Chapitre 4 - La faveur

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Académie,

Mercredi 12 Octobre 1843, fin d'après-midi

-S-

-L'Ether est l'essence spirituelle, l'âme de toutes choses sur terre. Normalement inaccessible pour les êtres vivants, il est cependant possible pour certains de réussir à percer ses mystères et à la manipuler, déclarait Simbad tout en se déplaçant dans la pièce. A l'image de la nature et de ses innombrables sources de vie, l'essence de l'éther est différente pour toutes choses. De la plus petite pierre à l'oiseau qui vole dans le ciel.

Il reprit sa respiration tout en jetant un regard à ses jeunes élèves.

  - Dans un état "inerte" quand on s'intéresse aux objets élémentaires comme les pierres, le feu ou les plantes. Elle est qualifiée de vivant lorsqu'elle constitue un animal ou une personne comme nous. Votre parcours à l'Académie, vous permettra de ressentir une affinité particulière pour l'éther inerte d'un élément. Vous serez en mesure par la suite de la ressentir, de la contrôler et de la modeler selon vos envies.

Le professeur sortit un bout de métal de sa poche sous les regards curieux de ses élèves. D'un geste le bout de métal se mit à virevolter dans la pièce changeant de formes en permanence rappelant les jets d'une fontaine. D'un coup d'oeil, Simbad transporta l'acier sur son bureau. Quand le bout toucha le bois du meuble, il avait repris une forme géométrique.

-Cependant, gardez à l'esprit une règle simple ! Reprit-il avec enthousiasme. Dans vos processus de manipulation, "rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme" ! Jamais vous ne pourrez transformer du plomb en or ou de l'eau en nourriture ! Votre affinité vous permettra de changer la constitution, la forme, mais aussi de mouvoir votre objet. Et pour les curieux, n'espérez en aucun cas maitriser l'éther dit "vivant". L'esprit d'un être vivant est beaucoup trop complexe pour être manipulé par autre chose que les mots.

C'est alors qu'une petite main se leva au premier rang. Le professeur la remarqua puis se tourna pour l'écouter.

-Est ce que cette règle concerne les primaires, maitre ? Demanda une petite gobeline.

Curieuse, elle était assise sur trois larges encyclopédies, afin d'être à hauteur de table. Ses yeux regardaient avec émerveillement la sculpture de métal qui tronait maintenant sur le bureau.

-Non ! A ce jour, nous n'avons pas trouvé de limite au pouvoir d'un primaire. Vous pourriez, en théorie, effectuer tous les prodiges que votre cerveau peut imaginer. Mais il est rare de croiser leur route. Les seuls recensés à ce jour se compte sur les doigts d'une main.

-Qu'est ce qu'un primaire ? chuchota un des élèves à son voisin.

-Pour rappel, reprit Simbad en faisant mine de n'avoir rien entendu, un primaire est un éthérien ayant la capacité contrairement à nous tous ici présent de ressentir l'afflux d'éther dans tout ce qui nous entoure. Les écrits d'Asuna évoquent des pouvoirs dignes de fiction. Mais elle déclare également que même un être aussi puissant à ses limites.

Tout en discutant, Simbad aperçut l'un de ses élèves qui s'amusait à dessiner sur un morceau de papier. Doucement, la plume quitta la main de son propriétaire et vola délicatement sur le bureau du professeur. Ce dernier continua sa route, ainsi que son discours. Surpris par l'envol de sa plume mais également par les pouvoirs de son maitre, il se remis droit sur sa chaise.

-Comme vous le savez peut-être, utiliser vos pouvoirs puise dans votre énergie. Il vous faut alors impérativement prendre garde à votre constitution physique et mentale. Réalisez un tour trop grand et votre destin deviendra... funeste.

Une main se leva alors à l'autre bout de la classe.

-Toute personne qui manipule l'éther d'un élément, déclarait le professeur, aussi petit soit-il, peut atteindre à sa vie s'il va au-delà de ses limites.

-Maitre ? déclara l'un des garçons la main toujours levée.

Simbad se retourna puis lui fit signe de parler.

- On dit que vous avez réussi à pousser votre affinité avec le métal à la perfection, vous avez donc dû repousser vos limites pour en arriver là ?

- Évidemment ! répondit l'elfe avec bienveillance. Mais il faut le faire intelligemment et par étape ! Cette image vous fera comprendre : voyez votre pouvoir comme un muscle ordinaire qui n'a jamais porté de poids. Au début, une masse négligeable sera aussi difficile à porter qu'une montagne, et puis à force d'entraînement, votre muscle s'améliorera et repoussera vos limites physiques. Le fond est similaire, faites un entrainement régulier et progressif sur les années et vous verrez qu'atteindre mon niveau n'aura rien de surprenant.

- Maitre, est-il vrai que vous avez réussi à arrêter une balle ? Demanda un jeune nain qui, accoudé à sa table, rêvassait au fond la classe.

Les chuchotements s'intensifièrent. Certains semblaient étonnés voir interrogateur sur la véracité de ces faits, quand d'autres affichaient de l'admiration pour leur enseignant. Il y avait de quoi, même pour un bon manipulateur de métal arrêter ou même dévier une balle de mousquet était une épreuve ardue. La vitesse du projectile était telle qu'il fallait ressentir l'éther et dissiper son énergie en une fraction de seconde.

Simbad n'avait jamais arrêté de balle non, mais il y avait une part de vérité car il avait réussi à en dévier une. L'histoire de cet exploit lui revint en mémoire : l'image de son meilleur ami Molok avec un mousquet, les catacombes de l'académie. Mais surtout la punition quand le proviseur de l'époque avait eu vent de leur expérience car il n'était pas passé loin de la catastrophe. L'elfe cacha sa gêne et demanda le silence dans la salle.

-Comprenez une chose chers élèves, notre don ne doit en aucun cas être un jeu ou une arme contre autrui.

-Alors pourquoi nous apprendre à le contrôler ? sonna une voix dans la salle.

-Contrôler vos affinités vous permettra d'éviter des phénomènes indésirables qui peuvent émaner de vous en cas d'émotions fortes. Cela vous permettra également de mieux vous con...

C'est alors que trois coups retentirent sur la porte.

En une fraction de seconde, tout le monde s'arrêta de parler, puis se tourna en direction de ce nouveau visiteur. C'était un vieil orc courbé, aux cheveux blancs, qui fit son apparition vêtue d'un élégant costume marron. Après un bref regard sur la classe, le vieillard finit par sourire en direction de son collègue :

-Veuillez m'excuser professeur, mais quelqu'un exige votre présence.

Simbad réfléchit tout se touchant le front, comme pour évaluer le taux d'urgence. Mais voyant les yeux écarquillés que faisait son collègue, il comprit alors qu'il devait arrêter le cour ici.

-Je suppose que je ne peux pas terminer le cours d'initiation de ces jeunes personnes... Déclara-t-il tout en montrant la classe qui l'entourait.

Le regard des élèves s'illumina à l'idée de terminer leur journée plus tôt. Surement pour rejoindre les salles communes plus rapidement.

-Je suis désolé mais la personne s'est montrée plutôt pressante, précisa l'orc.

-Très bien... Bien, mes chers élèves ! Nous nous arrêtons là pour aujourd'hui, n'oubliez jamais ce que je vous ai dit. Le pouvoir ne doit en aucun cas être une arme ! déclara-t-il pendant que certains rangeait leurs affaires. D'ailleurs, pour le prochain cours, vous commencerez la lecture du traité sur le coût de l'éther, écrit par la grande Archimage Asuna. Comme cela nous pourrons avancer plus vite la prochaine fois.

Les élèves qui pensèrent s'en sortir sans devoir travailler un minimum soufflèrent...

- Mais il est énorme, geignit l'un d'eux.

Le traité était une corvée à lire et Simbad le savait. En plus de son dialecte des temps anciens, il recensait précisément les cas possibles d'utilisation de l'éther et leur effet sur le corps. Autant dire qu'en 300 ans, le nombre de cas différent s'était considérablement agrandi. L'ouvrage était devenu une référence, connue de tous, comprit par les plus érudits et, lu en travers par les étudiants de l'Académie. Simbad du attendre son entrée dans le corps enseignant pour comprendre son sens.

Ils rangèrent tous leurs affaires puis sortirent en courant, certains s'arrêtant devant le professeur afin de poser une dernière question avant de partir. Simbad se dirigeait lentement en direction de sa table, afin de ranger ses affaires. Le vieil orc qui était alors resté sur le pas de la porte s'approcha doucement.

-Il est loin le temps où nous effectuions nos premiers temps à l'Académie... N'est-ce pas mon ami ? remarqua l'orc en regardant les derniers élèves présents.

-C'était il y a 50 ans à peine Molok et déjà à l'époque, tu t'amusais à me couper dans mes discours, répondit l'enseignant, le sourire aux lèvres, tout en rangeant soigneusement ses affaires.

-Allez Simbad ! Déjà à l'époque tu étais un surdoué et même le préféré de tous nos professeurs. Même Aurelius avait du mal à t'égaler. Il fallait bien que je te coupe de tes connaissances et te ramener chez les simples d'esprits. Tu serais resté seul avec tes discours sans moi, ricana le vieillard.

-Mes discours m'ont amené là où je suis aujourd'hui ! Je souhaite de tout cœur que ces jeunes gens ne connaissent pas la folie des guerres, comme toi et les autres de notre promotion.

- Seulement, toi et Aurelius avez pu échapper à cela en rentrant à l'Académie. Vous êtes des exceptions ! Ils devront réaliser leur service à la république, c'est inévitable. C'est le prix pour que l'académie reste tranquille aux yeux du palais sénatorial.

- Je sais ce que tu vas me dire...

-"Une éducation éthérienne contre dix ans de service !", déclara le vieillard le doigt levé.

-J'ai l'impression d'entendre notre ancien archimage, souffla Simbad avec dédain... Comment Aurelius peut-il encore accepter ça... Il pensait comme nous à l'époque.

-Il a pris la tête de l'académie ! Ce poste t'oblige à mettre de côté tes propres opinions afin de sauvegarder les libertés du peuple éthérien. Etant le seul primaire de notre génération, en plus d'être le descendant de la grande Archimage Asuna, la place lui revenait de droit.

-Ni sa lignée ni le fait d'être primaire implique d'être un bon leader Molok ! Regarde les écrits du passé, nombreux sont ceux à avoir sombré dans la folie à cause du pouvoir.

-Tu as raison ! Cependant, nous n'étions pas en mesure de décider quoi que ce soit à l'époque...

Un court silence, s'installa. Le professeur referma silencieusement sa sacoche, puis se retourna vers son ami.

- Je crains les évènements récents Simbad, reprit-il. Ces disparitions inexpliquées et ces attaques soi-disant magiques... J'ai un mauvais pressentiment. Le professeur Mylo a observé une absence dans sa classe... et l'Académie n'a plus de nouvelles de quelques-uns de nos confrères à l'extérieur.

Simbad se posa sur le bord de son bureau, les bras croisés, l'air pensif.

-Aurelius est venu m'en parler effectivement... répondit-il. Cependant les disparitions ne sont que très récentes... et les personnes ne sont en aucun cas connus comme violente. Il ne s'agissait que de scientifiques et des historiens...Pas des malfaiteurs ou des tueurs.

- Tout de même, tous ces témoignages ne sont pas le fruit du hasard. D'ailleurs est ce que tu saurais où il est ? Cela fait deux jours que je le cherche mais il n'est pas à l'Académie, demanda Molok. Il ne serait pas en expédition scientifique ?

-Il ne me semble pas, ou alors il le fait à un très mauvais moment. Ne t'inquiète pas il doit surement être en train d'éclaircir cette affaire !

Simbad tendit la main derrière son bureau afin d'atteindre le tiroir. Il en tira le journal du jour afin de montrer les grands titres accusateurs qui y figuraient. Le vieil orc souffla d'exaspération tout en balayant les lignes du regard.

- S'il y a bien un avantage à vivre moins longtemps que toi, souffla-t-il, c'est que je n'aurais pas à supporter la bêtise de ce monde longtemps.

Malgré les rides et le gris de ses cheveux, Molok et Simbad avaient pratiquement le même âge. Seulement les sept décennies de Molok se voyaient beaucoup plus sur son corps. Contrairement à Simbad qui garda les traits d'un jouvenceau. Son espérance de vie étant plus grande, cette situation était courante.

Cependant, Simbad, contrairement aux personnes de son âge, avait passé la majeure partie de sa vie au sein de l'Académie à s'instruire ou instruire les nouveaux élèves. Au-delà de ça, il n'avait connu que la grande cité de la Xeh Hian et son monastère pour enfant éthérien. Il n'avait jamais vécu la dangerosité des guerres avec les pays du nord. Il avait vécu à travers les lignes des livres et de la presse.

A la différence du vieux Molok qui, à ses 30 ans, passa ses dix années de service militaire, au sein de la brigade étherienne. Un régiment, composé des étudiants formés par l'Académie, qui était envoyé dans l'armée pour prêter main-forte à la patrie. Ils étaient déployés en soutient sur des opérations au sein du territoire de la république mais également au-delà des frontières.

Certains comme Simbad, ou Aurelius, l'Archimage de l'Académie, ont pu éviter ces années de service en travaillant pour l'éducation ou la recherche de nouvelles technologies.

- Ne t'inquiète pas, avec le temps, les choses se calmeront et tout rentrera dans l'ordre, répondit Simbad sur un ton rassurant.

Il rangea ses affaires, plaça le journal sous son bras et suivit le vieil orc dans le couloir. Une pointe de curiosité piqua Simbad :

- Comment t'a-t-elle convaincue de m'arrêter durant ma classe ?

- Comment sais-tu qu'il s'agissait d'elle ? demanda Molok.

L'elfe sourit.

- Je n'en savais rien, mais vu ta réaction, ma déduction était juste !

- Il faudrait que vos rencontres cessent ! Je ne pourrai pas vous couvrir éternellement, répondit Molok un peu agacé. La professeure Feligni m'a encore demandé, à la dernière réunion, d'expliquer certaines de tes absences.

- Tu sais bien qu'on ne peut rien lui refuser. Elle est gouverneure, Molok, répondit Simbad en se dédouanant. T'a-t-elle fait part de la raison de sa visite ?

- Je n'en ai pas la moindre idée, mais je suppose que tu auras la réponse assez tôt. Néanmoins elle avait l'air préoccupé.

Les deux hommes arrivèrent à l'embranchement d'un large corridor , tapissé et orné de nombreux tableaux. De larges fenêtres, ouvertes, donnaient sur la cour. Des étudiants allaient et venaient, déambulaient d'une classe à l'autre, lisaient dans des bancs taillés à même la roche. Certains se chamaillant ou se moquant d'autres, avant de se faire prendre par l'un des surveillants.

Quelques professeurs et chercheurs les saluaient amicalement en les voyant. La journée était finie pour les étudiants, mais ce n'était pas le cas des adultes qui troquaient les salles de classes pour les recherches scientifiques et magiques des "salles de science".

Le flot d'étudiants se rendaient quant à lui en direction de l'internat afin de rejoindre les salles communes et les lieux de révisions.

Les deux amis arrivèrent, à l'entrée de la cour. Ils pouvaient apercevoir la grande fontaine qui ornait la cour centrale de l'école. Puis la tour de l'archimage, ou se passait tous les conseils et les remises de diplôme. Simbad regarda les fenêtres en haut de la tour espérant y apercevoir la silhouette du directeur. Mais rien, il avait juste l'impression d'être observé par les vieilles gargouilles érodées qui le dévisageait la langue tirée.

- C'est ici que nos chemins se séparent mon ami ! On se rejoint plus tard en salle de repos, conclut Simbad en baissant le regard.

- Très bien, tu me raconteras autour de l'échiquier ce qu'elle voulait ! J'espère que tu es en forme car je suis en veine, déclara le vieil orc sur un ton joueur.

L'elfe rigola.

- Nous verrons bien cela !

-  Tu lui transmettras mes hommages, tu veux bien, lâcha le vieil orc en tapotant le dos de son ami avant de partir.

Il resta une petite minute, regardant Molok se diriger lentement vers la grande tour. Les élèves se retournaient et s'inclinaient respectueusement devant lui. Ses traits âgés inspiraient beaucoup de respect, mais au delà de ça, il était clair que le surveillant Molok O'Grauck était aimé des élèves. Il était un héros lors des guerres du nord, l'un de ceux qui avait été envoyé au-delà des cimes neigeuses afin de négocier le traité de paix avec les royaumes nordiques. La république ne l'a jamais récompensé pour ses exploits mais l'Académie et les soldats l'ayant suivi au combat ne l'ont jamais oublié.

Sa maitrise de la pierre n'était plus que l'ombre de ce qu'elle était, la vieillesse l'ayant beaucoup diminué... Il restait une personne d'une sagesse sans conteste, avec un nombre de contact impressionnant au sein de l'armée.

Simbad prit une respiration, puis reprit sa route.

Il aimait se rendre à son bureau, car il passait par la galerie des fleurs, un couloir rempli de murs végétalisés en tout genre. Même les baies vitrées étaient envahies par les plantes. Il était alors possible de connaitre les derniers ragots, mais aussi les discussions que pouvaient avoir les étudiants entre eux, car il passait discrètement derrière les bancs de la cour. Premièrement pour savoir si votre image avait changé ou non depuis la dernière cour.

Il avait tout entendu, des histoires d'amour aux des escapades secrètes, tout se savait dans l'école mais jamais officiellement.

Cela le ramenait longtemps en arrière quand il était lui-même étudiant. Sa première année où il resta isolé en compagnie des livres de la bibliothèque. Avant que Molok et Aurelius, en deuxième année, ne rentrent dans sa vie. Ils avaient réussi l'exploit de l'intégrer au groupe, quand ils surent que Simbad crochetaient les portes sans outils et sans bruit.

Il se souvint de les avoir suivis dans les dortoirs des filles, mais il n'avait que faire d'aller les embêter. Surtout quand certaines avaient le pouvoir de te brûler ou de te givrer littéralement sur place. Mais les persuasions de Molok et Aurelius étaient trop fort car ils réussissaient à le faire céder à chaque fois.

Les images qui défilaient dans sa tête, lui esquissèrent un sourire. Mais il fut de courtes durées car une discussion le sortit de sa pensée.

Deux étudiants parlaient tout bas de la disparition d'un de leurs camarades. Cependant, une fois arrivé à quelques mètres d'eux, les jeunes gens se retournèrent brusquement puis ne dirent plus un mot. Regardant et attendant avec un air coupable que leur professeur passe.

Cependant il était trop tard car il avait déjà tout entendu. Simbad hésita à leur poser quelques questions mais ils auraient nié en bloc.

Les titres des journaux lui revinrent en mémoire. Les rumeurs qui évoquaient des disparitions, soi-disant expliquées par Big B, sa mafia, ou par l'Académie. Mais ici au sein même de l'Académie ?

Simbad chercha un moment une explication plausible. C'est alors qu'il pensa aux anciens tunnels décrépis qui passaient sous l'Académie.

Il est vrai que vu l'âge du bâtiment, certaines zones des catacombes restaient encore méconnues. Construit du temps de la construction de l'école, ils étaient censés servir en cas de nécessité pour fuir l'Académie. Mais depuis ils furent oubliés. Tout comme les plans de construction, qui dit-on, furent brulés afin de garder leurs entrées, comme leurs différentes sorties, secrètes.

Aujourd'hui encore, des expéditions sont faites afin de retracer une carte exacte de ces sous-sols.

Finalement, des étudiants un peu trop curieux auraient facilement pu s'y perdre et y disparaître quelque temps. Peut être qu'il se prenait la tête pour rien.

Reconnaissant les élèves il se mit, tout de même, en tête de voir leur professeur principal après l'entretien afin de lui rapporter cette discussion.

Le temps de réfléchir aux quelques absents dans sa classe, il arriva devant la porte de son bureau.

Il s'attendait à voir son invitée patienter dans le couloir, mais, il se rendit compte qu'elle n'était pas ici. Le long corridor, qui s'assombrissait doucement, cachant au passage les innombrables tableaux, ne montrait pas un seul signe de vie.

Seul Simbad et l'Archimage étaient en mesure d'ouvrir sur bureau. La porte ne présentait ni serrure ni poignée. Il était alors peu probable qu'elle se trouve à l'intérieur. Il hésita une minute à rebrousser chemin, pensant à une mauvaise blague de son ami. Mais quelque chose au fond de lui le poussait à ouvrir entrer pour vérifier.

La paume en contact avec le bois, il ressentit le mécanisme secret, caché dans la porte. Une bille se déplaça puis déverrouilla la porte dans un cliquetis discret.

Simbad poussa le battant, découvrant une pièce plongée dans la pénombre, juste éclairé par la cheminée. Ses affaires étaient triées et entreposées dans un ordre dont lui seul avait le secret.

Seule une silhouette gracieuse face à l'âtre venait compléter la salle. A sa vue, son cœur se serra.

- Tu as été long dis-moi ! déclara-t-elle toujours dos à l'entrée.

Elle fixait la danse des flammes, un léger sourire se dessinant sur son visage.

- Comment êtes-vous... fit Simbad avant d'être brusquement coupé.

- Allons cesses de me vouvoyer je ne suis pas ici en qualité de Gouverneure !

L'ombre se retourna et montra une femme d'une beauté sans égale. Il reconnut immédiatement les traits fin et angélique de la gouverneure Kyoshi Sano, élue du prophète pour représenter la communauté Elfique. Elle n'avait pas changé depuis leur dernière rencontre : ses cheveux noirs tombant jusqu'au milieu de son dos, ne portant ni coiffes, ni les robes à la mode, préférant des tenues traditionnelles pourpres ornées de fleurs dorées et de symboles elfiques.

- Je suis toujours et je resterai celle avec qui tu as passé ton enfance Simbad.

- Soixante-dix ans se sont écoulées depuis... répondit l'elfe avec un sourire qui contredisait sa tristesse.

Elle s'avança dans sa direction, posa sa main sur sa joue avant de l'embrasser discrètement sur l'autre.

- Il est vrai nous avons vécu beaucoup de choses depuis lors, mais cela n'entache en rien notre relation, dit-elle tout en essayant de capter son regard. J'aimerais vraiment qu'on se voit plus souvent crois moi.

- Quelle est la raison de ta visite Kyoshi ? demanda Simbad amèrement. Car je suppose que tu n'es pas venu pour qu'on reparle de cela.

Il voulait effectivement éluder le sujet car cette discussion n'était que trop sortie ces derniers temps. La réponse froide du professeur eut un effet immédiat sur la jeune elfe, la faisant reculer d'un pas.

- Si je viens te voir aujourd'hui c'est que j'ai vraiment besoin que tu me rendes un service, répondit-elle froidement.

- Tu n'as pas une foule de gros bras prêt à exécuter tous tes souhaits sur le champ ? souffla-t-il les bras croisé l'air sarcastique.

- Le sarcasme ne te sied pas Simbad.

Il s'assit doucement contre le bord de son bureau, Kyoshi en face de lui attendant une réaction.

- Je suis sérieuse ! Reprit-elle l'air grave. L'affaire me préoccupe vraiment nous avons besoin d'un consultant de l'Académie et tu es la seule personne en qui j'ai réellement confiance.

- C'est le conseil qui t'envoie ! Je comprends mieux, conclut Simbad.

- Oui, mais c'est à mon initiative...

Elle coupa sa phrase avec hésitation puis s'assit silencieusement. Ses yeux devenaient fuyants, quelque chose devait la perturber.

- Pourquoi, que se passe-t-il ? Demanda l'elfe en se redressant.

Kyoshi lui tourna le dos un instant, fit quelques pas dans un silence gênant.

-   Écoute j'ai beaucoup hésité à proposer ta candidature. Encore aujourd'hui, j'hésite à me rétracter et ne rien te demander...

- Mais enfin que se passe-t-il, répéta t'il.

- Promets-moi tout d'abord que cette discussion ne sortira jamais de cette pièce car ce pourrait être dangereux.

Kyoshi commençait à lui faire peur, jamais elle n'avait réagi comme cela.

- Tu sais que tu peux compter sur moi, répondit-il sérieusement.

Elle le fixa dans les yeux jugeant probablement de sa sincérité, puis elle s'approcha doucement du professeur et l'enlaça. Ce n'est qu'une fois près de son oreille qu'elle dit à voix-basse :

- Vois-tu je crains que le gouvernement ne soit pourri de l'intérieur. Ma position fait que je suis pieds et poings liés. Je ne peux ni vérifier, ni accorder ma confiance à qui que ce soit. Je sens que je suis suivie mais je ne sais ni par qui et ni pourquoi.

L'approche surprise de Kyoshi rendit Simbad encore plus mal à l'aise. Ses propos sérieux étaient en total désaccord avec ses gestes d'affection.

- Je sais que ce que je te demande est dangereux, reprit-elle, et tu peux me croire que je suis effrayée à l'idée de te savoir en péril.

Pas un seul mot ne sortit, il était intimidé, curieux, mais également effrayé. Elle reprit en se reculant légèrement gardant ses bras autour de son cou. Mais son regard ne le croisait pas, elle fixait son épaule.

- La place que te procures le conseil dans l'affaire pourrait te permettre d'observer ce que je suis incapable de voir. Tu serais accompagné d'un détective réputé, il a déjà travaillé pour la maréchaussée il y a 10 ans de cela. Mais il aura besoin de toi.

Devant l'hésitation apparente de Simbad, son regard se redressa et croisa le sien. C'est alors qu'elle serra Simbad contre elle et l'embrassa longuement. Au bout de quelques secondes, elle redemanda une nouvelle fois :

- Est-ce que tu pourrais faire cela, pour moi ?

Le professeur souffla.

- Je le ferai tu peux compter sur moi !

Le regard de Kyoshi brilla d'espoir, ce qui la mena à l'embrasser à nouveau. Lui ne pouvait que penser à ce qui l'attendait et dans quoi on l'avait enrôlé.

- Prends tes affaires nous partons pour le palais sénatorial, conclut-elle en attrapant sa cape posée sur le divan.

- Comment déjà !?

Elle lui expliqua rapidement qu'une réunion les attendait et qu'ils n'étaient pas en avance. Il sentit alors qu'il n'aurait plus le droit de reculer dorénavant. Il eut juste le temps de griffonner un mot sur un parchemin.

« Désolé mon ami, mais l'échiquier devra attendre demain !

-Simbad. »

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