Tous allongés au sol, nous débutons une séance de méditation pour clôturer cette première semaine de stage. Plus que deux jours et tout s’achèvera. Je n’ai pas envie d’arrêter, pas envie de quitter ces personnes qui me donnent l’impression de vie. Je suis enfin dans un groupe, plus seul dans une chambre aux murs épais.

Le chant de la mer inonde la pièce. Mon corps se détend à chaque inspiration. C’est comme partir se coucher et sentir le plomb dégringoler dans le vide. La voix de Candyce, douce et pénétrante, commence à effectuer son travail. Une image se dessine dans ma tête, ce qui n’est pas exceptionnelle. Une plage, des chênes, et de la neige. Mon esprit fait un peu comme il l’a décidé.

— Observer les mots et les phrases que je partage avec vous, accueillez toutes les sensations. Faites confiance à votre corps, à vos aptitudes. Votre inconscient sait ce qu’il a à faire. Oubliez les tensions, le monde extérieur. Respirez, sentez votre flue vitale et lâchez prise. Vous êtes avec vous. Aujourd’hui, vous allez cultivez votre bien être. Respirez calmement. Laissez votre esprit trouver le calme. Je vais comptez jusqu’à trois, et chaque chiffre vous permettra d’approfondir de plus en plus cet état de relaxation.

J’écoute le décompte, plonge à l’intérieur de moi. La plage et la neige disparaisse. J’aperçois une lumière. Je crois que c’est mon cœur. M’approchant, je vois des images défiler. Je me vois sourire. Je suis beau, bien. Je ris. Il y a quelque chose qui a changé dans mon regard. Un éclat de bonheur brille à l’intérieur. Je sais intuitivement que ce visage je le porterai bientôt et je me sens de plus en plus léger.

Alors que j’entends toujours la voix de Candyce, je vois entre mes doigts de la terre. Une graine se trouve au sommet. Elle pénètre la terre et une tige en sort. Elle pousse, elle grandit. Si vite. Elle devient un livre. Sur ce livre s’écrit un titre : Jusqu’où la confiance en moi et mes projets m’a mené. L’ouvrage s’ouvre sur une première page. Dessus, il y a le paragraphe sombre et dépriment que j’aie noté dans le recueil.

Froideur du temps, cesseras-tu de geler mes os ?

Quand arrêterais-je le flot de larmes qui s’écoule sur les rigoles de mon cœur ?

Avancer ? Pour mieux retomber ?

J’ai peur. Je souffre. Je ne sais plus voir la beauté du monde. Les opportunités ? Le voile de la dualité les a assombris elles aussi.

Tout est si sombre, confus. Tout paraît vide de sens. La route se dresse où mille embûches se tiennent. Je la regarde sans parvenir à me lancer, à m’en approcher. Il y a eu des tentatives, des essaies, mais je reviens toujours sous l’arbre aux branches mortes.

Tout en bas de la page, il y a une phrase : Je suis la lumière de mes ténèbres et les ténèbres de ma lumière.

Je comprends que je peux choisir d’aller mieux et tourner une page pour écrire autre chose que mes lamentations.

— Revenez à cette image de vous étant la meilleure version de vous-même. Regardez-vous de l’extérieur. Regardez cette personne confiante que vous êtes devenue. Comment est votre regard ? J’imagine que c’est un regard sûr. Comment vous sentez vous ? Prenez le temps de ressentir cela. Votre confiance. Touchez-vous, ressentez-vous. Demandez-vous pourquoi vous êtes devenue si heureux, si confiant, si serein. Ne perdez pas cette image de vous, observez-là à chaque fois que vous vous sentirez mal et rappelez-vous que vous pouvez vous aussi voir le bon côté des choses et avancer. Le monde n’est qu’apprentissage. Il n’y a pas d’échecs. Vous pouvez imaginez ce que vous désirez parce qu’ici vous êtes libre. Vous pouvez vous élever, atteindre vos objectifs. Vous avez de la valeur et avez la force de réaliser vos rêves. Aujourd’hui vous choisissez de vous aimer. Vous êtes bien plus capable que vous ne l’imaginez. Dites-vous des choses, des mots, félicitez-vous. Soyez fier de ce que vous accomplissez. Vous n’avez besoin que de vous-même pour réussir.

Je sais que je vais le faire. Je vais apprendre le bonheur. Je vais me confronter à mes envies. Celles que je garde enfermées en moi depuis trop longtemps. A quoi ma vie ressemblera quand mes désirs sortiront de moi et vivront leur vie à leur tour ? Je suis inquiet et confiant à la fois.

Je me sens pousser des ailes. Je sens qu’il faut que je repousse ma déprime habituelle, que je l’éloigne à coup de « je vais… ».

La musique s’arrête. Candyce nous invite à ouvrir les yeux et à nous redresser. Je suis centré sur moi et choisis de croire en moi et de me respecter. Je suis bien et confiant.

Un tour de salle s’impose. Candyce nous demande à chacun comment on se sent, le mot alléger revient sans cesse. Comment fait-on pour emmagasiner tant de poids ?

L’heure nous impose de rentrer chacun chez soi et soudain, je marche à reculons. Je n’ai pas envie de rentrer. Je serais prêt à faire une pyjama partie pour rester avec ces gens qui ne me jugeront plus à ce stade du stage. Nous venons d’apprendre les mêmes valeurs. Le respect s’est inscrit en nous et envers les autres. Si je les quitte que se passera-t-il ? Est-ce que la confiance que je viens de me broder sera encore là.

On commence à ranger nos affaires. Eronne me lance un regard. Il a compris. Je ne veux pas rentrer chez moi.

Il s’approche, et vient chuchoter à mon oreille :

— Concentre-toi sur toi et sur ce que tu veux toi. Ne pense pas à ta famille. Si le jugement ne vient pas de toi, regarde son utilité dans ta vie et jette-le si c’est nécessaire. OK ?

Je remue la tête comme un gosse.

— On a encore deux jours ensemble, puis vu qu’on habite à côté, on pourra toujours ce voir.

— Ça me va.

— Et puis, j’aime bien ton univers. Crois-moi que je continuerai à te lire.

— Peut-être qu’un jour tu m’éditeras.

— Et pourquoi pas ?

Il me sourit en frottant mon dos amicalement.