25- Eronne
Nous sortons les uns après les autres. Certains discutent encore avec Candyce. Je ne sais pas si je dois attendre Eronne, du coup, je m’éclipse. De toute façon, on n’est pas sûr de se revoir.
Seul dans le couloir, je sens revenir le plomb qui m’avait quitté au sein du groupe. Les terreurs s’agglutinent au fond de ma conscience, quand le voix d’Eronne s’élance derrière moi.
— Pars pas comme ça ! Attends-moi. C’est quoi cette petite mine ?
— La mine d’un type qui a peur de se faire aspirer par les sables mouvants de la déprime et de la routine.
— Rien ne sera plus pareil.
— Qu’en sais-tu ? Et si je n’étais pas capable de me sauver ?
— En as-tu envie ?
— Evidement ! Je prie pour me délivrer et vivre ma vie.
— Alors ne craint rien. Je ne te dis pas que ça va s’arranger du jour au lendemain, mais tu en veux et tu auras.
— Combien de temps ?
— Le temps qui faudra.
— Je ne suis pas hyper patient.
— Je sais. Tu l’as dit. Mais pour réussir, ne peux-tu pas fournir un effort ?
— J’ai l’impression d’en avoir tellement fait.
Nous descendons les escaliers presque collés. Je sens la chaleur de son bras recouvrir la mienne. Me revoilà à penser à des trucs bizarres.
— Qu’est-ce que tu veux, plus que tout, Léandre ?
— Devenir romancier et vivre de ma plume.
— Quoi d’autre ?
— Me faire des amis, parce que je n’en ai pas. La seule amie que j’ai, c’est Bélynda. Mon seul véritable lien social.
— Ecoute, Léandre, je sais une chose aujourd’hui, c’est que tu as la hargne pour te réaliser et que va en prendre conscience. Ne t’étonne pas de ce qui arrivera vers toi. Tu le mérites. Tu vas vraiment travailler dur. Ne perds pas espoir. C’est pas parce qu’aujourd’hui, il fait noir que demain, il ne fera pas jour. En tout cas, si tu pensais que j’allais disparaître de ta vie, oubli. Je t’aime bien. On va être de grand pote, et attends-toi à me retrouver, dans pas si longtemps, dans la réalisation d’un de tes rêves. On va se côtoyer pendant des décennies.
— Qu’est-ce que tu vois exactement ?
— C’est encore flou, mais je sais que je me tiendrai souvent à tes côtés mon pote.
Son bras s’enroule autour de mon cou et sa main vient serrer mon épaule.
— Je peux cependant te dire, que je serais là, le jour de ton mariage et dans les jours importants.
Il me fixe comme s’il voyait ma vie défiler sous ses yeux marron glacé. C’est cette expression de gars qui en sait plus long qu’il ne veut bien en dire qui m’a interpellé.
Avant de se quitter, il écrase encore mon épaule, puis la caresse.
— Sache que je continuerai à te lire aussi, et j’attends un texte en particularité.
— Le chausseur de Dame ?
— Non. Un que tu viens de mettre en ligne. Il n’y a que les trois premiers chapitres.
— « Bouche à bouche » ?
— Hum… celle-là.
Eronne par le premier. Je l’observe monter dans sa voiture grise, et poursuis mon chemin jusqu’à l’arrêt de bus quand Bélynda m’appelle et me dit qu’elle m’attend au coin de la rue.
En entrant dans son van, je sais déjà qu’un jour, il faudra qu’on se quitte. J’aimerai le faire maintenant, mais je reste qui je suis. Je ne le ferai jamais avant de mettre m’y en sécurité.
*
Dans ma chambre d’ado, je lis les derniers commentaires d’Eronne et de Aséria. Il semble que le titre bouche à bouche est de l’effet sur eux. Pourtant, je ne regarde que le chausseur de dame ainsi que mon roman en court d’écriture. Encore deux chapitres et j’aurai terminé le premier jet. Si les étapes de ma vie pouvaient être aussi simple que rédiger des chapitres, peut-être que les idées qui émergent de ma tête verront le jour plutôt que prévue.
Aujourd’hui, je sais ce que j’aime.
Demain, saurais-je l’exprimer ?
J’ai envie de voir jusqu’où j’irai.
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