige son regard vers le mien, je fais mine de fixer mes pieds. Quand je les relève, il les tourne vers le jeu de rôle et Gontran qui recommence à s’exciter tout seul. Il parle fort, s’agite un peu, on dirait qu’à tout moment, il va sauter sur la table et se mettre à jouer chaque acte de sa vie. Au moins, je ne pourrais pas lui retirer la passion qui sort de sa bouche. Est-ce que je lui ressemble quand je me mets à parler de mes écrits ? Est-ce pour ça que Bélynda me traite d’illuminer, que les gens pensent à tort que je suis encore un grand enfant qui ne saura jamais grandir ? Est-ce que je gesticule autant que Gontran ? je me sais tactile, mais à ce point, j’ai comme un doute. C’est étrange, Gontran, lui, me donne envie d’en apprendre plus sur sa vie. Est-ce que moi, j’inspire ça aux gens ? Et si je n’avais tout simplement pas les bonnes personnes autour de moi ? Et si ces personnes n’étaient là que pour un temps ? Pour m’affirmer ? Affirmer qui je suis. Me donner la hargne de poursuivre et de me prouver de quoi je suis capable. J’ai toujours eu besoin d’un moteur pour avancer, tel qu’il soit. Je me dis les personnages avec qui je me lie m’apportent quelque chose et peut-être que Bélynda n’a pas encore fini de m’offrir ses besoins. Pourtant, je sais aussi qu’un jour elle disparaîtra et que j’en serai la cause. Je me vois lui dire ce que je pense au plus profond de moi, et partir.
Eronne vient de me chopper en plein épiage de son image.
Je vois une question se former dans son regard. Je n’y réponds pas, mais le fixe encore un peu. J’attends qu’il détourne ses yeux. Il le fait, je me sens victorieux. Je n’aime pas me défiler quand on me prend à mater. Et quitte à passer pour un grand malade, je fixe la personne jusqu’à ce qu’un malaise la traverse et qu’elle abandonne.
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