Eva est à la terrasse d’un café, un verre posé devant elle, elle consulte son téléphone portable. Elle sourit et répond en tapotant sur l’appareil. Occupée comme elle l’est, elle ne voit pas arriver le succube qui s’assoit directement à sa table. Percevant le mouvement, elle lève un regard étonné vers celui qui vient perturber ses échanges téléphoniques. Son regard, qui, alors qu’elle répondait en regardant son téléphone, était tendre et souriant, change complètement. Je vois d’abord la surprise passer dans ses yeux, avec un brin de colère pour cette intrusion dans son espace. Puis, devant l’homme qu’elle a devant elle, l’interrogation, rapidement remplacée par le désir.

L’homme qu’elle voit est grand, svelte et bien fait, légèrement musclé. Des cheveux noirs coiffés en bataille, un visage anguleux, volontaire, des yeux noirs eux aussi. Il ne ressemble pourtant pas du tout à cela, et si elle le voyait tel qu’il est réellement, elle partirait certainement en hurlant de peur. Tel est le pouvoir des succubes, ils peuvent prendre l’apparence des désirs de celui ou celle qu’ils vont séduire. En réalité, celui-ci possède un visage rouge, large mal proportionné. Des cheveux blancs, filasses, qui tombent dans son dos. Un dos duquel sortent deux grandes ailes de cuir noir, munies de cinq griffes à leurs extrémités. Il est maigre, et ses jambes arquées se terminent par deux pieds griffus, tout comme ses mains.

Mais Eva ne voit qu’un magnifique mâle de son espèce, et sans qu’il n’ait encore déployé qu’une parcelle de son pouvoir, elle est déjà non seulement fascinée, mais en plus brulante de désir.

Je sens une boule se former dans mon estomac. Une boule chaude, brulante même, qui gonfle à une vitesse inouïe. Je quitte le déroulement de ce qui me passe devant les yeux, étonné par cette sensation qui enfle dans mon ventre, puis dans ma poitrine. Je tourne la tête vers Cup qui me regarde avec surprise, puis vers Bel qui lui semble intéressé.

Je reviens à Eva au moment où le succube déploie une partie de son pouvoir en s’adressant à elle.

— Puis-je me permettre de vous offrir à boire charmante demoiselle ?

J’observe la chaleur du pouvoir envelopper Eva, la caresser. Je vois son corps se tendre sous l’effet du plaisir qu’elle doit ressentir. Sa peau se couvrir de chair de poule, sa bouche s’entrouvrir alors qu’elle retient son souffle.

Essayant de maitriser ce que j’identifie comme de la colère, et qui continu à prendre une place de plus en plus importante dans mon esprit, je m’adresse à bel d’un ton détaché.

— Tu as fait intervenir l’un des notres dans leur monde ? Pourquoi ?

Malgré le sourire ironique qu’il affiche, il semble étonné de ma question.

— Ca m’amuse, une expérience.

La boule de colère gonfle encore un peu en moi, je regarde Cup.

— Et toi, pourquoi est-ce que cela te gène que Bel ait envoyé ce succube ?

— J’observe cette femme depuis plus de deux ans. Elle est un condensé des émotions qui tiraillent les humains, elle me fascine. L’intervention du succube perturbe mon étude.

Bel intervient.

— Je l’observe aussi depuis quelques temps. Je voulais voir la voir réagir à un désir extrême.

Cup se tourne vers lui.

— Ce qu’elle ressent pour son mâle est pourtant déjà très fort.

La boule de rage atteint ma gorge alors que Bel réplique.

— Elle ne s’accouple pas qu’avec lui.

Alors que l’échange se poursuit, la rage atteint ma bouche. Son goût sur ma langue me surprend et m’interroge. Tout comme les réactions inhabituelles de Cup et Bel.